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20/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16373

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 octobre 2003, 16373


Tribunal administratif N° 16373 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2003 Audience publique du 20 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16373 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro/Serbie-

Monténégro), de nationalité yougo

slave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision...

Tribunal administratif N° 16373 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2003 Audience publique du 20 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16373 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro/Serbie-

Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 février 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 4 avril 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 août 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2003 au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, et Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 octobre 2003.

Monsieur … introduisit en date du 24 octobre 2001 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu le 18 avril 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur… par décision du 21 février 2003, lui notifiée le 27 février 2003, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n’invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Le 19 mars 2003, Monsieur… fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Par décision du 4 avril 2003, notifiée par courrier recommandé le 7 avril 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision du 21 février 2003.

Le 27 mars 2003, Monsieur… s’adressa encore une fois par l’intermédiaire de son mandataire au ministère de la Justice en lui faisant parvenir une pièce supplémentaire.

Par décision du 25 avril 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision du 21 février 2003, confirmée pour la première fois le 4 avril 2003.

Le 2 mai 2003, Monsieur… a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle du 21 février 2003 et celle confirmative du 4 avril 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation est par conséquent irrecevable.

En premier lieu, le demandeur fait valoir que les décisions entreprises seraient à réformer, sinon à annuler, parce que le ministre de la Justice n’aurait pas statué, lors du recours gracieux, au vu de tous les éléments lui soumis et notamment de la nouvelle pièce lui envoyée par lettre du 27 mars 2003. Pour le surplus, il invoque encore un défaut de motivation des décisions déférées.

Quant au fond, Monsieur … fait valoir qu’il est Musulman, originaire du Monténégro, qu’il aurait écrit un livre prônant la compréhension entre les personnes et les peuples de religion différente et que ces idées libérales n’auraient pas plu aux Serbes extrémistes, de sorte qu’il aurait commencé à avoir des ennuis. Il relate que le soir du 20 janvier 1996 au cours d’un match de basket-ball entre amis une personne aurait sorti un revolver et aurait tenté de le tuer et qu’il aurait pu s’enfuir grâce à l’intervention d’un ami. Il aurait reconnu son agresseur comme étant un garde du corps du premier ministre du Monténégro de l’époque, M…., le président du Monténégro actuel. La police n’aurait cependant pas jugé utile de poursuivre l’affaire pénalement. Il expose qu’il aurait quitté son pays une première fois pour venir au Luxembourg où il aurait introduit une première demande d’asile rejetée par le ministre de la Justice. Il ajoute qu’il serait retourné au Monténégro au courant de l’année 2000, mais qu’il n’aurait pas pu y rester, étant donné que sa sécurité y serait toujours menacée. Il précise qu’après avoir envoyé un e-mail au président … dans lequel il aurait protesté contre la tentative de meurtre faite contre lui, il aurait été poursuivi par un homme en manteau noir, auquel il aurait pu échapper. De même, il aurait reçu des menaces d’une personne par Internet. Par la suite il aurait découvert que c’était son voisin … qui était derrière ses menaces. A cause de ces menaces, il serait revenu au Luxembourg où il a introduit une deuxième demande d’asile.

Dans son mémoire en réplique, il expose qu’il serait devenu membre d’un centre culturel américain dès l’âge de 17 ans et que cette adhésion lui aurait valu d’être considéré comme pro-américain et pro-capitaliste. Il ajoute qu’à l’âge de 19 ans il serait devenu membre de l’armée populaire yougoslave. Il fait valoir que la situation politique en Serbie-

Monténégro ne serait pas encore complètement stabilisée.

En ce qui concerne le défaut de motivation soulevé par le demandeur, force est de constater que ce moyen manque de pertinence.

Les faits tels que résumés correspondent aux faits sousjacents à la demande d’asile du demandeur et les motifs de refus sont énumérés et appuyés par des références jurisprudentielles. Le premier moyen fondé sur le défaut de motivation des décisions soumises au tribunal n’est donc pas fondé.

En ce qui concerne le moyen soulevé en ce que le ministre de la Justice n’aurait pas tenu compte de la pièce lui envoyée par lettre du 27 mars 2003, force est de constater que même si le ministre n’en a pas tenu compte dans sa décision du 4 avril 2003, il en a tenu compte au plus tard dans sa décision du 25 avril 2003, dans laquelle il fait expressément référence au courrier du 27 mars 2003, de sorte que ce moyen est également à écarter.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Quant à l’analyse des faits, le tribunal se limite à prendre en considération les faits se situant après le retour du demandeur au Monténégro au cours du mois de juillet 2000, étant donné que Monsieur… avait déjà posé une première demande d’asile au Luxembourg en date du 31 décembre 1996 en invoquant la même agression ayant eu lieu au cours d’un match de basket-ball le 20 janvier 1996 et que le recours introduit contre la décision du ministre de la Justice du 3 juillet 1997 lui refusant de reconnaître le statut de réfugié a été déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 1997 n° 10301 du rôle.

En ce qui concerne les faits invoqués par Monsieur… ayant eu lieu après son retour au Monténégro, force est de constater qu’ils restent à l’état de pure allégation et que pour le surplus, même à les supposer établis, ils ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour fonder une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne la crainte invoquée quant à la situation générale du Monténégro, force est de constater que cette crainte s’analyse en l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur n’ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que sa vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 octobre 2003 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16373
Date de la décision : 20/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-20;16373 ?

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