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10/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16792

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 novembre 2003, 16792


Tribunal administratif N° 16792 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2003 Audience publique du 10 novembre 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16792 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juillet 2003 par Maître Frédérique BARRETTI, avocat à la Cour, assisté de Maître Renaud LESQUEREN, avocat, demeurant tous les deux à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …,

de nationalité moldave et de citoyenneté ukrainienne, de son épouse, Madame …, née le …, de...

Tribunal administratif N° 16792 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2003 Audience publique du 10 novembre 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16792 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juillet 2003 par Maître Frédérique BARRETTI, avocat à la Cour, assisté de Maître Renaud LESQUEREN, avocat, demeurant tous les deux à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité moldave et de citoyenneté ukrainienne, de son épouse, Madame …, née le …, de nationalité ukrainienne, accompagnés de leur fils mineur …, né le … , de nationalité moldave et de citoyenneté ukrainienne, et de leur fils majeur Monsieur …, né le …, de nationalité moldave et de citoyenneté ukrainienne, demeurant actuellement tous ensemble à L-… , tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 14 mai 2003 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du même ministre du 30 juin 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Renaud LESQUEREN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 novembre 2003.

Le 16 mai 2002, la famille …-… introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour toute la famille fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 25 juin 2002 et le 12 mai 2003, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Madame … fut entendue en date des 25 juin 2002 et 12 mai 2003 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Monsieur … … fut entendu le 13 mai 2003 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 14 mai 2003, envoyée par lettre recommandée le 21 mai 2003, le ministre de la Justice informa la famille …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

Par courrier de leur mandataire du 10 juin 2003, la famille …-… fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 30 juin 2003 envoyée par lettre recommandée le même jour, le ministre de la Justice confirma sa décision du 14 mai 2003.

Le 29 juillet 2003, la famille …-… a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation, sinon en annulation contre les deux décisions ministérielles de refus datées des 14 mai et 30 juin 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est par conséquent irrecevable.

Le mandataire de la famille …-… fait valoir qu’il faudrait analyser séparément la situation de Madame … et celle de son mari Monsieur ….

Madame … fait valoir qu’elle aurait subi des agressions graves pendant l’exercice de ses fonctions d’infirmière en chef à l’hôpital clinique de Kherson en automne 2001.

Elle ajoute qu’elle aurait été « rackettée », et qu’elle aurait dû donner des médicaments à ses agresseurs et que pour faire pression sur elle ses agresseurs auraient roué de coups son fils, Monsieur … …. Elle continue qu’elle aurait aidé vers la mi-avril 2002 son beau-

frère à échapper à la milice pendant son séjour à l’hôpital, que suite à cet incident elle aurait été retenue trois jours dans un bureau de la milice et que malgré une plainte afférente déposée par sa belle-sœur, le parquet n’aurait jamais enquêté, de sorte qu’elle aurait décidé de fuir son pays.

Les faits relatés par Monsieur … à la base de sa demande d’asile sont les mêmes que ceux relatés par son épouse.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par la famille …-…, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne la situation propre de Monsieur …, force est de constater qu’il est en aveu qu’au moment des faits relatés par lui il était en Allemagne respectivement en Belgique, de sorte que ces faits ne sauraient constituer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Concernant le motif invoqué par Monsieur … …, force est de constater qu’il s’agit d’un événement isolé ne revêtant pas un caractère de gravité suffisant, de sorte qu’il n’établit pas un état de persécution personnel vécu ou une crainte qui serait telle que sa vie lui serait à raison intolérable dans son pays d’origine.

En ce qui concerne la situation propre de Madame …, les agressions mises en avant par elle de la part d’inconnus, s’agissant de persécutions commises par des tiers et non pas par les autorités étatiques, ne sauraient en tout état de cause être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’offrir une protection contre ces actes. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. Or en l’espèce, la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer sa protection.

En ce qui concerne son prétendu emprisonnement datant de mi-avril 2002, force est de constater que le mandataire de Madame … affirme formellement qu’elle a seulement travaillé jusqu’au 14 mars 2002 à l’hôpital de Kherson, de sorte que ce fait ne saurait pas non plus valoir comme motif d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

De tout ce qui précède, il résulte que la famille …-… reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 novembre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s.SCHMIT S. LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16792
Date de la décision : 10/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-10;16792 ?

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