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02/10/2003 | LUXEMBOURG | N°16994

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 octobre 2003, 16994


Tribunal administratif Numéro 16994 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2003 Audience publique du 2 octobre 2003

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Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16994 du rôle, déposée le 25 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,

né le …, de nationalité nigérianne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour ét...

Tribunal administratif Numéro 16994 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2003 Audience publique du 2 octobre 2003

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Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16994 du rôle, déposée le 25 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité nigérianne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 19 septembre 2003 prorogeant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er octobre 2003.

Lors d’un contrôle policier effectué en date du 21 août 2003 au quartier de la gare à Luxembourg, il s’est avéré que Monsieur … se trouvait en séjour irrégulier au pays et était dépourvu de papiers d’identité valables.

En date du même jour le ministre de la Justice ordonna à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

1 « Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’un éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par arrêté ministériel du 19 septembre 2003, notifié le 21 septembre 2003 à l'intéressé, la mesure de placement fut prorogée pour la durée d'un mois.

Cette décision de prorogation est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté pris en date du 21 août 2003 décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d'identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’un éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 25 septembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel de prorogation de placement du 19 septembre 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 19 septembre 2003. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Monsieur … relève d’abord à l’appui de son recours qu’il aurait présenté, sans préjudice quant à la date exacte, une demande d’asile au sens de la Convention de Genève auprès des autorités compétentes au courant du mois d’août 2003, laquelle ferait actuellement l’objet d’une instruction par les soins du service compétent du ministère de la Justice. Il estime que dans la mesure où le ministre de la Justice aurait ainsi reconnu sa compétence pour examiner la demande d’asile par lui présentée, il ne pourrait légalement plus être maintenu au Centre de séjour pour des étrangers en situation irrégulière en vue de son éloignement, étant donné que son statut de demandeur d’asile ferait en l’état actuel obstacle à toute mesure 2d’éloignement, ceci par application des dispositions de l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953.

Monsieur … reproche ensuite aux autorités luxembourgeoises de rester en défaut de justifier de la nécessité absolue de proroger la mesure de placement pour la durée d’un mois et conclut finalement au caractère disproportionné de la mesure litigieuse en faisant valoir que le régime auquel il serait soumis au Centre de séjour provisoire à Schrassig serait identique à celui des détenus de droit commun, à l’exception du droit limité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail. Il estime que dans ces conditions ce centre ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15 (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, alors que le Centre pénitentiaire de Schrassig aurait été créé et conçu exclusivement pour l’hébergement de détenus au sens pénal du terme.

Le délégué du Gouvernement précise d’abord que c’est seulement en date du 16 septembre 2003 que le demandeur a déposé une demande d’asile au Luxembourg et que son audition par un agent du ministère de la Justice est prévue pour le 3 octobre 2003. Quant à la violation alléguée de l’article 33 de la Convention de Genève, il rétorque que si ledit article interdit certes le refoulement d’un demandeur d’asile vers son pays d’origine, il n’interdirait néanmoins pas son transfert éventuel vers un autre Etat membre de l’Union européenne compétent pour examiner sa demande d’asile. Tout en relevant que ce serait à tort que le demandeur estime que le ministre de la Justice aurait reconnu sa compétence pour l’examen de sa demande d’asile, il signale qu’à l’heure actuelle des recherches de la part de la police judiciaire seraient en cours, ceci en raison notamment des explications contradictoires du demandeur relatives à l’itinéraire emprunté pour venir au Luxembourg Monsieur … ayant en effet d’abord prétendu être venu au Luxembourg en bateau, puis par vol direct en provenance du Nigéria, le délégué du Gouvernement fait valoir que face à l’incrédibilité de ces déclarations il serait plus que probable qu’il a séjourné au préalable dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Eu égard par ailleurs au fait que le demandeur n’était en possession ni d’un document de voyage valable, ni encore d’un document prouvant son identité, il estime que son maintien au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière serait indispensable afin d’organiser, le cas échéant, son transfert vers l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande. Dans la mesure où le demandeur ne serait pas disposé à dire la vérité sur son voyage vers le Grand-Duché, la condition de la nécessité absolue de la prorogation de la décision de placement serait établie à suffisance.

Quant au caractère prétendument disproportionné de la mesure de placement, le délégué du Gouvernement rappelle que Monsieur … n’est pas placé au Centre pénitentiaire de Schrassig, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Concernant la justification de la décision de prorogation sous examen, le paragraphe (2) de l’article 15 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que : « La décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ». Le tribunal est partant amené à analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’en l’espèce une nécessité absolue rendait la reconduction de la décision de placement inévitable.

3Il convient d’abord d’examiner l’incidence du dépôt d’une demande d’asile par Monsieur …, notamment au regard du principe de non refoulement tel qu’il se dégage des articles 33 de la Convention de Genève et 14 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Dans ce contexte, il convient de relever qu’il se dégage tant de la requête introductive d’instance que du mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, que Monsieur … a effectivement introduit une demande d’asile au sens de la Convention de Genève, mais que celle-ci ne fut formulée qu’en date du 16 septembre 2003. Il est encore constant que son audition par un agent du ministère de la Justice est prévue pour le 3 octobre 2003.

Or, si Monsieur … a ainsi certes posé une demande d’asile, il n’est pas moins constant en cause qu’il n’a pas soumis sa demande d’asile spontanément en se présentant aux autorités luxembourgeoises dès son arrivée au Luxembourg, mais seulement par la suite, au cours de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Dans la mesure où l’irrégularité du séjour du demandeur était dès lors patente préalablement à l’introduction de sa demande d’asile et que ce dernier n’avait manifestement pas l’intention de s’adresser directement à cette fin aux autorités luxembourgeoises, le ministre pouvait valablement maintenir et proroger la mesure de placement à l’encontre de Monsieur … afin de mettre ses services en mesure de vérifier son identité et de clarifier la question de la compétence de l’Etat luxembourgeois pour connaître de sa demande d’asile à la lumière notamment de la Convention de Dublin, ceci d’autant plus que le demandeur a manifestement fait de fausses déclarations au sujet de l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Force est en effet de constater qu’au vu notamment du défaut de collaboration de Monsieur … avec les autorités compétentes pour clarifier ses déclarations effectuées dans le cadre de l’examen de sa demande d’asile, le ministre a valablement pu décider de maintenir le demandeur en placement dans l’attente de l’établissement de son identité et de la mise en œuvre des formalités préalables à sa demande d’asile, lesquelles peuvent le cas échéant comporter une audition du demandeur, sans que pareille mesure ne puisse automatiquement valoir reconnaissance de la compétence du Grand-Duché de Luxembourg pour procéder à l’examen de la demande d’asile.

Pour le surplus, il est constant que par application de la décision litigieuse, Monsieur … fut placé non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au nouveau Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002.

Dans la mesure où il n’est pas contesté que Monsieur … fut en situation irrégulière à la date de son placement et qu’il subit une mesure de rétention administrative sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, il rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée par l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 précité, de sorte qu’une discussion sur le caractère approprié de ce centre se révèle désormais en principe non pertinente en la matière, étant donné que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence, en l’espèce éventuelle, de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de fuite, fut-il minime, 4justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Or, le demandeur n’ayant pas fait état d’une quelconque circonstance particulière permettant de conclure au caractère inapproprié du centre par rapport à sa situation spécifique, le moyen afférent laisse encore d’être fondé.

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 octobre par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16994
Date de la décision : 02/10/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-10-02;16994 ?

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