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13/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16313

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 octobre 2003, 16313


Tribunal administratif N° 16313 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2003 Audience publique du 13 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16313 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …/Kosovo, de nationalité yougoslave, demeurant actuelleme

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Tribunal administratif N° 16313 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2003 Audience publique du 13 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16313 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …/Kosovo, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 février 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 18 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, et Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 octobre 2003.

Monsieur … introduisit en date du 5 novembre 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 21 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 5 février 2003, lui notifiée le 10 février 2003, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n’invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de lui rendre sa vie intolérable dans son pays.

Le 11 mars 2002, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision. Par décision du 18 mars 2003, notifiée par courrier recommandé le 19 mars 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision du 5 février 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur …, originaire du Kosovo et appartenant à la minorité des Bochniaques, expose qu’il aurait fui son pays parce qu’il aurait été confronté à de graves problèmes émanant notamment d’Albanais habitant sa région et que les autorités répressives n’auraient pas été en mesure d’apporter une quelconque solution à ses problèmes. Il ajoute que les Albanais du Kosovo le considéreraient comme membre du parti dit « SPS », alors qu’il aurait accepté de participer au dépouillement des urnes à l’occasion d’élections présidentielles. Il fait valoir ensuite que sa famille aurait été agressée à plusieurs reprises par des Albanais et que le dernier événement aurait eu lieu en décembre 2002 lorsque des personnes masquées seraient venu à son domicile pour agresser sa famille. Sa famille aurait été sauvée grâce aux sirènes de la police, laquelle aurait été avertie par son petit frère. Il ajoute qu’un voisin aurait commencé à s’emparer de parties de son terrain, qu’il aurait dénoncé ces empiètements, mais qu’on lui aurait répondu que « les Bochniaques n’auraient plus de droit au Kosovo ». Il expose encore que trois mois avant de quitter le Kosovo, vers le mois de juin 2002, il aurait été arrêté par la police albanaise. A la vue de son permis de conduire émis en Serbie, on lui aurait fait des remarques et on lui aurait dit de parler albanais. Il continue qu’il aurait été conduit au poste de police pour dresser deux procès-verbaux pour excès de vitesse et interdiction de stationnement et qu’après avoir rétorqué que les amendes seraient exagérées on l’aurait giflé et jeté dehors. Il ajoute que le médecin qu’il aurait été voir après cet incident aurait refusé de lui délivrer un certificat médical parce qu’aux dires du médecin, les policiers ne feraient pas cela aux Bochniaques. Il demande finalement d’écarter l’argumentation avancée par le ministère de la Justice par adoption pure et simple de la motivation retenue par le tribunal administratif dans un jugement du 2 avril 2003 enrôlé sous le numéro 15322, étant donné que la situation des Bochniaques serait identique à celle des Roms.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant la crainte exprimée par le demandeur d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à son encontre en raison de son appartenance à la minorité bochniaque, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Bochniaques, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions. En plus comme il s’agit de persécutions émanant de tiers et non pas de l’Etat, il appartient au demandeur de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

A cet égard, il y a lieu de constater en plus que suivant la version actualisée datant de janvier 2003 du rapport de l’UNHCR sur la situation des minorités au Kosovo, la situation de sécurité générale des Bochniaques est restée stable et n’a pas été marquée par des incidents d’une violence sérieuse. En effet il est relevé que : « The general security situation of Kosovo Bosniaks remained stable with no incidents of serious violence . However, Bosniaks have been taken to the police station for questioning after speaking their language in public … Their situation in Peje /Pec and Prizren region, where the vast majority of Bosniaks reside, remains calm. » 1 Force est de constater que les faits mis en avant par le demandeur sont certes condamnables mais ne revêtent pas un caractère de gravité suffisants pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lUI serait, à raison, intolérable dans SON pays d’origine. A cela s’ajoute que le demandeur n’A pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables de lUI assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’il n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place. Au contraire selon les propres affirmations de Monsieur …, la police est venue à leur secours lors de l’agression ayant eu lieu en décembre 2002 : « Quand la police est arrivée on a raconté ce qui s’est passé. Ils ont dit qu’ils vont faire une enquête pour trouver les coupables, mais jusqu’à présent ils n’ont rien trouvé, même pas la voiture… » et il ajoute que « le dossier de toutes les agressions est 1 UNHCR, Update on the situation of Roma, Ashkaelia, Egyptian, Bosniak and Gorani in Kosovo, UNHCR Kosovo January 2003, p. 5.

chez l’UNMIK qui date du 25 décembre 2002. On a eu plusieurs agressions depuis le mois de janvier [2001]. La dernière fois c’était plus grave et on a dû porter plainte chez l’UNMIK, c’était en décembre l’année passée ».

Enfin, en ce qui concerne la jurisprudence (jugement du tribunal administratif du 2 avril 2003, n° 15322 du rôle) invoquée par le demandeur, il échet de constater qu’elle reste sans pertinence par rapport à la présente affaire pour avoir trait à un demandeur d’asile appartenant à la minorité des Roms.

En effet l’UNHCR, tout en analysant la situation de l’ensemble des minorités au Kosovo, retient seulement pour certaines d’entre elles, dont les Roms, que leur sécurité n’est pas garantie au Kosovo et qu’ils devraient bénéficier d’une protection dans les pays d’accueil, de sorte que les conclusions afférentes ne sauraient être transposées directement à la minorité des Bochniaques.

De tout ce qui précède il résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 octobre 2003 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit greffier assumé.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16313
Date de la décision : 13/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-13;16313 ?

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