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04/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16682C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 novembre 2003, 16682C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 16682C Inscrit le 4 juillet 2003

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Audience publique du 4 novembre 2003 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique Appel (jugement entrepris du 2 juin 2003, no 15758 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé

au greffe de la Cour administrative le 4 juillet 2003 par Maître Edmond Dauphin, avoca...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 16682C Inscrit le 4 juillet 2003

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Audience publique du 4 novembre 2003 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique Appel (jugement entrepris du 2 juin 2003, no 15758 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 4 juillet 2003 par Maître Edmond Dauphin, avocat à la Cour, au nom d’…, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 2 juin 2003 en matière de statut de réfugié politique, à la requête de l’actuel appelant contre deux décisions du ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative par le délégué du Gouvernement Jean- Paul Reiter à la date du 18 juillet 2003.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport à l’audience publique du 7 octobre 2003 et Maître Edmond Dauphin, ainsi que le délégué du Gouvernement Gilles Roth en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 15758 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2002 par Maître Edmond Dauphin, avocat à la Cour, …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, a demandé la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 5 septembre 2002, notifiée le 8 octobre 2002, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 18 novembre 2002 suite à un recours gracieux du demandeur.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement en date du 2 juin 2003, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Edmond Dauphin, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 4 juillet 2003.

Le jugement est entrepris par rapport aux décisions ministérielles déférées pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits, à savoir notamment la situation de musulman de l’appelant au Kosovo.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date 18 juillet 2003 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

La Cour estime, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux premiers juges, que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré les conclusions juridiques exactes.

Le demandeur continue à exposer en instance d’appel être originaire du Kosovo et appartenir à la minorité des « bochniaques », dont les membres connaîtraient de nombreux problèmes et discriminations en raison de leur appartenance ethnique, ces problèmes émanant tant des Serbes que des Albanais et que les forces internationales ne seraient pas capables d’y faire face. Il estime encore qu’une possibilité de fuite interne n’existerait pas dans son chef.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à juste titre que les premiers juges ont décidé que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques ne sauraient être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’offrir une protection suffisante contre ces actes, ce défaut de protection devant être mis suffisamment en évidence par le demandeur d’asile.

2 En l’espèce, l’appelant fait état de sa crainte de persécutions de la part d’Albanais du Kosovo à son encontre en raison de son appartenance à la minorité des « bochniaques ». Force est de constater à cet égard que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des « bochniaques », est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Saisi d’un recours en réformation, le juge administratif est appelé à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ.

En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

A cet égard, il y a lieu de constater en plus que suivant un rapport récent de l’UNHCR sur la situation des minorités au Kosovo datant de janvier 2003, la situation de sécurité générale des « bochniaques » du Kosovo est restée stable et n’a pas été marquée par des incidents d’une violence sérieuse, de même qu’il est relevé dans ledit rapport que dans la période entre avril et octobre 2002 la situation des minorités au Kosovo au regard de leur sécurité a continué à s’améliorer, certes non pas de manière uniforme sur tout le territoire du Kosovo, mais de manière plus ou moins accélérée suivant les différentes régions passées sous revue, de sorte que les considérations avancées dans ledit rapport au sujet de l’organisation de retours forcés au Kosovo ne permettent pas pour autant de conclure que la situation générale des « bochniaques » au Kosovo serait à l’heure actuelle grave au point que la seule appartenance à la dite minorité justifierait l’octroi du statut de réfugié dans leur chef.

L’appelant reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer sa protection, les craintes exprimées par lui en raison de la prétendue hostilité de certains Albanais à son égard et de la situation générale tendue dans sa région d’origine, s’analysent, au contraire seulement en un sentiment général de peur, insuffisant à établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Le jugement du 2 juin 2003 est partant à confirmer .

Par ces motifs, 3 la Cour, statuant contradictoirement ;

reçoit l’acte d’appel du 4 juillet 2003 ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 2 juin 2003 dans toute sa teneur ;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par Marion Lanners, vice-présidente Christiane Diederich-Tournay, conseiller Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur et lu par la vice-présidente Marion Lanners en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier la vice-présidente 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16682C
Date de la décision : 04/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-11-04;16682c ?

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