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06/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16262

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 novembre 2003, 16262


Numéro 16262 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2003 Audience publique du 6 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … et Monsieur … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16262 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Zhejiang (C...

Numéro 16262 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2003 Audience publique du 6 novembre 2003 Recours formé par Monsieur … et Monsieur … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16262 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Zhejiang (Chine), de nationalité chinoise, demeurant actuellement à Zhejiang, …, et de Monsieur …, de nationalité chinoise, exploitant le restaurant « … », demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 9 janvier 2003 refusant d’accorder à Monsieur …, préqualifié, un permis de travail pour un emploi de cuisinier auprès du restaurant « … »;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 9 janvier 2003, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé « le ministre », refusa de faire droit à la demande en obtention d’un permis de travail présentée par Monsieur …, de nationalité chinoise, pour un emploi auprès du restaurant « … », exploité par Monsieur …, en qualité de cuisinier « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

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des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 79 cuisiniers, dont 24 avec CATP, inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

recrutement à l’étranger non autorisé ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2003, Monsieur … et Monsieur …, en sa qualité d’exploitant du restaurant « … », ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 9 janvier 2003.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font exposer que le restaurant « … » aurait été à la recherche d’un cuisinier dans le domaine de la cuisine chinoise, qu’à la suite d’une déclaration de poste vacant effectuée au mois de janvier 2002, seule une personne aurait été assignée par l’administration de l’Emploi et que le candidat en question n’aurait nullement rempli les conditions énoncées par l’employeur dans sa déclaration de poste vacant, que dans la mesure où aucun autre candidat n’aurait été assigné audit employeur, celui-ci aurait trouvé en la personne de Monsieur …, résidant dans la République populaire de Chine, la personne apte à exercer le travail offert par ledit restaurant.

Ils repro…t tout d’abord au ministre de s’être basé, dans sa décision, sur des formules standards, en se limitant à reprendre de manière abstraite les motifs prévus par la loi, sans préciser exactement les conditions particulières sur base desquelles la décision a été prise. Ainsi, l’administration aurait pêché par une absence de motivation mettant le juge administratif dans l’impossibilité de contrôler la légalité de l’acte attaqué.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen tendant à l’annulation de l’acte attaqué, étant donné qu’il échet de rappeler qu’une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

En l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 9 janvier 2003 énonce 4 motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation ayant utilement été complétée et explicitée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que les demandeurs n’ont pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision ministérielle déférée, étant relevé qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

En l’espèce, parmi les 4 motifs invoqués à la base du refus ministériel déféré figure celui du défaut d’autorisation quant au recrutement à l’étranger.

Le représentant étatique expose à ce sujet que Monsieur … n’a pas et n’a jamais eu d’autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’il serait à considérer comme étant un étranger ayant été recruté dans un pays non membre de l’Espace Economique Européen.

Concernant le motif de refus basé sur le recrutement non autorisé à l’étranger de Monsieur …, il y a lieu de constater que conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, sauf l’exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art. 16).

En l’espèce, il est constant que Monsieur … a été recruté en Chine et qu’il n’a pas d’autorisation de séjour valable au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’il a été recruté à l’étranger au sens de la disposition légale précitée et que partant au vœu des dispositions de l’article 16.2 précité, l’employeur ayant eu l’intention d’engager Monsieur … aurait préalablement dû solliciter en premier lieu l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger.

Dans la mesure où aucun élément du dossier tel que présenté en cause ne permet d’établir que le recrutement à l’étranger de Monsieur … fut dûment autorisé, les faits à la base du motif de refus sous examen sont à considérer comme étant établis en cause.

La méconnaissance de l’obligation légale dans le chef de l’employeur de solliciter en premier lieu auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger est susceptible de sanctions pénales expressément énoncées à l’article 41 de la loi précitée du 21 février 1976, lequel dispose notamment qu’est puni d’une amende de 500 à 25.000 € toute personne qui exerce une activité de recrutement de travailleurs à l’étranger sans être en possession de l’autorisation préalable prévue à l’article 16 de la même loi ou qui n’observe pas les conditions imposées dans ladite autorisation.

Au-delà du fait qu’une sanction pénale est prévue par l’article 41 prévisé, il convient d’analyser si le non-respect de la formalité préalable à l’emploi d’un travailleur étranger inscrite à l’article 16 (2) précité est de nature à justifier une décision de refus du permis de travail.

A cet égard, il a été décidé par la Cour administrative que l’article 16 (1) de la loi précitée du 21 février 1976, fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays, la Cour s’étant référée à cet égard aux documents parlementaires n° 1682 entrevus plus particulièrement à partir de leur exposé des motifs, pour conclure au caractère impératif de la règle de procédure sous examen (cf. Cour adm. 22 octobre 2002, n°s 14539C et 14967C du rôle, non encore publiés).

Il s’ensuit que le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé, au regard des considérations ci-avant fondées sur une jurisprudence constante de la Cour administrative, s’inscrit dans le cadre légal tracé par les dispositions de l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, en vertu desquelles seules « des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » peuvent être invoquées pour motiver le refus du permis de travail, de sorte que le tribunal, statuant sur la légalité d’une décision de refus du permis de travail, est appelé à vérifier si les dispositions de l’article 16 (2) de la loi précitée du 21 février 1976 ont été observées.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’au-delà de toute question pouvant se poser en l’espèce au sujet de la disponibilité effective de ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen bénéficiant d’une priorité à l’emploi et susceptibles de pouvoir utilement occuper le poste de travail en question, l’arrêté ministériel litigieux est motivé à suffisance de droit et de fait par le seul constat du non-respect de la formalité inscrite à l’article 16 (2) de la loi précitée du 21 février 1976, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ainsi que les moyens y afférents.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 6 novembre 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16262
Date de la décision : 06/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-06;16262 ?

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