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08/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16203

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 octobre 2003, 16203


Tribunal administratif N° 16203 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mars 2003 Audience publique du 8 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16203 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lu

xembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité brésilienne, demeurant actuellement à...

Tribunal administratif N° 16203 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mars 2003 Audience publique du 8 octobre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16203 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité brésilienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en date du 30 décembre 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 16 juillet 2001, Monsieur … introduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, dénommé ci-après le « service commun », en précisant appartenir à la « catégorie C » telle que décrite dans la brochure intitulée « régularisation du 15 mars au 13 juillet 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg », éditée par le service commun, dénommée ci-après « la brochure », en ce qu’il résiderait au Grand-Duché de Luxembourg de façon ininterrompue depuis le 1er juillet 1998 au moins. Par lettre du 30 décembre 2002, le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi informèrent Monsieur … de ce qui suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 16 juillet 2001 auprès du Service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie C que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins ».

Vous êtes invité à quitter le Luxembourg endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 décembre 2002.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur estime :

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que la décision attaquée est nulle pour défaut de qualité dans le chef de ses auteurs, au motif qu’il a déposé sa demande auprès du service commun et que l’autorité de décision aurait dû être composée, collégialement par le ministre de la Justice, le ministre du Travail et de l’Emploi, ainsi que le ministre de la Famille. Or, force serait de constater que le ministre de la Famille n’aurait pas approuvé la décision attaquée ;

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que la décision attaquée n’est pas légalement motivée par la référence à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 au motif qu’on ne saurait reprocher à un étranger candidat à la régularisation de ne pas disposer de revenus personnels, parce qu’en sa qualité d’étranger en situation illégale, il lui est défendu de s’adonner à une quelconque activité salariée et parce que « les conditions posées par le ministère de la Justice pour être « régularisé », respectivement obtenir un titre de séjour sont telles qu’elles permettent dans certains cas à des étrangers non titulaires de revenus, d’obtenir un titre de séjour ». Sur ce, le demandeur conclut que la motivation, en ce qu’elle repose sur l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 serait illégale, sinon inappropriée ;

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que son droit d’être entendu en ses explications préalablement à la prise de la décision n’a pas été respecté.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. A l’appui de sa conclusion, il soutient que la décision ministérielle de refus ne serait pas viciée par l’absence de signature du ministre de la Famille, que l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 aurait été invoqué à juste titre, étant donné qu’au moment où la décision attaquée fût prise Monsieur … n’aurait pas disposé de moyens personnels propres suffisants et que finalement Monsieur … n’aurait pas rapporté la preuve d’une résidence ininterrompue au pays depuis le 1er juillet 1998 et qu’on ne saurait pas reprocher au ministre de la Justice de ne pas l’avoir entendu préalablement à la prise de décision, pareille obligation n’étant pas légalement prévue.

Lors des plaidoiries, le mandataire du demandeur a encore soulevé un moyen d’annulation supplémentaire tiré de ce que la décision attaquée devrait être annulée au motif que la commission instituée par l’article 7bis du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg n’aurait pas été entendue en son avis, étant donné que la procédure de régularisation serait une régularisation par le travail, et que le ministre du Travail serait appelé dans ladite procédure à se prononcer sur ce point.

En ce qui concerne d’abord la qualité de l’auteur de la décision attaquée, force est de constater qu’en l’état actuel de la législation, une décision relative à l’entrée et au séjour d’un étranger au Grand-Duché au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, relève de la seule compétence du ministre de la Justice, ceci conformément aux dispositions de l’article 11 de ladite loi, et sous les restrictions y énoncées tenant notamment au fait que les décisions afférentes sont prises sur proposition du ministre de la Santé lorsqu’elles sont motivées par des raisons de santé publique. Il s’ensuit qu’en dépit du fait que la demande en obtention d’une autorisation de séjour du demandeur a été introduite auprès d’un service commun regroupant des représentants du ministère du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et que cette demande a par ailleurs été traitée dans le cadre de la régularisation des sans-papiers ainsi désignée, seul le ministre de la Justice est légalement investi de la compétence pour statuer en la matière.

Ainsi, le défaut de signature et d’intervention du ministre de la Famille, face à la compétence exclusive du ministre de la Justice en la présente matière, n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée, cette conclusion n’étant pas ébranlée par le fait que l’instruction du dossier a été faite, en tout ou partie, par un service commun regroupant des représentants de plusieurs ministères.

Il convient ensuite d’examiner le moyen basé sur l’obligation de saisine de la commission consultative instituée par l’article 7bis du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972.

Or, ce moyen est également à écarter, étant donné que la décision litigieuse ne se prononce pas sur un refus d’un permis de travail, alors qu’elle a exclusivement trait à un refus d’un permis de séjour et que la légalité de pareille décision n’est pas conditionnée par une saisine préalable de ladite commission.

En ce qui concerne le dernier moyen d’annulation soulevé, dont l’examen est préalable, le demandeur semble se baser sur les dispositions de l’article 9 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce qu’il entend soumettre à une procédure contradictoire certaines catégories de décisions qui sont de nature à affecter les intérêts de la personne concernée.

Or, force est de constater que lesdites prescriptions ne s’appliquent pas au cas où la décision administrative litigieuse intervient dans le cadre d’un processus décisionnel qui intervient à l’initiative de l’administré lui-même (cf. Cour adm. 24 octobre 2000, n° 11948C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 49).

Il s’ensuit donc qu’en l’espèce, le demandeur ayant pris l’initiative à la base de la décision ministérielle actuellement litigieuse en présentant une demande en obtention d’un permis de séjour le 16 juillet 2001, le moyen d’annulation est partant à abjuger.

Enfin, abstraction faite de toute considération quant à la légalité de la brochure destinée à la régularisation des sans papiers et au-delà de toute considération tenant à l’application directe de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, il ressort des éléments en cause que le demandeur a soumis sa demande en obtention d’une autorisation de séjour sur pied de la brochure de régularisation et qu’il s’est prévalu de la catégorie C de cette brochure, visant « la personne qui réside de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 ».

En l’espèce, sur base des éléments d’appréciation lui soumis, le tribunal arrive à la conviction que le demandeur n’a pas établi à suffisance de droit avoir résidé au Luxembourg de manière ininterrompue depuis le 1er juillet 1998.

Il n’est dès lors pas établi que le demandeur répond aux conditions fixées par la catégorie C de la brochure de régularisation.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre la décision ministérielle litigieuse doit être déclaré non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 8 octobre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16203
Date de la décision : 08/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-08;16203 ?

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