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06/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16224

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 novembre 2003, 16224


Tribunal administratif N° 16224 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 avril 2003 Audience publique du 6 novembre 2003

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Recours formé par la société … s. à r. l.

contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16224 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2003 par Maître Arsène THILL, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société … s. à r. l., établie e...

Tribunal administratif N° 16224 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 avril 2003 Audience publique du 6 novembre 2003

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Recours formé par la société … s. à r. l.

contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16224 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2003 par Maître Arsène THILL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société … s. à r. l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 25 septembre 2002 refusant d’accorder à Monsieur …, cuisinier, né le … à Nanjing City (Chine), demeurant à Nanjing City, …, un permis de travail pour un emploi de cuisinier auprès de la société … s. à r. l., préqualifiée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 31 décembre 2002 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2003 par Maître Arsène THILL au nom de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Arsène THILL, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 25 septembre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé « le ministre », a refusé de faire droit à la demande en obtention d’un permis de travail au profit de Monsieur …, de nationalité chinoise, pour un emploi auprès de la société … s. à r. l. en qualité de cuisinier « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 45 cuisiniers, dont 1 cuisinier chinois, inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - recrutement à l’étranger non autorisé ».

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire en date du 18 novembre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 31 décembre 2002, la société … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle du 25 septembre 2002 et de la décision confirmative du 31 décembre 2002 par requête déposée le 3 avril 2003.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La demanderesse reproche en premier lieu à la décision du 25 septembre 2002 d’être intervenue en violation de l’article 4 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, au motif que l’avis de la commission spéciale, telle qu’instituée par l’article 7 bis du règlement grand-

ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg n’était pas joint à ladite décision.

Or, force est de constater que s’il est vrai que l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, énonce des règles quant à la régularité formelle et à la motivation des avis des organismes consultatifs, aucune disposition de la procédure administrative non contentieuse n’impose cependant à l’administration de communiquer ces avis en toute hypothèse aux administrés concernés. Il ne saurait en être autrement que dans des matières spéciales où une disposition légale ou réglementaire prescrit une telle communication ( cf.

trib. adm. 27 février 1997, n° 9599 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 13 et autres décisions y citées). En l’espèce, à défaut d’existence d’une telle disposition légale ou réglementaire en la présente matière et en l’absence d’une demande de communication de la demanderesse, le ministre n’était pas tenu de joindre à sa décision du 25 septembre 2002 l’avis de la commission spéciale du 16 septembre 2002, qui a été produit en cours de procédure contentieuse sans qu’il n’ait cependant été crtitiqué quant à sa régularité.

Le moyen d’annulation afférent est partant à rejeter.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer qu’elle aurait été à la recherche d’un cuisinier dans le domaine de la cuisine à vapeur de la région de Shanghai, que Monsieur FU disposerait d’une expérience incontestable en la matière, étant donné qu’il aurait travaillé pour de grands hôtels et restaurants en Chine, qu’elle aurait introduit à cette fin en date du 20 octobre 2001 une demande en octroi d’un permis de travail en faveur de Monsieur FU, que le recrutement d’un chef de cuisine d’une telle expérience ne pourrait se faire qu’en Chine et que l’introduction d’une déclaration d’engagement tiendrait lieu d’une déclaration de poste vacant. La demanderesse estime partant que la décision ministérielle ne serait pas justifiée, au motif qu’aucun des cuisiniers inscrits auprès de l’administration de l’Emploi comme demandeur d’emploi n’aurait été qualifié pour le poste en question.

Quant au bien-fondé de la décision attaquée, le représentant étatique expose en premier lieu que Monsieur FU n’aurait jamais eu d’autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg et que l’employeur n’aurait pas sollicité auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger, ce qui équivaudrait à un recrutement à l’étranger non autorisé. En second lieu, le délégué du gouvernement estime que l’employeur n’aurait pas respecté son obligation de déclarer le poste vacant. Finalement, il estime que des demandeurs d’emploi appropriés bénéficiant de la priorité à l’embauche, dont un cuisinier chinois, auraient été disponibles sur place au moment de la prise de décision.

Concernant d’abord le motif de refus basé sur le recrutement non autorisé à l’étranger de Monsieur FU, il y a lieu de constater que conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, sauf l’exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art. 16).

En l’espèce, il est constant que Monsieur FU a été recruté en Chine et qu’il n’a pas d’autorisation de séjour valable au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’au vœu des dispositions de l’article 16.2 précité, l’employeur ayant eu l’intention d’engager Monsieur FU aurait préalablement dû solliciter l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger.

Dans la mesure où aucun élément du dossier tel que présenté en cause ne permet d’établir que le recrutement à l’étranger de Monsieur … fut dûment autorisé, les faits à la base du motif de refus sous examen sont à considérer comme étant établis en cause.

La méconnaissance de l’obligation légale dans le chef de l’employeur de solliciter en premier lieu auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger est susceptible de sanctions pénales expressément énoncées à l’article 41 de la loi du 21 février 1976, précitée, lequel dispose notamment qu’est puni d’une amende de 500 à 25.000 € toute personne qui exerce une activité de recrutement de travailleurs à l’étranger sans être en possession de l’autorisation préalable prévue à l’article 16 de la même loi ou qui n’observe pas les conditions imposées dans ladite autorisation.

Au-delà du fait qu’une sanction pénale est prévue par l’article 41 prévisé, il convient d’analyser si le non-respect de la formalité préalable à l’emploi d’un travailleur étranger inscrite à l’article 16 (2) précité est de nature à justifier une décision de refus du permis de travail.

A cet égard, il a été décidé par la Cour administrative que l’article 16 (1) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays, la Cour s’étant référée à cet égard aux documents parlementaires n° 1682 entrevus plus particulièrement à partir de leur exposé des motifs, pour conclure au caractère impératif de la règle de procédure sous examen (cf. Cour adm. 22 octobre 2002, n°s 14539C et 14967C du rôle, non encore publiés).

Il s’ensuit que le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé, au regard des considérations ci-avant fondées sur une jurisprudence constante de la Cour administrative, s’inscrit dans le cadre légal tracé par les dispositions de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en vertu desquelles seules « des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi », peuvent être invoquées pour motiver le refus du permis de travail, de sorte que le tribunal, statuant sur la légalité d’une décision de refus du permis de travail, est appelé à vérifier si les dispositions de l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, ont été observées.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’au-delà de toute question pouvant se poser en l’espèce au sujet de la disponibilité effective de ressortissants de l’Union Européenne ou de l’E.E.E. bénéficiant d’une priorité à l’emploi et susceptibles de pouvoir utilement occuper le poste de travail en question, l’arrêté ministériel litigieux est motivé à suffisance de droit et de fait par le seul constat du non-respect de la formalité inscrite à l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ainsi que les moyens y afférents.

Au vu de l’issue du litige, la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000.- euros formulée par la demanderesse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 6 novembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16224
Date de la décision : 06/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-06;16224 ?

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