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10/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16546

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 novembre 2003, 16546


Tribunal administratif N° 16546 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2003 Audience publique du 10 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de traitement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16546 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 juin 2003 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom d

e Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la déci...

Tribunal administratif N° 16546 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2003 Audience publique du 10 novembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de traitement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16546 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 juin 2003 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur du 12 décembre 2002, tendant à la suspension du paiement de son traitement avec effet à partir du 1er octobre 2002 sur base des dispositions de l’article 52 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 juillet 2003 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle déférée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Paul WILTZIUS et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 novembre 2003.

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Considérant qu’en date du 12 décembre 2002, Monsieur …, né le…, a fait l’objet d’une décision du ministre de l’Intérieur, adressée à son mandataire, libellée comme suit :

« Maître, En réponse à votre courrier du 22 novembre 2002 adressé à la Direction Générale de la Police, j’ai l’honneur de vous faire savoir que la Commission des Pensions a décidé le 05 mars 2001 que votre mandant …, …, n’est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état d’exercer ses fonctions et qu’il peut reprendre son service à plein temps.

Etant donné que l’intéressé continue à déserter son lieu de travail, j’ai demandé au Ministère de la Fonction publique de faire appliquer l’article 52 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat sur base d’un avis du 30 septembre 2002 de la Commissions des Pensions. Le paiement du traitement de Monsieur … est ainsi suspendu à partir du 1er octobre 2002.

Monsieur … conteste formellement que les raisons de santé qui l’obligent depuis le 08 octobre 2001 à s’absenter de son lieu de travail soient les mêmes que celles invoquées au moment de solliciter sa mise à la retraite prématurée et que de ce fait l’article 52 de la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée serait inopérant. Suivant certificat médical du 19 novembre 2002, Monsieur … serait atteint d’une fibromyalgie dont les premiers symptômes serai(en)t apparus en septembre 2001.

Cette affirmation est contredite par le rapport médical établi par le médecin chargé par le Président de la Commission des Pensions de l’expertise médicale de votre mandant et qui a diagnostiqué dès septembre 2000 une fibromyalgie.

Les congés de maladie de votre mandant étant en relation directe avec l’affection ayant entraîné sa comparution devant la commission ad hoc, les dispositions des points 3 et 4 de l’article 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat lui sont applicables.

La décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal Administratif à introduire par ministère d’avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente.

Veuillez agréer, Maître, l’expression de ma considération très distinguée.

Le ministre de l’Intérieur ».

Que par courrier de son mandataire du 6 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prérelatée, lequel a été rencontré par une décision confirmative du ministre de l’Intérieur du 19 mars 2003 maintenant la suspension du paiement du traitement du demandeur avec effet au 1er octobre 2002 ;

Considérant que par requête déposée en date du 12 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle prérelatée du 12 décembre 2002 ;

Considérant que les pièces déposées au nom du demandeur en date du 4 novembre 2003 sont à écarter pour avoir été fournies après le rapport du juge-rapporteur à l’audience ;

Considérant que relativement au recours en réformation introduit en ordre principal, le tribunal est amené à vérifier d’office sa compétence d’attribution ;

Considérant que le recours n’étant dirigé ni contre une décision de la commission des pensions, ni contre une décision relative aux pensions et autres prestations prévues par la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée, le tribunal n’est pas compétent pour connaître d’un recours en pleine juridiction intenté sur base de ses articles 32 et 50 alinéa dernier ;

Considérant que le litige n’ayant pas trait à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat prévue par l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignéE par « le statut général » – le montant dégagé des rémunérations dont le paiement se trouve être suspendu n’étant point contesté en cause en tant que tel, seule la question du principe de la restitution faisant difficulté – le tribunal n’est pas non plus appelé à connaître comme juge du fond du recours sous analyse sur base dudit article 26 ;

Considérant qu’aucun recours de pleine juridiction n’étant par ailleurs prévu par la loi en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 12 décembre 2002 est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, étant entendu que la décision déférée et celle purement confirmative sur recours gracieux, encore que non expressément déférée, sont à considérer comme étant confondues ;

Considérant qu’au fond le demandeur ne critique point le principe même de l’applicabilité ni de l’article 52 de la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée, ni de l’article 12 du statut général, pris plus particulièrement en ses points 3 et 4, mais conteste essentiellement le rapport entre ses congés de maladie depuis le 8 octobre 2001 et l’affection ayant entraîné sa comparution devant la commission des pensions le 5 mars 2001 ;

Que le demandeur d’insister sur le caractère évolutif de la maladie dont il serait atteint actuellement, analysée en tant que fibromyalgie, et renvoie plus particulièrement à un certificat du docteur x par lui versé du 19 novembre 2002 ;

Qu’il souligne à cet escient que le seul médecin intervenu dans le dossier à avoir parlé de fibromyalgie dans son chef avant la décision de la commission des pensions du 5 mars 2001 était en septembre 2000 le docteur Y, chargé par le président de la commission des pensions suivant courrier du 21 juillet 2000, suite à une saisine de ce dernier par le ministre de l’Intérieur ;

Que le demandeur de faire valoir que si cette fibromyalgie avait à l’époque été invalidante, la commission des pensions aurait dû – contre son gré – prononcer sa mise à la retraite, étant constant qu’elle a été saisie par l’Etat-employeur et non par lui-même ;

Qu’eu égard à cette réalité de fait il estime qu’on ne saurait valablement le « punir » actuellement en arguant d’une affection détectée avant la décision de la commission des pensions du 5 mars 2001 en relation directe avec ses congés de maladie actuels ayant engendré la décision ministérielle déférée ;

Que le délégué du Gouvernement de reprendre l’argumentaire développé à travers la décision ministérielle prérelatée en insistant sur la préexistence par rapport à la décision de la commission des pensions du 5 mars 2001 d’une fibromyalgie diffuse diagnostiquée déjà par le docteur Y le 7 septembre 2000 ;

Considérant que la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée dispose en son article 52 que « lorsqu’un fonctionnaire qui a comparu devant la commission, soit à sa demande, soit à la demande de l’administration, n’a pas été reconnu sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service, il est tenu de reprendre son service à partir du 1er jour du mois qui suit celui pendant lequel la décision de la commission est intervenue.

Si, postérieurement à la décision de la commission, l’intéressé sollicite des congés de maladie en rapport avec l’affection ayant entraîné sa comparution devant la commission, les dispositions des points 3 et 4 de l’article 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat lui sont applicables » ;

Considérant que l’article 12 du statut général est conçu comme suit :

« 1. Le fonctionnaire ne peut s’absenter de son service sans autorisation.

2. Celle-ci fait défaut notamment lorsque le fonctionnaire absent refuse de se faire examiner par un médecin désigné par l’administration ou que ce dernier le reconnaît apte au service.

3. En cas d’absence sans autorisation, le fonctionnaire perd de plein droit la partie de sa rémunération correspondant au temps de son absence, sans préjudice de l’application éventuelle de sanctions disciplinaires.

4. Dans le cas prévu au paragraphe qui précède, il est réservé au Grand-Duc de disposer, en faveur de l’épouse et des enfants mineurs du fonctionnaire, jusqu’à concurrence de la moitié de la rémunération retenue. » ;

Considérant qu’il est constant en fait que suivant la décision non attaquée de la commission des pensions du 5 mars 2001, Monsieur … n’a pas été reconnu sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service, conformément aux dispositions de l’article 52, alinéa 1er de la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée ;

Considérant qu’il est encore acquis que postérieurement à cette décision, l’intéressé a sollicité plusieurs congés de maladie et que depuis le 8 octobre 2001 il n’a plus repris son travail, étant entendu qu’il a été mis à la retraite avec effet à partir du 1er avril 2003 ;

Considérant que la décision ministérielle déférée opère la suspension du paiement des traitements dans le chef de Monsieur … avec effet à partir du 1er octobre 2002 en s’appuyant plus particulièrement sur un avis de la commission des pensions du 30 septembre 2002 ;

Considérant que dans le cadre du recours en annulation lui soumis, le tribunal est amené à vérifier, aux termes de l’article 52, alinéa 2 de la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée, si les congés de maladie sollicités par Monsieur … pour la période postérieure au 1er octobre 2002 sont « en rapport avec l’affection ayant entraîné la comparution de l’intéressé devant la commission des pensions » du 5 mars 2001, de sorte à déclencher l’applicabilité de l’article 12 du statut général pris en ses points 3 et 4 ;

Considérant que le demandeur suggère « à la limite » l’institution d’une opération d’expertise, le délégué du Gouvernement ne s’y opposant pas formellement ;

Considérant qu’au stade de la vérification de l’existence et de la matérialité des faits à la base de la décision déférée, le tribunal est amené à constater que la question du rapport entre l’affection de Monsieur … ayant entraîné sa comparution devant la commission des pensions en mars 2001 et les congés de maladie s’étendant après le 1er octobre 2002 relève de considérations d’ordre essentiellement médical pour l’appréciation objective desquelles le tribunal n’est pas spécialement outillé au stade actuel de la procédure ;

Considérant que dans les conditions données et à défaut d’outils d’appréciation plus amples à sa disposition, le tribunal est amené à avoir recours aux lumières d’un collège d’hommes et de femmes de l’art, tous autres moyens des parties restant réservés, en vue de cerner plus précisément les éléments à la base des congés de maladie sollicités par Monsieur … pour la période postérieure au 1er octobre 2002, ainsi que leur rapport avec l’affection ayant entraîné sa comparution antérieure devant la commission des pensions qui a abouti à la décision du 5 mars 2001.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, avant tout autre progrès en cause, nomme experts :

1. Monsieur Paul HEMMER, médecin spécialiste en rhumatologie, demeurant à L-

2340 Luxembourg, 1, rue Philippe II 2. Monsieur Roland HIRSCH, médecin spécialiste en neuro-psychiatrie, établi à L-

9012 Ettelbruck, 17, avenue des Alliés, 3. Monsieur Jacques PREYVAL, médecin spécialiste en médecine légale, demeurant à L-3333 Hellange, 49, rue de bettembourg avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de cerner les éléments à la base des congés de maladie sollicités par Monsieur … pour la période postérieure au 1er octobre 2002, ainsi que leur rapport avec l’affection ayant entraîné sa comparution antérieure devant la commission des pensions ayant abouti à la décision du 5 mars 2001 ;

dit que les experts sont autorisés à entendre des tierces personnes et notamment les auteurs de certificats et rapports établis en relation avec les faits faisant l’objet de leur mission ;

invite les experts à remettre leur rapport pour le 20 décembre 2003 au plus tard quitte à solliciter un report de cette date au cas où ils n’arriveraient pas à ce faire dans le délai imparti ;

ordonne au demandeur de consigner la somme de 750 € à titre d’avance sur les frais et honoraires des experts à la caisse des consignations et d’en justifier au tribunal ;

réserve les frais ;

fixe l’affaire au rôle général.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 novembre 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16546
Date de la décision : 10/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-10;16546 ?

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