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23/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16474

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2003, 16474


Tribunal administratif N° 16474 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 mai 2003 Audience publique du 23 octobre 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16474 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2003 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M.

…, né le … à Ainbenian (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à ...

Tribunal administratif N° 16474 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 mai 2003 Audience publique du 23 octobre 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16474 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2003 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Ainbenian (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 7 janvier 2003, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 25 avril 2003 prise par ledit ministre suite à un recours gracieux introduit par le demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2003 ;

Vu la lettre du 13 octobre 2003 de Maître Marie-Christine GAUTIER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, agissant en remplacement de Maître Sarah TURK, sollicitant la prise en délibéré de l’affaire ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en ses plaidoiries.

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En date du 13 mai 2002, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, M. … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Les 29 mai et 19 août 2002, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 7 janvier 2003, notifiée par lettre recommandée le 21 janvier 2003 et en mains propres le 19 mars 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté votre pays d’origine le 7 mai 2002 pour vous rendre d’abord en Espagne. Ensuite, un passeur vous a conduit en camionnette jusqu’au Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 13 mai 2002.

Vous exposez que vous auriez fait votre service militaire en 1993 ou en 1995. En effet, il existe une divergence entre la date que vous avez donnée à la Police Judiciaire et celle donnée au Ministère de la Justice. Quoiqu’il en soit, ce service militaire ne vous a causé aucun problème particulier.

Vous exposez que vos problèmes résultent de votre inscription au Parti Arouch’ qui est un parti pro-kabyle. Votre frère y serait le vice-président de la région où vous habitez. Vous auriez participé à des manifestations, notamment pour obtenir que le statut de langue nationale soit accordé à la langue berbère. Votre frère ainsi qu’une trentaine d’autres manifestants, aurait été arrêté, en 2001. Vous seriez sans nouvelles de lui depuis son arrestation. Vous-même auriez été recherché ; vous vous seriez caché pendant vingt jours et puis, vous auriez quitté votre pays.

Vous ajoutez que la situation serait mauvaise en Algérie, les déplacements seraient entravés par des barrages. Quant aux berbères, ils seraient exclus du monde du travail et accusés de séparatisme.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je constate que le Mouvement Aarouch dont vous seriez adhérant est une organisation qui est loin d’être représentative de tous les Kabyles. La création, par ce mouvement d’une police et d’une justice parallèle inquiète les populations kabyles plus qu’elles ne les rassurent.

En ce qui concerne votre participation à ce mouvement, je relève que vous n’étiez que simple adhérant. Je relève que vous avez assisté à des réunions et participé à quelques manifestations, et que ceci ne vous plaçait pas dans une position particulièrement exposée.

Pour le surplus, vos dires reflètent davantage un sentiment général d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution entrant dans le cadre de la Convention de Genève.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 8 avril 2003 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 25 avril 2003.

Le 28 mai 2003, Monsieur … a introduit un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus des 7 janvier et 25 avril 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il serait membre du parti « Arouch », un parti pro-kabyle et que son frère aurait été vice-président de ce parti pour la région de leur résidence, que les membres dudit parti connaîtraient des problèmes avec la police, que son frère aurait été arrêté par la police et que depuis lors, il serait resté sans nouvelles de lui et qu’il serait lui même recherché par la police et risquerait d’être emprisonné, de sorte qu’il aurait pris la décision de quitter son pays pour chercher refuge à l’étranger. Il ajoute que la situation générale serait mauvaise en Algérie et que les berbères en souffriraient spécialement.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures non contentieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il convient en premier lieu de rappeler que la simple appartenance à un mouvement ou parti politique de la part du demandeur, sans qu’il n’ait exercé une fonction ou un activisme particulier au sein dudit parti, ne saurait justifier, à elle seule, une persécution vécue ou une crainte de persécution.

En outre, même à admettre le récit, non conforté par un quelconque élément de preuve tangible, relativement à l’arrestation et la disparition de son frère, pareil état des choses n’établit pas non plus dans le chef du demandeur un risque de persécution au sens de la Convention de Genève, les allégations générales et vagues traduisant essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur n’ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 23 octobre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16474
Date de la décision : 23/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-23;16474 ?

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