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09/10/2003 | LUXEMBOURG | N°15375

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 octobre 2003, 15375


Tribunal administratif N°15375 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 septembre 2002 Audience publique du 9 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … et consorts contre une décision de l’administration des Ponts et Chaussées en matière d’aménagement de travail

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2002 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, 2.

Monsieur

…, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à…, 3.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-… 4....

Tribunal administratif N°15375 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 septembre 2002 Audience publique du 9 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … et consorts contre une décision de l’administration des Ponts et Chaussées en matière d’aménagement de travail

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2002 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, 2.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à…, 3.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-… 4.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…;

5.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, 6.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, 7.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, 8.

Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision orale du 25 octobre 2001, matérialisée par écrit le 31 octobre 2001 de l’ingénieur conducteur principal de l’administration des Ponts et Chaussées instaurant un nouveau plan des permanences et d’une décision implicite de refus du supérieur hiérarchique ;

Vu l’ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif du 16 décembre 2002 prorogeant le délai légal pour déposer un mémoire en réponse ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 14 février 2003 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement au nom de l’administration des Ponts et Chaussées ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 13 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR au nom de Monsieur … et consorts ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 10 avril 2003 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement au nom de l’administration des Ponts et Chaussées ;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2003.

Vu la rupture du délibéré prononcée le 6 juin 2003 permettant aux parties de prendre position quant à l’applicabilité et l’incidence éventuelle des Conventions OIT et notamment celle tendant à limiter à 8 heures et à 48 heures par semaine le nombre des heures de travail dans les établissements industriels et celles sur le repos hebdomadaire (industrie) et de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ;

Vu l’ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif du 18 juin 2003 portant prorogation des délais permettant aux parties de déposer leurs mémoires additionnels ;

Vu le premier mémoire complémentaire déposé le 25 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR au nom de Monsieur … et consorts ;

Vu le premier mémoire complémentaire déposé le 30 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement ;

Vu le deuxième mémoire complémentaire déposé le 3 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR au nom de Monsieur … et consorts ;

Vu le second mémoire complémentaire déposé le 16 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire ainsi que Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries complémentaires à l’audience publique du 22 septembre 2003.

Les cantonniers de la permanence du centre d’intervention et d’entretien des autoroutes (CIEA), service faisant partie de l’administration des Ponts et Chaussées, se sont vus confrontés à un nouveau plan des permanences introduit à partir du 31 octobre 2001. Ce nouveau plan a notamment réduit la permanence de 7 à 5 jours en alignant ainsi le rythme de travail aux opérateurs et travailleurs du CITA (contrôle et information du trafic sur les autoroutes).

Les points importants du changement se résument ainsi :

- la permanence à 5 jours ;

- le déplacement du lieu de la permanence dans les locaux du CITA ;

- l’organisation de la permanence suivant un nouvel horaire, à savoir en trois postes de 6 h à 14 h, de 14 h à 22 h et de 22 h à 6 h ;

- journée de repos obligatoire précédant et suivant chaque permanence afin de respecter les temps de repos obligatoire ;

- suivi de la permanence par des journées de travail normal 8 h à 12h et de 12 h à 17h , le nombre de jour à travail normal étant variable.

Le 27 octobre 2001 ils firent part à Monsieur Carlo BINTZ, ingénieur conducteur principal, préposé du CIEA, de leur désaccord quant à l’introduction de ce nouveau plan de permanences.

Par un courrier du 31 octobre 2001, Monsieur Carlo BINTZ confirma l’entrée en vigueur du nouveau plan des permanences, en leur faisant parvenir le plan pour l’hiver 2001/2002 débutant le 31 octobre 2001 et se terminant le 28 avril 2002, avec la demande de le respecter.

Le 6 novembre 2001, Messieurs …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, … réclamèrent auprès du directeur des Ponts et Chaussées contre le courrier du 31 octobre 2001.

Le 28 février 2002, ils réitérèrent leur réclamation auprès de la ministre des Travaux publics et auprès de la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, la réclamation du 6 novembre 2001 étant restée sans réponse.

La réclamation du 28 février 2002 étant restée également sans réponse pendant plus de trois mois, Monsieur … et consorts ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision du 31 octobre 2001 et contre la décision de refus implicite se dégageant du silence gardé pendant plus de trois mois.

Quant à la forme Monsieur … et Monsieur … se désistent du recours qu’ils ont introduit, parce qu’ils ne font plus partie du service concerné.

Il y a lieu d’accueillir le désistement d’instance en question.

Quant à l’intérêt à agir, les demandeurs font valoir qu’il s’agit en l’espèce d’une décision individuelle, laquelle affecterait directement leur situation personnelle aussi bien professionnelle que privée.

Quant au respect du délai pour agir, ils invoquent, en premier lieu, l’absence d’indication des motifs, de sorte qu’en application des articles 7 et 14 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 aucun délai n’aurait commencé à courir. En deuxième lieu ils soutiennent que, de toute façon, face au silence gardé par l’administration suite à leur réclamation, ils auraient pu introduire un recours sans être enfermés dans un quelconque délai.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement fait valoir que le plan des permanences ne constituerait ni une décision individuelle, ni un acte à caractère réglementaire, de sorte qu’aucun recours n’aurait pu être utilement introduit contre ce plan. Il soutient, à titre subsidiaire, que le recours contre le plan des permanences serait irrecevable pour défaut d’intérêt puisque au moment de l’introduction du recours, à savoir le 19 septembre 2002, le plan n’aurait plus été applicable parce qu’il couvrait seulement la période du 31 octobre 2001 au 28 avril 2002.

A titre encore plus subsidiaire il fait valoir que le recours serait tardif. Les recours gracieux introduits respectivement les 6 novembre 2001 et 28 février 2002 auraient suspendu le délai tout au plus jusqu’au 28 mai 2002, date à laquelle un nouveau délai de trois mois aurait commencé à courir, de sorte que le recours introduit le 19 septembre 2002, donc après le 28 août 2002 serait irrecevable pour cause de tardiveté. Quant au moyen soulevé ayant trait à l’absence d’indication des motifs, il expose que les textes invoqués ne seraient pas applicables parce que le plan des permanences ne serait pas à qualifier de décision individuelle.

Quant à l’absence d’intérêt, Monsieur … et consorts rétorquent que leur recours n’aurait pas pour objet le plan d’hiver 2001/2002, mais la décision fixant les permanences et horaires qui sont à la base de ce plan et dont les permanences et horaires seraient repris dans les plans subséquents.

Quant au caractère tardif de leur recours, ils soulèvent que ce serait à tort que le délégué du Gouvernement a qualifié les deux réclamations introduites respectivement le 6 novembre 2001 et le 28 février 2002 comme un recours gracieux. Ils soutiennent que la réclamation introduite conformément à l’article 33 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommé ci-après « le statut général » serait un recours hiérarchique et que le silence gardé par l’administration suite à ce recours ne ferait pas courir un nouveau délai de trois mois, de sorte qu’après trois mois de silence, ils auraient pu considérer leur demande comme rejetée et ils auraient pu introduire un recours contentieux sans être enfermés dans un nouveau délai de trois mois.

D’abord il y a lieu de qualifier l’acte entrepris.

En l’espèce le recours est formé contre la décision orale du 25 octobre 2001, matérialisée par écrit par Monsieur …le 31 octobre 2001, fixant un nouveau plan des permanences pour les cantonniers du CIEA. Monsieur …est un fonctionnaire d’Etat, portant le titre d’ingénieur-conducteur principal, préposé du CIEA. Le CIEA est un service de l’Administration des Ponts et Chaussées. Il s’agit donc bien d’un acte administratif qui émane d’une autorité administrative laquelle met en œuvre un pouvoir administratif, en l’espèce celui d’organiser la façon de travailler de ses subordonnés. Il s’agit également d’un acte administratif individuel. Même si l’écrit du 31 octobre 2001 s’adresse aux fonctionnaires et ouvriers du CIEA, il n’en reste pas moins que ces fonctionnaires et ouvriers sont aisément identifiables et qu’en fin de compte la décision s’adresse à un nombre restreint et clairement identifié de personnes. En effet le plan des permanences joint à l’écrit du 31 octobre 2001, fixe pour chaque personne, nommément désignée, sa permanence et son horaire de travail.

Il y a donc lieu de conclure que le recours est dirigé contre une décision administrative individuelle en ce sens qu’elle concerne plusieurs sujets nommément désignés.

Si le caractère décisoire de l'acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n'est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l'objet d'un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief1.

Il est constant en cause que par une décision fixant un nouveau plan des permanences, notamment en réduisant la permanence de 7 jours à 5 jours et en changeant la compensation des jours de repos d’une compensation facultative en une compensation obligatoire, les personnes concernées se trouvent affectées directement dans leur situation personnelle aussi bien professionnelle que privée, de sorte que la décision est de nature à leur faire grief.

Il y a ensuite lieu d’analyser si le recours a été introduit dans le délai légal. Il s’agit de qualifier les deux réclamations introduites par les demandeurs respectivement le 6 novembre 2001 et le 28 février 2002.

Il est constant en cause que les deux réclamations ont été introduites sur le fondement de l’article 33 du statut général.

Les dispositions pertinentes de l’article 33 ont la teneur suivante :

« 1. Tout fonctionnaire a le droit de réclamer individuellement contre tout acte de ses supérieurs ou de ses égaux qui lèsent ses droits statutaires ou qui le blessent dans sa dignité (…) 2. La réclamation est adressée par écrit au supérieur hiérarchique… 3. Sous peine de forclusion, la réclamation doit être introduite dans les quinze jours à partir de la date de l’acte qu’elle concerne (…) 4. Le destinataire de la réclamation instruit l’affaire et transmet la réponse motivée au réclamant. Le cas échéant, il prend ou provoque les mesures qui s’imposent pour remédier à la situation incriminée.

5. Si la réponse ne parvient pas au réclamant dans les trois mois de la réclamation ou si elle ne lui donne pas entièrement satisfaction, il peut saisir directement le ministre du ressort. » La première réclamation cite expressément l’article 33.1 du statut général et a été introduite le 6 novembre 2001, c’est-à-dire dans les quinze jours à partir de la décision du 31 octobre 2001. La deuxième réclamation a été introduite, conformément à l’article 33.5 du statut général, suite au silence gardé pendant plus de trois mois après l’introduction de la première réclamation et a été adressée aux ministres ayant dans leurs attributions respectivement les travaux publics et la fonction publique.

Les réclamations sont dès lors à qualifier de recours hiérarchique spécialement prévu par un texte et non pas de recours gracieux, de sorte que les dispositions relatives à l’introduction d’un recours contentieux suite à l’introduction d’un recours gracieux telles qu’elles sont prévues par l’article 13 par la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ne sont pas applicables.

La disposition pertinente applicable en l’espèce est l’article 4.1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif qui est libellé 1 CA 6 décembre 2001, N° 13657C du rôle, Pas.adm. 2002, Acte administratif, n° 4, p. 19 et autres décisons y citées comme suit : « Dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il ne soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ».

Cet article n’imposant pas de délai pour introduire le recours contentieux, l’administré a la possibilité de déférer la décision implicite de refus résultant du silence de l’administration devant le tribunal administratif de façon illimitée dans le temps, du moins tant qu’aucune décision administrative ne sera intervenue2.

Le recours contentieux introduit en date du 19 septembre 2002 contre la décision du 31 octobre 2001 et contre celle implicite de refus a donc été valablement introduit, de sorte que le moyen soulevé ayant trait à la tardiveté du recours est à écarter.

Le moyen soulevé par le délégué du Gouvernement selon lequel le recours contre le plan des permanences serait irrecevable pour défaut d’intérêt, puisqu’au moment de l’introduction du recours, à savoir le 19 septembre 2002, le plan n’aurait plus été applicable parce qu’il couvrait seulement la période du 31 octobre 2001 au 28 avril 2002 est également à écarter.

En effet, le respect à la lettre d’une procédure interne spécialement prévue par la loi, comme en l’espèce celle du recours hiérarchique prévue par l’article 33 du statut général, ne saurait avoir pour effet de priver le justiciable de la possibilité d’un recours effectif. A cela s’ajoute que c’est à juste titre que les demandeurs soulèvent que « le recours n’a nullement été limité ou dirigé contre le programme d’hiver 2001/2002 couvrant la période du 31 octobre 2001 au 28 avril 2002, mais contre la décision fixant les permanences et horaires de ce programme, qui sont à la base de ce programme dont les permanences et horaires sont par la suite repris dans les programmes ultérieurs » dont témoigne le plan d’hiver 2002/2003 versé en cause.

Il y a donc lieu de retenir que l’intérêt à agir des demandeurs se trouve démontré à suffisance de droit.

Les demandeurs ont introduit à titre principal un recours en réformation.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond dans la présente matière, le tribunal est incompétent pour analyser le recours en tant qu’il tend à la réformation de la décision critiquée.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est régulier par rapport aux exigences de formes et de délai, de sorte qu’il est recevable.

Quant au fond 2 cf. CA 5 mars 2002, n° du rôle 14129C, Pas adm. 2002, Procédure contentieuse, III. Délai pour agir n° 64, p.

456 Les demandeurs invoquent en premier lieu l’absence de motivation des décisions soumises au tribunal, en violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Par rapport à une décision non formellement motivée l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif.

Au vu des mémoires échangés et des pièces versées en cause, il y a lieu de retenir que la décision instaurant un nouveau plan des permanences est motivée à suffisance de droit, de sorte que le moyen ayant trait à l’absence de motivation est à rejeter.

Les demandeurs invoquent ensuite l’absence de base légale régissant les permanences des cantonniers. Ils font valoir que ni le statut, ni une autre loi ou disposition réglementaire ne règleraient le travail par permanence pour les fonctionnaires d’Etat, de sorte qu’un ordre du chef de service ordonnant ou modifiant l’organisation des permanences serait illégal.

Le délégué du Gouvernement fait valoir qu’il existerait plusieurs bases légales pour réglementer le travail par permanence.

A ce titre il invoque en premier lieu le règlement grand-ducal du 13 avril 1984 portant fixation de la durée normale de travail et des modalités de l’horaire mobile dans les services de l’Etat, dont la base légale est l’article 18 du statut général. Il cite plus particulièrement l’article 3, paragraphe 2 du règlement grand-ducal qui dispose que : « Le chef d’administration peut modifier l’horaire normal du travail journalier si l’intérêt du service l’exige ».

Le tribunal est amené, au fond, à analyser la question soulevée de l’absence de base légale.

L’article 18 du statut général, sous le chapitre 7 intitulé « durée du travail », dispose que : « La durée normale de travail est fixée par règlement grand-ducal ».

Les articles pertinents du règlement grand-ducal du 13 avril 1984 sur la durée normale de travail sont les articles 2 et 3 ayant la teneur suivante :

« Art.2. La durée normale de travail est fixée à huit heures par jour, à quatre heures par demi-journée et à quarante heures par semaine. » « Art.3. 1. L’horaire normal du travail est fixé en règle générale de 8 à 12 heures et de 14 à 18 heures par semaine.

2. Toutefois, le chef de service peut modifier l’horaire normal du travail journalier si l’intérêt du service l’exige. » L’article 3, paragraphe 2 permet au chef de service de modifier l’horaire normal du travail journalier si l’intérêt du service l’exige. En l’espèce, il est constant que l’horaire normal du travail journalier a été modifié. Les cantonniers travaillent selon un rythme de permanence dont les horaires varient à raison de trois cadences : de 6 h à 14 h, de 14 h à 22 h et de 22 h à 6h. Etant donné que l’horaire du travail journalier s’entend par rapport à un laps de temps comportant 24 heures, toute modification afférente de l’horaire est susceptible de se mouvoir à l’intérieur de ces 24 heures et non pas seulement à l’intérieur des « heures de bureau ». En l’espèce, il est également constant que l’intérêt du service exige une modification de l’horaire de travail normal, étant donné que les cantonniers du CIEA (centre d’intervention et d’entretien des autoroutes) remplissent un service public dont la continuité doit être assurée 24 heures sur 24.

L’article 18 du statut général ensemble le règlement grand-ducal du 13 avril 1984, plus précisément son article 3, paragraphe 2, constituent dès lors une base légale et réglementaire suffisante pour instaurer le travail par permanences des cantonniers.

Les demandeurs concluent ensuite à l’applicabilité de ladite directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, même en l’absence de transposition de la part des autorités luxembourgeoises. Ils invoquent une violation de l’article 4 (temps de pause) de la directive 93/104/CE, dans la mesure où le nouveau plan des permanences ne prévoit tout simplement pas de temps de pause.

Le délégué du Gouvernement se prévaut de la possibilité de dérogation au temps de pause prévue par l’article 17, points 2.1. et 2.2 de la directive 93/104/CE et pour le surplus il ajoute qu’en fait les cantonniers auraient toujours bénéficié, durant leur permanence, d’un temps de pause suffisant, étant donné qu’ils ne seraient pas fixés pendant 8 heures à leur poste.

Les demandeurs répliquent que l’Etat luxembourgeois ne pourrait pas se prévaloir de cette possibilité de dérogation lui offerte, étant donné que faute d’avoir transposé la directive il n’aurait, a fortiori, pas pu opter dans son droit national pour une quelconque possibilité de dérogation. Pour le surplus ils relèvent que « l’idée que le cantonnier ne serait pas fixé à son poste de travail est donc totalement fausse ».

Selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés européennes, dans tous les cas où des dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer à l’encontre de l’Etat, soit lorsque celui-ci d’abstient de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en fait une transposition incorrecte.

Il s’ensuit que même en l’absence de transposition, état de choses non autrement contesté en l’espèce par l’Etat, la directive 93/104/CE est applicable à la présente affaire, laquelle rentre dans l’objet et le champ d’application tel qu’il est défini par la directive. En effet l’article 1er, paragraphe 1 de la directive 93/104/CE précise qu’elle fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail. L’article 1er, paragraphe 2 dispose qu’elle s’applique aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail et à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail. Le travail posté est défini de la façon suivante : « tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ». L’article 1er, paragraphe 3 ajoute que la directive 93/104 s’applique à tous les secteurs d’activité, privés ou publics, en se référant notamment aux activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service etc.

L’article 4 de la directive 93/104/CE est libellé comme suit : « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d’un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d’octroi sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux, ou à défaut, par la législation nationale ».

Il est constant en cause que le travail journalier est supérieur à 6 heures, étant donné que les cantonniers travaillent 8 heures par journée.

Force est au tribunal de constater que ni le plan des permanences versé en cause, ni une autre pièce ne sont de nature à étayer que les modalités du temps de pause accordé aux cantonniers sont fixées en l’espèce, de sorte que l’article 4 de la directive 93/104/CE est violé.

En ce qui concerne le moyen du délégué du Gouvernement se rapportant à la possibilité de dérogation prévue par l’article 17 de la directive 93/104/CE, c’est à juste titre que les demandeurs relèvent que l’Etat luxembourgeois ne peut pas s’en prévaloir à défaut de transposition de la directive et plus spécialement de la possibilité de dérogation y offerte aux Etats membres, de sorte que ce moyen est à rejeter, étant donné que ce n’est que dans le cadre de la transposition que la possibilité de dérogation inscrite à l’article 17 peut être exercée.

Il en résulte que la décision déférée portant introduction d’un nouveau plan des permanences est à annuler pour violation de l’article 4 de la directive 93/104/ CE.

La même cause d’annulation emporte la même conclusion relativement à la décision implicite de refus également déférée.

Etant donné que les décisions déférées sont à annuler sur base du seul moyen analysé ci-dessus, l’examen des autres causes d’annulation invoquées et des moyens présentés y relativement devient surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, donne acte à Monsieur … et à Monsieur … qu’ils se désistent du recours introduit en leur nom et laisse les frais afférents à leur charge ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare justifié, partant annule les décisions déférées, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 octobre 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15375
Date de la décision : 09/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-09;15375 ?

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