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07/11/2003 | LUXEMBOURG | N°17120

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 novembre 2003, 17120


Tribunal administratif Numéro 17120 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2003 Audience publique du 7 novembre 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17120 du rôle, déposée le 31 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, nÃ

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Tribunal administratif Numéro 17120 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2003 Audience publique du 7 novembre 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17120 du rôle, déposée le 31 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité nigérienne, actuellement placée au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 16 octobre 2003 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 novembre 2003.

Il se dégage notamment d’un rapport de la police grand-ducale dressé le 16 octobre 2003 qu’en date du même jour, « gegen 01.45 Uhr wurden in der hauptstädtischen rue de Hollerich auf einem Parkplatz 3 Damen angetroffen, welche versuchten, zusammengekauert sich hinter einem Pkw zu verstecken. Die 3 Damen wurden aufgefordert, hervor zu treten und sich auszuweisen. Die Damen konnten sich nur anhand einer Kopie eines in Frankreich ausgestellten Asylantrags ausweisen. Es handelte sich um die obenerwähnte …, welche in Begleitung von … und … war. Die Damen waren nicht im Besitz von gültigen Ausweispapieren und waren somit als unerwünschte Ausländerinnen zu betrachten. Sie wurden zwecks Überprüfung der Personalien zu hiesiger Dienststelle verbracht.

1 Gegen 02.00 Uhr wurde die Kriminalpolizei, Abt. Fremdenpolizei, Commissaire A. G., über Vorstehendes in Kenntnis gesetzt. Herr A. ordnete an, bei den französischen Kollegen in Erfahrung zu bringen, ob die 3 Damen nach Frankreich zurückgeführt werden könnten und somit unsererseits über die französische Grenze abgeschoben würden. Anderenfalls solle man bei der Staatsanwaltschaft eine „mesure de rétention“ beantragen.

Gegen 02.05 Uhr wurden die französischen Kollegen in Kenntnis gesetzt, welche allerdings nur wenig kooperativ waren. Herr C. des C.O.G. war der Auffassung, dass er nicht zu dieser Zeit die französische Staatsanwaltschaft für solche Bagatellen in Kenntnis setzen würde, da er die Antwort schon im Vorfeld kennen würde.

Um 02.15 Uhr wurde die Staatsanwaltschaft, Herr Substitut W. S., von dem Vorfall in Kenntnis gesetzt, welcher hieraufhin eine „mesure de rétention“ anordnete, da das Justizministerium zu der Zeit nicht erreicht werden konnte. » Le même jour, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Madame … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, ci-après dénommé le « Centre provisoire », pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le procès-verbal n° 52037 du 16 janvier 2003 établi par la Police grand-ducale, Service Groupe Gare ;

Considérant que le Parquet a ordonné une mesure de rétention en date du 16 octobre 2003 ;

Considérant que l’intéressée est démunie de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’elle ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’elle se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’elle est en possession d’un récépissé constatant le dépôt d’une demande de statut de réfugié en France sous le n° 7603026959 ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu des dispositions du règlement n° CE 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée dans les meilleurs délais aux autorités françaises ;

- qu’en attendant l’accord de reprise l’éloignement immédiat de l’intéressée n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressée est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

2 Par requête déposée le 31 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision préindiquée du 16 octobre 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, la demanderesse relève sa qualité de demandeur d’asile en France et soutient qu’elle aurait, dès le début, demandé son éloignement vers la France, qu’il n’existerait aucun danger de fuite dans son chef, que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas entrepris des diligences nécessaires pour assurer son prompt éloignement et que son placement au « Centre pénitentiaire de Schrassig » et le fait de lui infliger un traitement quasi-identique à celui des détenus de droit commun manqueraient au principe de proportionnalité. Sur ce, elle sollicite la réformation de la décision déférée et sa remise en liberté immédiate.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement relève que la demanderesse aurait été en séjour irrégulier au Luxembourg, que son placement, non pas dans un centre pénitentiaire, mais une partie spécifique aménagée spécialement en centre de séjour pour étrangers en séjour illégal, serait légalement justifié en attendant son éloignement, des diligences afférentes ayant été prises et que l’éloignement serait prévu dans les prochains jours. Lors des plaidoiries, le délégué du gouvernement a précisé que le retour serait prévu pour le lundi 11 novembre 2003.

Concernant la justification, au fond, de la mesure de placement, il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Il se dégage du dossier et des renseignements dont dispose le tribunal que l’éloignement de l’intéressée est basé sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence, « …. 4. qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis … ».

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier administratif, notamment du rapport de la police grand-ducale précité du 16 octobre 2003 que la demanderesse était en séjour au Grand-Duché sans être en possession de papiers de légitimation et de visa d’entrée au pays.

3 Le défaut de papiers de légitimation et du visa requis par la loi est un motif légal justifiant une mesure de refoulement, susceptible de servir de base à la mesure de placement prise en exécution de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la demanderesse était sous le coup d’une décision de refoulement légalement prise et justifiée, qui constitue une base légale de la décision de placement. – Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que la demanderesse a entamé en France une procédure de reconnaissance du statut de réfugié, pareille circonstance n’étant pas de nature à lui garantir un titre de voyage ou de séjour au Luxembourg.

La mesure de placement entreprise n’est cependant légalement admissible que si l’éloignement ne peut être immédiatement mis à exécution en raison d’une circonstance de fait.

Cette exigence légale appelle le tribunal à vérifier si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances de fait permettant de justifier en l’espèce une impossibilité de procéder à un éloignement immédiat de l’intéressé.

Force est de relever que la mesure de placement a été prise le 16 octobre 2003 et que la demanderesse a été retenue depuis lors au Centre de séjour provisoire à Schrassig, lequel, s’il ne peut certes pas être assimilé, notamment de par le régime y applicable, à un centre pénitentiaire, implique non moins une privation de liberté, et qu’à l’heure actuelle, elle y est toujours retenue dans l’attente de son éloignement.

Force est encore et surtout de constater que Madame … est demanderesse d’asile en France, fait que les autorités luxembourgeoises connaissaient dès son arrestation par la police, que lesdites autorités ont cependant attendu 7 jours, c’est-à-dire jusqu’au 22 octobre 2003, pour contacter leurs homologues français en vue de la reprise de la demanderesse et que, si les autorités françaises ont marqué leur accord en date du 3 novembre 2003, l’éloignement de la demanderesse n’est actuellement fixé qu’au 11 novembre 2003, soit seulement 8 jours après l’accord de reprise des autorités françaises, sans qu’une explication valable quant aux raisons de ces délais n’ait été apportée.

Il suit des considérations qui précèdent que l’impossibilité d’un éloignement immédiat, certes patente au jour de la prise de la décision litigieuse, voire encore au cours des premières journées qui s’ensuivirent, laisse d’être établie au jour du présent jugement.

Comme le tribunal statuant dans le cadre d’un recours en réformation est appelé à apprécier la décision déférée au jour où il statue, il y a lieu de constater que la décision de placement du 16 octobre 2003 ne remplit plus les conditions imposées par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972.

Le tribunal est partant amené à réformer la décision querellée et à ordonner la libération immédiate de la demanderesse, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments invoqués.

Par ces motifs, 4 le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare également justifié ;

partant, par réformation, met fin à la décision du ministre de la Justice du 16 octobre 2003 et ordonne la mise en liberté immédiate de Madame … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique extraordinaire du 7 novembre 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17120
Date de la décision : 07/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-07;17120 ?

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