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08/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16958

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 octobre 2003, 16958


Numéro 16958 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 septembre 2003 Audience publique du 8 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16958 du rôle, déposée le 8 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Lendici (B...

Numéro 16958 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 septembre 2003 Audience publique du 8 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16958 du rôle, déposée le 8 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Lendici (Bosnie-Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 juin 2003, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 4 août 2003 prise sur recours gracieux, les deux déclarant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Arthur SCHUSTER, en remplacement de Maître Edmond DAUPHIN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 octobre 2003.

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En date du 10 mai 2002, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une première demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ». Il renonça à cette demande suivant déclaration écrite du 24 juin 2002.

Monsieur … soumit en date du 26 mai 2003 une nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié politique.

Par convocation du 28 mai 2003, remise en mains propres à Monsieur … le même jour suivant la signature par lui apposée sur la minute, celui-ci fut convoqué au bureau d’accueil pour demandeurs d’asile pour le 2 juin 2003 en vue de son audition sur les motifs à la base de sa demande d’asile. Monsieur … ne se présenta néanmoins pas à la prédite date afin d’être auditionné.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 5 juin 2003, notifiée le 24 juin 2003, que sa demande d’asile avait été rejetée comme étant manifestement infondée aux motifs suivants :

« Vous avez déposé votre nouvelle demande en obtention du statut de réfugié le 26 mai 2003.

Je constate que vous ne vous êtes plus présenté ni pour être entendu par le Service de Police Judiciaire quant à votre voyage jusqu’au Luxembourg, ni à l’audition concernant les motifs de votre demande d’asile qui avait été fixée au 2 juin 2003.

Je vous informe que l’article 6, f) du Règlement Grand-Ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile dispose comme suit : « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est notamment le cas lorsque le demandeur a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

Le fait de ne pas vous présenter à la convocation du Ministère de la Justice constitue une des omissions prévues par l’article 6 précité.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est donc refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le recours gracieux formé par son mandataire suivant courrier du 9 juillet 2003 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 4 août 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des deux décisions précitées des 5 juin et 4 août 2003 par requête déposée en date du 8 septembre 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, disposant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de manière que le tribunal est compétent pour connaître du recours, lequel est également recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il aurait été convoqué en vue de son audition à peine une semaine après son arrivée au Luxembourg, qu’il aurait souffert à ce moment de graves maux de tête, troubles dont il aurait souvent souffert depuis qu’il aurait combattu au front pendant la guerre entre la Croatie et la Serbie, qu’il ne comprendrait aucune des langues officielles du pays et qu’il « avait beaucoup de mal à se débrouiller dans un pays qui lui était totalement étranger ». Il déclare qu’il n’aurait nullement voulu se soustraire délibérément aux mesures d’instruction relatives à sa demande d’asile et qu’ultérieurement, après avoir compris « la gravité de sa négligence », il aurait fait exposer les raisons de son défaut et sa volonté de coopérer honnêtement avec les autorités à travers le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 9 juillet 2003.

Le demandeur déduit de l’ensemble de ces éléments que l’article 6 du règlement grand-ducal prévisé du 22 avril 1996, visant essentiellement des hypothèses de fraude délibérée, de documents falsifiés et de destruction de documents officiels, ne pourrait pas trouver application en l’espèce à sa « négligence objectivement grave certes, mais explicable sur le plan subjectif », étant donné qu’il n’aurait pas eu l’intention de recourir abusivement aux procédures en matière d’asile. Il ajoute que l’article 6 prévisé n’imposerait pas le rejet d’office de la demande d’asile, mais ménagerait à la personne concernée la faculté de fournir une explication satisfaisante de son comportement résidant en l’espèce dans une crise de céphalée aiguë.

Le délégué du Gouvernement rétorque que, suite à la remise en mains propres de la convocation pour l’audition du 2 juin 2003, le fait par le demandeur de ne pas s’être présenté à cette date sans avoir présenté dans les meilleurs délais une excuse satisfaisante et crédible constituerait une omission flagrante de ses obligations au sens de l’article 6, f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996.

Le représentant étatique relève également que le demandeur avait déclaré au moment de la soumission de sa première demande d’asile qu’il n’aurait pas déposé de demande d’asile dans un autre pays, mais qu’il ressortirait du dossier qu’il aurait sollicité, depuis l’année 1996, à trois reprises et sous d’autres identités l’asile en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède, de sorte que l’abus des procédures d’asile serait manifeste en l’espèce.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Le même article précise dans son alinéa 2 sub d) que tel est notamment le cas lorsque le demandeur a « délibérément omis de signaler qu’il avait précédemment présenté une demande dans un ou plusieurs pays, notamment sous de fausses identités ».

En l’espèce, lors de son audition en date du 10 mai 2002 par un agent du service de police judiciaire sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, le demandeur a affirmé qu’il n’aurait pas encore soumis une demande d’asile dans un autre pays. Il ressort pourtant des éléments du dossier soumis au tribunal et non autrement contestés par le demandeur, qu’il a déposé des demandes d’asile le 3 septembre 1996 aux Pays-Bas sous l’identité de Vernes HALILOVIC, le 29 mai 2002 en Allemagne sous l’identité de Vernes DREK et le 20 août 2002 en Suède sous l’identité d’Omer ….

Il se dégage de ces éléments que le demandeur a délibérément omis de signaler l’existence de demandes d’asile antérieures dans d’autres pays, de manière que sa demande tombe dans le cas d’ouverture prévu par l’article 6, alinéa 2 sub d) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 prévisé permettant au ministre de la considérer comme étant manifestement infondée.

Quant à l’explication satisfaisante relative aux reproches lui ainsi adressés que le demandeur est censé fournir, conformément aux dispositions de l’article 6, alinéa 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 précité, afin d’éviter le rejet automatique de sa demande d’asile, il y a lieu de relever que le demandeur n’a soumis au tribunal aucune explication quant à la réalité de ces demandes d’asile suite au moyen afférent soulevé par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse. Le tribunal est partant amené à conclure que le demandeur est resté en défaut de donner une explication satisfaisante relative à ses fausses déclarations, de manière que le ministre a valablement pu considérer la demande d’asile présentée par Monsieur … comme manifestement infondée sur base de ce motif complémentaire fourni par le délégué du Gouvernement, abstraction même faite du motif originaire relatif au défaut par le demandeur de s’être acquitté d’une obligation essentielle de la procédure d’asile, tel qu’indiqué dans la décision déférée du 5 juin 2003.

Il s’ensuit que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 octobre 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. RASSEL, greffier assumé.

RASSEL LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16958
Date de la décision : 08/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-08;16958 ?

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