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06/10/2003 | LUXEMBOURG | N°15979

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 octobre 2003, 15979


Tribunal administratif N° 15979 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2003 Audience publique du 6 octobre 2003

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Recours formé par Madame …, veuve …, Perle contre une décision du bourgmestre de la commune de Rambrouch en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15979 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2003 par Maître François GENGLER, avocat à l

a Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, veuve …, demeurant...

Tribunal administratif N° 15979 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2003 Audience publique du 6 octobre 2003

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Recours formé par Madame …, veuve …, Perle contre une décision du bourgmestre de la commune de Rambrouch en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15979 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2003 par Maître François GENGLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, veuve …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Rambrouch du 18 novembre 2002 accordant une autorisation de construire aux époux …;

Vu la signification de ce recours à l’administration communale de Rambrouch, ainsi qu’aux époux … intervenue en date du 12 février 2003 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2003 par Maître Anne ROTH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue par voie de télécopie adressée aux mandataires de Madame … ainsi que de l’administration communale de Rambrouch ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2003 par Maître Claude SCHMARTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Rambrouch ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue par voie de télécopie adressée en date du même jour aux mandataires de Madame …, ainsi que des époux … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2003 par Maître François GENGLER au nom de Madame … ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique aux mandataires de l’administration communale de Rambrouch, ainsi que des époux …intervenue en date du même jour ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2003 par Maître Anne ROTH au nom des époux … ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique aux mandataires de l’administration communale de Rambrouch, ainsi que de Madame … intervenue par voie de télécopie leur adressée en date du même jour ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2003 par Maître Claude SCHMARTZ au nom de l’administration communale de Rambrouch ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée aux mandataires de Madame …, ainsi que des époux … en date du même jour ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres François GENGLER, Steve HELMINGER et Claude SCHMARTZ en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 septembre 2003.

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Par décision du 18 novembre 2002, le bourgmestre de la commune de Rambrouch accorda aux époux … l’autorisation de transformer et d’agrandir leur maison sise à Perlé, en la commune de Rambrouch, section … de Perle, au lieu-dit « … », sur une parcelle référencée sous le numéro cadastral …/… et partie du numéro …/….

Par requête déposée en date du 12 février 2003, Madame …, veuve …, en sa qualité de voisine directe du terrain concerné par l’autorisation prévisée, a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre de la commune de Rambrouch du 18 novembre 2002.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

La demanderesse, disposant d’une vue directe sur l’immeuble à construire, conclut principalement à une violation flagrante des dispositions du règlement des bâtisses de la commune de Rambrouch en ce que l’agrandissement projeté n’observe aucun recul latéral, alors que le recul de la construction ancienne était de plus de 3 mètres, et que par ailleurs la construction projetée accuserait une hauteur plus élevée que celle antérieure, de manière à entraîner une perte de lumière et d’espace considérable.

A l’appui de ce moyen, la demanderesse fait valoir que l’autorisation litigieuse a été prise sur base d’un règlement des bâtisses qui n’a pas encore eu l’approbation du ministre de l’Intérieur et que partant le règlement antérieur aurait dû être pris en considération pour déterminer le recul latéral. Dans la mesure où contrairement à ce qui est permis par le règlement des bâtisses projeté et non encore approuvé par le ministre de l’Intérieur, un recul latéral de 0 mètre en zone de faible densité n’est pas autorisable sous le règlement antérieur, la décision litigieuse serait empreinte d’illégalité.

Les époux … rétorquent que conformément aux dispositions de l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, le plan d’aménagement général aurait un effet obligatoire et contraignant à partir de son dépôt à la maison communale, de manière à trouver application dès avant son adoption définitive. Ils estiment par ailleurs que dans la mesure où le projet de modification du plan d’aménagement général de la commune de Rambrouch, ci-après désigné par « PAG », n’aurait pas fait l’objet de la moindre objection suite à son approbation provisoire, il serait devenu automatiquement définitif à l’expiration du délai visé à l’article 9 alinéa 2 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, sans rester autrement sujet à approbation ministérielle. Ils font en effet valoir que seules les décisions que le conseil communal est appelé à prendre sur les objections présentées dans le délai légal devraient faire l’objet d’une approbation ministérielle.

Ils déduisent de l’ensemble des considérations qui précèdent que seul le nouveau PAG serait applicable en l’espèce et que partant le bourgmestre aurait légalement pu et dû prendre sa décision conformément aux dispositions de ce dernier.

L’administration communale de Rambrouch s’étant ralliée entièrement aux développements des époux …, il y a lieu d’examiner d’abord le moyen basé sur la non-

applicabilité en l’espèce des dispositions du PAG tel qu’approuvé provisoirement par le conseil communal de Rambrouch en date du 6 août 1996 et déposé, d’après les informations fournies en cause, à la maison communale aux fins d’inspection par le public pendant trente jours à partir du 28 août 1996.

La procédure d’adoption d’un projet d’aménagement telle qu’inscrite à l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée prévoit l’intervention du ministre de l’Intérieur en tant qu’autorité de tutelle à un double titre. Conformément aux dispositions du quatrième alinéa dudit article 9, ledit ministre est d’abord appelé à approuver d’une manière générale le projet d’aménagement tel que résultant de la première phase d’aplanissement des difficultés se situant après l’approbation provisoire et pouvant le cas échéant aboutir à des plans modifiés, sans que pour autant l’existence d’objections à ce stade contre l’approbation provisoire ne soit une condition nécessaire pour l’intervention de l’approbation tutélaire.

A côté de ce pouvoir général d’approbation, l’autorité de tutelle est investie en outre par les dispositions de l’article 9 dernier alinéa prévisé, du pouvoir de statuer, le conseil communal et la commission entendus, sur les réclamations adressées au Gouvernement. Cette compétence pour vider les réclamations est distincte de celle conférée d’une manière générale au même ministre pour statuer, par approbation ou refus pur et simple, sur les dispositions de la délibération communale qui n’ont fait l’objet ni d’objections ni encore de réclamations et ne saurait autrement conditionner cette dernière sous peine d’ôter à l’autorité de tutelle la plénitude de son pouvoir général d’approbation.

En effet, le vote provisoire d’un conseil communal portant approbation provisoire d’un projet d’aménagement ne faisant pas l’objet de réclamations dans le délai légalement prévu constitue un acte réglementaire préparatoire et intérimaire nécessitant l’approbation de l’autorité de tutelle (cf. Cour adm. 16 novembre 2000, n° 11878C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Tutelle administrative, n° 16 et autres références y citées, p.

556).

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’en l’absence d’approbation du projet d’aménagement retenu à la base de la décision litigieuse par le ministre de l’Intérieur, celui-ci, même en l’absence d’objection, voire de réclamation pendante introduite par application des dispositions de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, n’est à ce jour pas automatiquement devenu définitif.

Concernant ensuite l’effet d’un plan d’aménagement provisoirement approuvé, il y a lieu de se référer à l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée qui dispose comme suit : « à partir du jour où le projet d’aménagement est déposé à la maison communale, tout morcellement des terrains, toutes construction ou réparation confortative, ainsi que tous travaux généralement quelconques, en tant que ces morcellements, constructions, réparations ou travaux seraient contraires aux dispositions du plan, sont interdits. Cette servitude frappe les propriétés sans conférer le droit à indemnité. (…) ».

Tel qu’il se dégage du libellé même de la disposition prérelatée, les interdictions ainsi mises en place constituent une servitude frappant les propriétés concernées, laquelle sort ses effets de manière obligatoire et contraignante à partir du jour du dépôt du PAG à la commune.

Afin de ne pas compromettre l’avenir du projet d’aménagement, alors que dans l’esprit des auteurs du texte de loi concerné « dans cette matière, les fautes une fois commises, sont presque toujours irréparables et une seule construction mal plantée peut compromettre l’extension et l’avenir de tout un quartier » (cf. projet de loi concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, exposé des motifs, p. 30), il fut en effet jugé nécessaire d’imposer aux particuliers, dans un but d’intérêt public et dès le dépôt du projet, certaines restrictions afin d’éviter que par application de l’ancienne réglementation, le terrain communal puisse être pourvu dans l’intervalle avant l’approbation définitive des plans, de manière irrémédiable de constructions ou d’implantations se heurtant aux dispositions du projet de PAG.

Si les mesures préventives ainsi mises en place dès le dépôt du projet à la maison communale sont certes appelées à produire leurs effets de plein droit et sans l’intervention de la commune, bien qu’en ce moment le plan d’aménagement ne soit pas encore définitif, l’effet direct et contraignant y attaché ne saurait pas pour autant être étendu au projet d’aménagement globalement considéré.

S’agissant d’un effet d’exception, dérogeant au principe général qu’un acte soumis à approbation tutélaire ne devient définitif qu’à l’issue de la procédure d’approbation mise en place, les dispositions prérelatées de l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée sont d’interprétation stricte, de sorte que les interdictions y déterminées et limitativement énumérées ne sauraient en tout état de cause être étendues au-delà de la terminologie employée.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le vote provisoire d’un conseil communal concernant un projet d’aménagement communal a un effet négatif par l’applicabilité directe de la servitude mise en place, dès le dépôt du projet provisoirement approuvé à la maison communale, en dehors de toute autre étape dans la procédure d’approbation définitive du plan, dans ce sens uniquement que, conformément à l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, toute implantation de constructions et tous travaux contraires aux dispositions dudit projet sont interdites.

En revanche, un tel projet ne saurait avoir un effet positif dans ce sens qu’il autoriserait des implantations ou travaux non encore autorisables sous l’ancienne réglementation, étant donné que pareille interprétation reviendrait à étendre l’effet conféré au projet de plan d’aménagement au-delà d’une simple restriction instituée dans un but de prévention. D’ailleurs si un effet positif était attaché au vote provisoire, une commune n’aurait aucun intérêt à poursuivre la procédure d’approbation tutélaire, court-

circuitant ainsi les pouvoirs de l’autorité de tutelle.

Il s’ensuit qu’en attendant la finalisation de la procédure d’adoption d’un nouveau PAG, le bourgmestre, par application des dispositions de l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, est appelé à examiner les demandes d’autorisation de construire lui soumises à un double degré, en l’occurrence d’abord au regard de leur conformité avec l’ancienne réglementation, et ensuite, et dans l’affirmative seulement, au regard de leur non contrariété par rapport au nouveau projet de PAG.

En l’espèce, il est constant que la décision litigieuse, en ce qu’elle autorise une construction sous l’observation d’un recul latéral de 0 mètre, confère un droit à ses bénéficiaires qui découle exclusivement des dispositions du nouveau PAG non encore définitivement approuvé par les autorités respectivement compétentes, de sorte que le bourgmestre, en conférant ainsi un effet positif au projet de PAG par l’autorisation d’un projet non autorisable sous l’ancienne réglementation, a méconnu la portée des dispositions de l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée.

Les parties étant en accord pour admettre que sous l’ancienne réglementation le projet de construction faisant l’objet de l’autorisation litigieuse n’est pas autorisable en l’état et ce notamment au regard des prescriptions relatives au recul latéral, il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est fondé et que la décision déférée du bourgmestre de la commune de Rambrouch du 18 novembre 2002 encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision déférée du bourgmestre de la commune de Rambrouch du 18 novembre 2002 et lui renvoie le dossier en prosécution de cause ;

fait masse des frais et les impose pour moitié à l’administration communale de Rambrouch, l’autre moitié étant à charge des époux….

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 octobre 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Rassel, greffier assumé.

s. Rassel s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15979
Date de la décision : 06/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-06;15979 ?

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