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22/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16359

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 octobre 2003, 16359


Numéro 16359 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 avril 2003 Audience publique du 22 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16359 du rôle, déposée le 30 avril 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent BACKES, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationalité you...

Numéro 16359 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 avril 2003 Audience publique du 22 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16359 du rôle, déposée le 30 avril 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent BACKES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 31 mars 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2003;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 2003 par Maître Laurent BACKES pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Christian WELTER, en remplacement de Maître Laurent BACKES, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 octobre 2003.

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Le 16 décembre 2002, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 29 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 31 mars 2003, notifiée par courrier recommandé du 7 avril suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée aux motifs que, contrairement à ses déclarations, il aurait présenté une demande d’asile en Autriche sous une autre identité, fait qui jetterait un doute sur la véracité de son récit, qu’il éprouverait surtout un sentiment général d’insécurité en raison du fait d’avoir été observateur pour un parti politique aux élections et que le Kosovo ne saurait être considéré pour un Albanais comme un territoire dans lequel des risques de persécution sont à craindre.

A l’encontre de cette décision de rejet de sa demande d’asile, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation par requête déposée le 30 avril 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que son départ du Kosovo aurait été motivé par des menaces de mort par voie téléphonique dont il aurait fait l’objet et de mauvais traitements de la part de Serbes membres du parti politique PDK alors qu’il aurait assumé le rôle d’observateur pour le parti LDK lors des dernières élections à …. Il ajoute qu’une plainte auprès du parti PDK n’aurait pas conduit à une meilleure protection de sa personne et qu’en cas de retour dans son pays, il risquerait d’être exécuté par des membres du parti PDK, vu que d’autres membres du parti LDK auraient déjà été tués. Il conclut que ces faits fonderaient dans son chef une crainte réelle de persécution dépassant largement le sentiment général d’insécurité, de manière que la décision ministérielle déférée devrait encourir la réformation.

Le demandeur relève en termes de réplique qu’aucune pièce du dossier n’établirait l’existence d’une demande d’asile de sa part en Autriche, qu’une possibilité de fuite ne pourrait exister pour lui qu’au sein du Kosovo au vu de l’hostilité à l’égard des Albanais dans les autres parties de l’ex-Yougoslavie et que le respect des droits de l’homme ne serait pas encore assuré au Kosovo.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 29 janvier 2003 telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les actes concrets de persécution invoqués par le demandeur, se trouvant en relation avec son engagement politique et son rôle d’observateur aux élections pour compte du parti LDK, émanent de personnes privées étrangères aux autorités publiques, à savoir plus particulièrement de certains milieux politiques, de même qu’ils s’analysent dans cette mesure en une persécution émanant non pas de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ne sauraient dès lors être reconnus comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéfice pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève. En outre, l’existence d’une persécution de la part de l’Etat ne saurait être admise dès la commission d’un acte de persécution de la part d’une personne quelle soit ou non au service des autorités publiques, mais seulement dans l’hypothèse où les autorités spécifiquement compétentes pour la poursuite et la répression des actes de persécution commis soit encouragent ou tolèrent ces actes, soit sont incapables d’entreprendre des démarches d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion contre la commission de tels actes de la part de telles personnes.

Dans les deux hypothèses, il faut en plus que le demander d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en exergue par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est qu’un réfugié ?, p. 113, n° 73 et suivants).

S’il est en l’espèce certes crédible que la motivation des personnes ayant commis les actes de persécutions allégués est susceptible d’avoir trait à l’activité politique du demandeur, les éléments du dossier ne permettent cependant pas de retenir que le demandeur a établi un défaut de volonté ou l’incapacité des autorités en place dans son pays d’origine pour lui assurer un niveau de protection suffisant, ni encore le défaut de toute poursuite des actes de persécution commis à son encontre. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que le demandeur a admis lui-même au cours de son audition qu’il s’est adressé seulement à son parti afin d’obtenir une protection, mais qu’il n’a sollicité aucune protection de la part des autorités publiques compétentes, étant donné qu’il a déclaré lors de son audition que « quand je suis allé au Parti, ils ne m’ont pas dit d’aller à la police ».

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 octobre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16359
Date de la décision : 22/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-22;16359 ?

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