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22/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16054

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 octobre 2003, 16054


Tribunal administratif N° 16054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2003 Audience publique du 22 octobre 2003

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Recours formé par … a.s.b.l., Luxembourg contre une décision de la Commission indépendante de la radiodiffusion en matière de permission de radiodiffusion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16054 du rôle et déposée le 27 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie VERLAINE, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif … a.s.b.l., établie...

Tribunal administratif N° 16054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2003 Audience publique du 22 octobre 2003

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Recours formé par … a.s.b.l., Luxembourg contre une décision de la Commission indépendante de la radiodiffusion en matière de permission de radiodiffusion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16054 du rôle et déposée le 27 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie VERLAINE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif … a.s.b.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son président actuellement en fonctions, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision de la Commission indépendante de la radiodiffusion du 18 décembre 2002 décidant de ne pas prolonger au-delà du 31 décembre 2002 la permission pour l’exploitation d’une station de radio locale dénommée «… » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 mai 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2003 au nom de la partie demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 septembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Thierry REISCH, en remplacement de Maître Jean-Marie VERLAINE, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Suivant décision du 11 août 1992, la Commission indépendante de la radiodiffusion, ci-après dénommée « la C.I.R. », accorda à l’association sans but lucratif … a.s.b.l., ci-après dénommée « l’a.s.b.l. … » une permission pour un programme de radio locale pour la fréquence no 2, … MHZ, RLO 034/22 selon le cahier des charges y annexé.

Le 13 novembre 2001, le président de l’a.s.b.l. …, Monsieur Thierry REISCH, s’adressa au ministère d’Etat, Service des médias, pour solliciter le renouvellement de « cette autorisation d’émettre pour une nouvelle période de 5 ans ».

Après transmission de ladite demande à la C.I.R., celle-ci, suivant courrier du 22 mars 2002 invita l’a.s.b.l. … à signaler le cas échéant « toutes modifications intervenues depuis l’octroi de la permission ( … ), dans la mesure où ces modifications n’ont pas encore été portées à la connaissance de la Commission » .

Par courrier du 12 juin 2002, la C.I.R. sollicita encore auprès de l’a.s.b.l. … les rapports mensuels de l’année 2001 et ceux des premiers mois de l’année 2002, de même que le rapport annuel et une copie des comptes sociaux.

Cette demande fut réitérée par courrier recommandé du 2 août 2002 avec la précision que « la Commission attend toujours une réponse de votre part quant à l’ajout « … » dans le nom du programme « … » ».

A la suite d’un échange de correspondance concernant l’intervention de la société … S.A. au sein de « … » et les messages publicitaires y diffusés, une entrevue se déroula en date du 13 décembre 2002 en les locaux de la C.I.R. en présence de Messieurs Georges SANTER, Thierry HOSCHEIT et Marc THEWES de la C.I.R., de Monsieur Thierry REISCH de l’a.s.b.l. … et de Monsieur Pascal KOSTER de la société … S.A..

Par un courrier du 18 décembre 2002, envoyé par recommandé le 19 décembre 2002, et réceptionné le 23 décembre 2002, la C.I.R. décida à l’unanimité de ne pas prolonger au-delà du 31 décembre 2002 la permission d’exploitation du programme de radio locale « … » émise au profit de l’a.s.b.l. …. Ladite décision est motivée comme suit :

« Il s’avère en effet que vous violez plusieurs dispositions de la loi modifiée du 27 juillet 1991 sur les médias électroniques (ci-après la « Loi »).

I. Aux termes de l’article 17 paragraphe 3 de la Loi, l’exploitation de la permission pour un programme de radio locale doit être assurée par l’association bénéficiaire elle-même et ne peut être confiée à des tiers.

Or, il résulte des éléments soumis à la Commission que le programme de radio locale … est géré et exploité par les sociétés du groupe … (…,). Ces sociétés contribuent au financement du programme de radio en rémunérant le personnel qui produit les émissions diffusées à l’antenne, en supportant entièrement le coût de production de la majorité des émissions et en prenant à leur charge les coûts techniques de la diffusion, tout en tirant un bénéfice commercial par le biais de l’interconnexion avec d’autres procédés techniques.

II. Aux termes de l’article 17 paragraphe 5 de la Loi, les programmes de radio locale peuvent être autorisés à contenir des messages publicitaires dans les limites à fixer par un règlement grand-ducal, à prendre sur avis du Conseil d’Etat. Cette limite a été fixée à 500.000.- LUF (soit 12.395.- euros) par règlement grand-ducal du 13 février 1992.

Or, il résulte des éléments du dossier et des explications fournies que les sociétés du groupe … apportent un soutien financier dépassant manifestement ce seuil par le biais de coûts supportés par elles, en contrepartie de l’adjonction de la dénomination « … » au nom de ….

Ce fait constitue une publicité, engendrant au profit de l’asbl … des rentrées en argent, respectivement des prestations en nature, dépassant le seuil autorisé.

En plus des publicités payantes énumérées dans les rapports versés par l’asbl …, … diffuse de nombreux spots « gratuitement ». La réalité économique est cependant que cette diffusion se fait en contrepartie des prestations en nature dont le groupe … fait bénéficier l’asbl … / …. Ces avantages en nature doivent donc manifestement être inclus dans les revenus publicitaires du programme qui dépassent alors très largement les plafonds fixés par voie réglementaire.

L’ensemble de ces éléments amènent la Commission à retenir que le programme … se présente aujourd’hui comme une radio à vocation commerciale, alors que l’objectif de la loi de 1991 était d’attribuer les autorisations en question uniquement à «des intéressés qui proposent des programmes à coloration locale, avec la collaboration des associations qui se vouent à l’animation culturelle, sociale, sportive, éducative, etc à l’échelon local, communal et de la petite région.» III. La Commission constate encore que l’association bénéficiaire viole les dispositions du cahier des charges, en désignant le programme de radio « Radio … … », sans que l’adjonction du nom « … » n’ait fait l’objet d’une autorisation.

IV. La Commission constate finalement sur base des relevés de mesures faites par l’Institut Luxembourgeois de Régulation au cours du mois de novembre 2002, que la puissance d’émission de … était de 1000 W et dépassait donc notablement la puissance fixée à 100 W par l’autorisation d’émettre. Un tel dépassement rend improbable aux yeux de la Commission l’explication fournie selon laquelle il s’agirait d’une erreur de manipulation ou d’un problème technique. » Par requête inscrite sous le numéro 16054 du rôle, déposée le 27 février 2003, l’a.s.b.l.

… a introduit un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la susdite décision de la C.I.R. du 18 décembre 2002.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (cf. trib.

adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 2, et autres références y citées).

Etant donné que ni la loi du 27 juillet 1991 sur les médias électroniques, ni une autre disposition légale n’instaurent un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Quant au recours en annulation, le délégué du gouvernement soulève en premier lieu son irrecevabilité au motif que l’a.s.b.l. … ne serait pas valablement représentée en justice, le recours ayant été introduit par l’a.s.b.l. … « représentée par son président actuellement en fonctions », au lieu d’être représentée par son conseil d’administration, tel que prévu tant par l’article 13 de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et fondations sans but lucratif et par l’article 14 des statuts de la demanderesse. Ce défaut de pouvoir de la personne se déclarant être le représentant de la personne morale constituerait une irrégularité de fond qui affecterait l’exercice de l’action en justice et celle-ci aurait partant été irrégulièrement introduite et serait de ce fait irrecevable.

La partie demanderesse rétorque que d’après les dispositions du Nouveau Code de procédure civile toute association sans but lucratif serait représentée par son seul président et que si les statuts de l’a.s.b.l. … prévoiraient autre chose, il ne s’agirait que de dispositions supplétives. En termes de plaidoiries, le mandataire de la demanderesse a encore ajouté que le président de l’a.s.b.l … disposerait d’un mandat pour agir en justice et que cette façon de procéder n’aurait pas porté atteinte aux intérêts de la partie adverse. Or, comme aux termes de l’article 264, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile, « aucune nullité pour vice de forme des exploits ou des actes de procédure ne pourra être prononcée que s’il est justifié que l’inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse », le recours serait à déclarer recevable.

Aux termes de l’article 13, alinéa 1er de la loi du 21 avril 1928, précitée, « le conseil d’administration gère les affaires de l’association et la représente dans tous les actes judiciaires et extrajudiciaires. Il peut, sous sa responsabilité, déléguer ses pouvoirs à l’un de ses membres ou même, si les statuts ou l’assemblée générale l’y autorisent, à un tiers. » D’après l’article 11 des statuts de l’a.s.b.l. …, « le conseil d’administration a les pouvoirs d’administration les plus étendus pour la gestion des affaires de l’association. Tout ce qui n’est pas expressément réservé à l’assemblée générale par les statuts ou par la loi est de sa compétence. » Selon l’article 14 desdits statuts, « les actions judiciaires, tant en demandant qu’en défendant, sont suivies au nom du conseil d’administration à la diligence du président et, en cas d’empêchement, d’un vice-président et, à défaut, d’un autre membre du conseil d’administration délégué à cette fin par le conseil d’administration ».

En application de la théorie des organes, le seul pouvoir du juge est de contrôler, soit la compétence de l’organe indiqué pour représenter l’association en justice, soit la régularité et la légalité de la décision des personnes physiques, organe de l’association (voir Philippe ‘t KINT, Les associations sans but lucratif, éd. Larcier, 1999, n° 158, p. 124).

En l’espèce, il échet de constater que s’il est exact que l’article 14 des statuts, précité, permet au président de la demanderesse de diligenter une action judiciaire, toujours est-il qu’il ne représente pas personnellement l’association en justice, mais qu’il doit le faire au nom du conseil d’administration. Dès lors, il convient de retenir que l’a.s.b.l. …, au moment de l’introduction du recours, n’était pas valablement représentée en justice.

La nullité de l’exploit résultant de l’indication erronée de la personne ou l’organe qualifié pour la représenter [la société commerciale] en justice est une nullité de fond à laquelle ne s’applique pas l’article de 173, alinéa 2 du Code de procédure civile [actuel article 264, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile], la personne ou l’organe faussement désigné comme étant celui qui représente la société n’ayant aucun pouvoir juridique de représentation (cf. Cass. 21 mars 1996, P. 30, p. 5), contrairement à l’omission d’indiquer la personne ou l’organe qualifié pour la représenter en justice qui est une nullité de forme à laquelle s’applique l’article de 173, alinéa 2 du Code de procédure civile (voir Cour 11 juillet 1995, P. 29, p. 406), les principes ci-avant dégagés par la jurisprudence en la matière de la recevabilité des actions en justice des sociétés commerciales étant à respecter également concernant la recevabilité des actions en justice diligentées par les associations sans but lucratif.

S’il est encore exact que les pouvoirs du conseil d’administration d’une association sans but lucratif peuvent aussi faire l’objet d’une délégation et que cette délégation peut porter tant sur des pouvoirs généraux que sur les pouvoirs spéciaux, sur des pouvoirs de gestion ou sur des pouvoirs de représentation, aucun procès-verbal du conseil d’administration de l’a.s.b.l. … ayant pris la décision de déléguer ce pouvoir de représentation à son président n’a été produit en cours de procédure, de sorte que la partie demanderesse ne saurait se prévaloir d’un quelconque pouvoir de représentation ou mandat pour justifier sa façon de procéder.

Il s’ensuit que le recours est à déclarer irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 22 octobre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16054
Date de la décision : 22/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-22;16054 ?

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