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20/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16472

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 octobre 2003, 16472


Tribunal administratif Numéro 16472 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 mai 2003 Audience publique du 20 octobre 2003 Recours formé par les époux … et … et consort, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16472 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2003 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Serbie/Serbie-

Monténégro), de son

épouse, Madame …, née le … (Kosovo), et de leur enfant mineur …, tous de nationalité yougoslave, ...

Tribunal administratif Numéro 16472 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 mai 2003 Audience publique du 20 octobre 2003 Recours formé par les époux … et … et consort, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16472 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2003 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Serbie/Serbie-

Monténégro), de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo), et de leur enfant mineur …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 25 avril 2003 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le courrier de Maître Aurore GIGOT déposé au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2003 informant le tribunal que le mandat de Maître Sarah TURK a été repris par Maître Deidre DU BOIS, assisté de Maître Aurore GIGOT ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges WEILAND, en remplacement de Maître Deidre DU BOIS et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 octobre 2003.

Le 12 novembre 2002, Monsieur … et son épouse Madame … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 21 janvier 2003, les époux …-… furent entendus, chacun séparément, par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 17 mars 2003, notifiée le 21 mars 2003, le ministre de la Justice informa les époux …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’ils n’invoqueraient aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Par courrier de leur mandataire du 8 avril 2003, les époux …-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 25 avril 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision du 17 mars 2003.

Le 28 mai 2003, les époux …-… ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 25 avril 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est par conséquent irrecevable.

Quant au fond, les demandeurs font valoir qu’ils font partie de la minorité des Goranais du Kosovo et que du fait de leur appartenance à cette minorité ils seraient sujets à des harrassements quotidiens de la part de la population en place. Ils exposent que Monsieur … aurait fait personnellement l’objet d’agressions et de mauvais traitements de la part de groupes de personnes, notamment en mars 2000 et pendant l’été 2002, sans avoir pu bénéficier d’aucune protection de la part des autorités en place. Madame … expose, qu’avant son mariage, toute sa famille aurait été expulsée de leur restaurant qui aurait été incendié par des Albanais et qu’une bombe aurait été placée sous une voiture devant leur maison dans le seul but de les intimider. Pour le surplus, ils font valoir que les Goranais seraient toujours victimes de discriminations quant à leurs droits socio-économiques, leurs soins de santé, leur éducation, qu’ils devraient continuer à bénéficier d’une protection internationale dans leur pays d’asile et ne devraient en aucun cas être forcés à retourner au Kosovo.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par les époux …-… lors de leurs auditions ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant la crainte exprimée par les demandeurs d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à leur encontre en raison de leur appartenance à la minorité goranaise, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Goranais, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre de cette minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs risquent de subir des persécutions. En plus, comme il s’agit de persécutions émanant de tiers et non pas de l’Etat, il appartient aux demandeurs de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

A cet égard, il y a lieu de constater en plus que suivant la version actualisée du rapport de l’UNHCR datant de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo, la situation de sécurité générale des Goranais est restée stable et n’a pas été marquée par des incidents d’une violence sérieuse (« the overall security situation of Kosovo Gorani has remained stable with no direct attacks during the reviewing period »), de même qu’il est relevé dans ledit rapport que dans la période entre avril et octobre 2002 la situation des minorités au Kosovo au regard de leur sécurité a continué de s’améliorer, certes non pas de manière uniforme sur tout le territoire du Kosovo, mais de manière plus ou moins accélérée suivant les différentes régions passées sous revue, de sorte que les considérations avancées dans ledit rapport au sujet de l’organisation de retours forcés au Kosovo ne permettent pas pour autant de conclure que la situation générale des Goranais au Kosovo serait à l’heure actuelle grave au point que la seule appartenance à la dite minorité justifierait l’octroi du statut de réfugié dans leur chef.

Force est de constater que les faits mis en avant par les demandeurs sont certes condamnables mais ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine. A cela s’ajoute que les demandeurs n’ont pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables de leur assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’ils n’ont pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place.

De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont les demandeurs font état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 octobre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Spielmann, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16472
Date de la décision : 20/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-20;16472 ?

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