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09/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16114

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 octobre 2003, 16114


Tribunal administratif N° 16114 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2003 Audience publique du 9 octobre 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16114 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2003 par Maître Elisabeth REINARD, avocat à

la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à B...

Tribunal administratif N° 16114 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2003 Audience publique du 9 octobre 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16114 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2003 par Maître Elisabeth REINARD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par les ministres du Travail et de l’Emploi et de la Justice en date du 10 décembre 2002, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour lui a été refusée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Elisabeth REINARD et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En réponse à une demande présentée en date du 29 mai 2001 par Monsieur …, les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi prirent le 10 décembre 2002 une décision conjointe, portant refus de lui accorder une autorisation de séjour, au motif qu’il serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 10 décembre 2002.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En premier lieu, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir insuffisamment motivé la décision litigieuse, en ce que celle-ci n’indiquerait que de manière succincte les motifs se trouvant à sa base, de sorte qu’il y aurait lieu de conclure à une violation de ses droits de la défense.

En l’absence d’une prise de position de la part du délégué du gouvernement quant à ce moyen, il échet néanmoins d’écarter ledit moyen d’annulation, étant donné que, même en admettant que le reproche soit justifié, le défaut d’indication suffisante des motifs ne constitue pas une cause d’annulation de la décision ministérielle prise, pareille omission d’indiquer les motifs dans le corps même de la décision que l’autorité administrative a prise entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction des recours ne commencent pas à courir. En effet, au vœu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, la motivation expresse d’une décision administrative peut se limiter à un énoncé sommaire de son contenu et il suffit, pour qu’un acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment de la prise de décision, quitte à ce que l’administration concernée les fournisse a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours de la procédure contentieuse, ce qui a été le cas en l’espèce, étant donné que les motifs énoncés dans la décision ministérielle, ensemble les compléments apportés par le représentant étatique au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause ont permis au demandeur d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause, c’est-à-dire sans qu’il ait pu se méprendre sur la portée de la décision ministérielle querellée.

En deuxième lieu, le demandeur conteste constituer une menace pour la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, en admettant toutefois avoir été « impliqué » dans une affaire pénale en tant que défendeur, mais en soulignant qu’il n’y aurait dû participer « qu’à corps défendant » en prétendant n’avoir joué « qu’un rôle passif et mineur » dans le cadre des infractions pour lesquelles il a été condamné. Pour le surplus, il insiste sur le fait qu’un appel aurait été dirigé contre ledit jugement correctionnel et que l’affaire n’aurait pas encore été toisée en instance d’appel.

Dans son mémoire en réponse le représentant étatique, à part le fait qu’il a précisé que Monsieur … a fait l’objet d’une condamnation, en première instance, à 6 ans d’emprisonnement, de sorte qu’il serait constant en cause qu’il aurait, de par le passé, porté atteinte à l’ordre public du pays et qu’il serait susceptible de compromettre à nouveau l’ordre public, a invoqué un autre motif se trouvant à la base de la décision litigieuse, à savoir celui tiré de l’absence, dans le chef du demandeur, de moyens personnels propres suffisants lui permettant d’assurer les frais de voyage et de séjour, au moment où la décision attaquée a été prise.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est amené à contrôler non seulement les motifs indiqués expressément dans l’acte attaqué mais également ceux lui ayant été soumis par l’auteur de la décision litigieuse au cours de la procédure contentieuse, à condition toutefois que ceux-ci aient existé au jour de la décision en question (cf. trib. adm. 15 avril 1997, n° 9510 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, IV. Motivation de la décision administrative, n° 44 et autres références y citées).

En l’espèce, l’auteur de la décision litigieuse invoque deux ordres de motivation qui se trouvent à la base de l’acte attaqué et il suffit par conséquent que l’une des deux motivations se révèle être justifiée pour que la décision en question soit valable et que le recours en annulation doit être déclaré non fondé.

En ce qui concerne le motif suivant lequel le demandeur serait en défaut de disposer de moyens personnels propres suffisants lui permettant d’assurer les frais de séjour et de voyage, il échet de constater que l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, auquel renvoie l’article 5 de la même loi, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (cf. trib. adm. 17 février 1997, n° 9669 du rôle, Pas.

adm. 2002, V° Etrangers, n° 121 et autres références y citées).

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que le demandeur disposait de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis au moment où la décision attaquée a été prise.

Il échet dans ce contexte de constater qu’à la suite de ce complément de motivation apporté par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, la partie demanderesse n’y a plus pris position, ni dans un mémoire un réplique, ni au cours des plaidoiries.

Ainsi, il ne ressort ni des pièces et éléments du dossier, ni des renseignements fournis par le demandeur que ce dernier ne soit en possession d’un permis de travail l’autorisant à prendre un emploi au Grand-Duché de Luxembourg.

Par voie de conséquence, la décision ministérielle déférée est légalement justifiée par ce seul motif, abstraction faite du caractère pertinent ou non de l’autre motif invoqué à sa base, entraînant que l’analyse du moyen proposé y relativement devient surabondant.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 9 octobre 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16114
Date de la décision : 09/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-09;16114 ?

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