La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2003 | LUXEMBOURG | N°11415

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 octobre 2003, 11415


Tribunal administratif N° 11415 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 1999 Audience publique du 13 octobre 2003

==============================

Recours formé par la société … s.à r.l., … contre 1) une délibération du conseil communal de Mersch, 2) un arrêté du ministre de l’Environnement et 3) une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11

415C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999 par Maître André HARPE...

Tribunal administratif N° 11415 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 1999 Audience publique du 13 octobre 2003

==============================

Recours formé par la société … s.à r.l., … contre 1) une délibération du conseil communal de Mersch, 2) un arrêté du ministre de l’Environnement et 3) une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11415C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999 par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-… représentée par son gérant actuellement en fonction, tendant à l’annulation 1.) de la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du plan d’aménagement général, parties graphique et écrite, et refusant de faire droit à la réclamation présentée pour le compte de Madame … et portant sur un terrain sis à Mersch, section D de …, et y référencé sous le numéro 32, 2.) de la délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997, ainsi que 3.) d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, approuvant ladite délibération du conseil communal de Mersch ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 23 juillet 1999, portant signification de ce recours à l’administration communale de Mersch ;

Vu l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives portant transmission au tribunal administratif, sans autre forme de procédure, du recours inscrit sous le numéro 11415C du rôle, y inscrit dorénavant sous le numéro 11415 du rôle ;

Vu les ordonnances et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999, précitée, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 1999 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mersch ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse au mandataire de la partie demanderesse par voie de télécopie en date du 28 décembre 1999 ;

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif du 26 janvier 2000 accordant une prorogation du délai légal jusqu’au 29 février 2000 pour déposer le mémoire en réponse pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2000 par Maître André HARPES au nom de la demanderesse ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de Mersch en son domicile élu par voie de télécopie en date du même jour ;

Vu la rupture du délibéré du 14 février 2001 portant fixation d’une visite des lieux au 13 mars 2001 ;

Vu la visite des lieux à laquelle le tribunal a procédé en date du 13 mars 2001 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2003 par Maître André HARPES au nom de la demanderesse ;

Vu la notification de ce mémoire supplémentaire au mandataire de l’administration communale de Mersch par voie de télécopie en date du même jour ;

Vu le mémoire supplémentaire, intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2003 par Maître Georges PIERRET pour compte de l’administration communale de Mersch ;

Vu la notification de ce mémoire supplémentaire au mandataire de la partie demanderesse par voie de télécopie en date du 8 mai 2003 ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juin 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Zineb BENKIRANE, en remplacement de Maître André HARPES, et Jamila KHELILI, en remplacement de Maître Georges PIERRET, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------

Suite aux inondations du début des années 1990, le Gouvernement en conseil décida en date du 27 mai 1994 d’arrêter un plan partiel « zones inondables et zones de rétention » pour l’ensemble du pays sur base de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire.

A la suite de cette initiative, le conseil communal de Mersch décida le 20 juillet 1994 de procéder à une mise à jour des parties graphique et écrite du plan d’aménagement général de la commune de Mersch, ci-après dénommé « le PAG ».

Après avis du 21 juillet 1995 de la commission d’aménagement instituée auprès du ministère de l’Intérieur, le conseil communal de Mersch, par délibération du 28 juillet 1995, statuant avec 6 voix pour et 4 voix contre, décida d’approuver provisoirement les parties graphique et écrite du nouveau PAG.

Par courrier recommandé du 15 septembre 1995, Madame …, par l’intermédiaire de Monsieur le Notaire Frank BADEN, réclama contre le reclassement hors périmètre de son terrain, sis à …, inscrit au cadastre de la Commune de Mersch, section D de …, sous le numéro 32, reclassement qui constituerait un grave préjudice « du fait d’une dévaluation non négligeable du terrain en question ».

Suivant acte de vente publique immobilière du 14 mai 1996 par l’intermédiaire de Monsieur le Notaire Frank BADEN, Madame … vendit ledit terrain à la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après dénommée « la société … ».

Le 29 janvier 1997, le conseil communal de Mersch, statuant dans le cadre des réclamations introduites contre la décision précitée du 28 juillet 1995, décida avec 6 pour et une voix contre de refuser la réclamation du 15 septembre 1995 introduite par Maître Frank BADEN, pour compte de Madame ….

A la suite de cette décision, notifiée à Maître Frank BADEN le 2 juin 1997, Maître André HARPES s’adressa par courrier du 12 juin 1997 au ministre de l’Intérieur pour réclamer contre ladite approbation définitive du PAG, lettre de réclamation de la teneur suivante :

« Monsieur le Ministre, Je peux vous informer que la présente fait suite à la réclamation formulée par l’office de Maître Frank BADEN au nom et pour le compte de Mme … en date du 15 septembre 1995 et relative à la reclassification entreprise par le projet de PAG pour le terrain inscrit au cadastre de la commune de Mersch, section D de …, sous le numéro 32.

Cette réclamation n’a pas été retenue par la décision du conseil communal de Mersch entreprise en date du 29 janvier 1997, notifiée par courrier du 2 juin 1997 et reçue le 3 juin dernier.

Je m’adresse à votre ministère au titre de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations et à titre d’autorité de recours indiquée par l’administration communale de Mersch dans sa notification.

Le reclassement en « zone hors périmètre » entrepris et maintenu malgré la réclamation du 15 septembre 1995 cause un grave préjudice à la propriétaire du fait de la dévaluation manifeste de son terrain anciennement classifié « zone d’aménagement particulier ».

S’il y a eu reclassement en zone hors périmètre le conseil communal n’en a pas donné de justification objectivement valable.

Il est bien vrai que le terrain se situe en partie en zone inondable, mais telle n’est manifestement pas le cas pour au moins la moitié de cette propriété.

Partant la reclassification de l’intégralité du terrain constitue une atteinte grave et inéquitable aux droits acquis de la propriétaire, atteinte qui est entreprise en absence de toute cause juste pour au moins la partie située en-dehors de la zone d’inondation.

La présente réclamation comporte la demande à ce que la classification du terrain en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier » soit maintenue pour au moins la partie qui est manifestement en-dehors de la zone risquant des inondations.

Je me tiens à votre entière disposition et j’espère que la réclamation fondée de ma cliente puisse trouver votre avis favorable ».

Le 8 octobre 1997, le conseil communal de Mersch décida avec 6 voix pour, 3 voix contre et une abstention de maintenir sa décision du 29 janvier 1997 prise lors du vote définitif.

Dans son avis du 22 octobre 1998, la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur estima qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la réclamation de Maître André HARPES pour le compte de Madame …, au motif que « le reclassement des fonds en question en zone verte s’impose, alors que la majorité des terrains est située en zone potentielle d’inondation et que les autorités communales n’ont fait qu’assumer leur responsabilité en ce sens ».

Le 20 novembre 1998, le ministre de l’Environnement, statuant sur base des articles 2, 7 et 10 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, approuva le PAG adopté définitivement le 29 janvier 1997, sous réserve notamment que certaines zones par lui énumérées restent classées en zone verte.

Par décision du 2 avril 1999, le ministre de l’Intérieur, rejetant, entre autres, la réclamation de Maître André HARPES pour compte de Madame …, approuva la délibération du « 29 janvier 1997 du conseil communal de Mersch portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite ».

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999, la société … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 portant approbation de la délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 relative à l’adoption définitive du PAG, de ladite décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 et de l’arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998.

Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, question que le tribunal est de prime abord appelé à examiner, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, et celle du ministre de l’Environnement, participent au caractère réglementaire de l’acte approuvé (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 16 et autres références y citées).

Conformément à l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, telle qu’applicable au moment de l’introduction du recours, « la Cour administrative statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ».

Dans la mesure où à travers la motivation du recours, ce dernier vise à critiquer les dispositions de la partie graphique du plan d’aménagement général et qui comportent un effet direct sur la situation patrimoniale des propriétaires concernés, la Cour administrative était compétente, au jour de l’introduction du recours sous examen pour en connaître, cette compétence ayant été dévolue au tribunal administratif en vertu de l’article 71 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

L’affaire sous analyse n’ayant pas encore été instruite à la date de l’entrée en vigueur de ladite loi du 21 juin 1999, elle fut transmise en vertu de son article 71 au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro du rôle 11415.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre des décisions attaquées, recours qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Dans son mémoire complémentaire déposé en date du 2 juin 2003, le délégué du gouvernement a soulevé un moyen qualifié d’ordre public, en soutenant que la société … serait forclose à agir, au motif qu’elle n’aurait pas adressé de réclamation dans le cadre de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la seule réclamation parvenue au ministre de l’Intérieur, étant celle du 12 juin 1997 de Maître André HARPES « au nom et pour compte de Mme … », cette réclamation faisant suite « à la réclamation formulée par l’office de Maître Frank BADEN au nom et pour compte de Mme … en date du 15 septembre 1995 ».

La société … n’a plus pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité.

Il se dégage de l’article 9 alinéa 5 de la loi du 12 juin 1937, précitée, que « les réclamations [à diriger contre la délibération du conseil communal portant adoption définitive du plan d’aménagement] doivent être adressées au Gouvernement [ministre de l’Intérieur] dans les quinze jours, (…) à peine de forclusion ».

Ladite procédure de réclamation est obligatoire et contraignante, dans la mesure où il est précisé qu’elle est prévue à peine de forclusion. Partant ledit moyen est à qualifier d’ordre public et le recours introduit devant le tribunal administratif contre un projet d’aménagement général n’est recevable qu’à la condition de l’épuisement de la procédure de réclamation dans le délai prévu. En particulier, l’omission d’exercer le recours devant le ministre de l’Intérieur dans les 15 jours de la notification de la délibération du conseil communal portant adoption définitive du plan d’aménagement général, sur base de l’alinéa 5 de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937, entraîne l’irrecevabilité du recours devant le tribunal (cf. trib. adm. 5 mai 2003, n° 15601 du rôle, frappé d’appel n° 16515C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, il est constant pour se dégager des pièces du dossier, que les réclamations adressées au conseil communal après approbation provisoire du PAG et au ministre de l’intérieur après adoption définitive du PAG et visant le terrain litigieux l’ont été au nom de Madame …, la deuxième réclamation intervenant pour le surplus à une époque où cette dernière n’était plus propriétaire du terrain en question, mais la société ….

En vertu de l’adage « nul ne plaide par procureur » et en l’absence de preuve d’une réclamation introduite en bonne et due forme par la société … conformément à l’article 9 alinéa 5 de la loi du 12 juin 1937, précitée, le recours est à déclarer irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du plan d’aménagement général et ladite décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés par les parties à l’instance.

Concernant la décision du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse déposé en date du 18 février 2000, reproche au demandeur de solliciter l’annulation de cette décision, alors que « le recours ne contient aucun reproche concret à l’appui de la demande d’annulation ».

Force est de constater que ni la requête introductive, ni un mémoire subséquent, ne contiennent effectivement un moyen d’annulation directement dirigé à l’encontre dudit arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, de sorte que cette demande est à rejeter pour être non fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé, d’une part, contre la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du plan d’aménagement général et, d’autre part, contre ladite décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 ;

reçoit le recours en annulation en la forme pour le surplus ;

le déclare non fondé dans cette mesure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 13 octobre 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11415
Date de la décision : 13/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-13;11415 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award