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29/09/2003 | LUXEMBOURG | N°16103

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2003, 16103


Tribunal administratif Numéro 16103 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2003 Audience publique du 29 septembre 2003

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Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16103 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le

7 mars 2003 par Maître Edith REIFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Die...

Tribunal administratif Numéro 16103 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2003 Audience publique du 29 septembre 2003

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Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16103 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 par Maître Edith REIFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-… , tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux décisions datant respectivement du 17 octobre et du 5 décembre 2002 du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement refusant de faire droit à sa demande tendant à être autorisée à exercer en qualité de commerçante l’activité de transport de marchandises par route avec trois véhicules de 6 tonnes ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2003 par Maître Edith REIFF au nom de la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2003 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edith REIFF et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2003 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 1er juillet 2003 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2003 par Maître Edith REIFF au nom de la société anonyme … S.A. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

1Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en ses plaidoiries à l’audience publique du 22 septembre 2003.

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Suivant autorisation d’établissement référencée sous le numéro 80982/A émise en date du 1er octobre 1996 par le ministre des Classes moyennes et du Tourisme, ci-après désigné par « le ministre », la société anonyme … S.A., ci-après désignée par « la société … », fut autorisée à exercer à … en qualité de commerçante l’activité « d’expédition de marchandises ».

En date du 22 avril 1997, le même ministre autorisa la société … à exercer à … en qualité de commerçante l’activité de « transport de marchandises par route avec trois véhicules de plus de 6 tonnes » sous la précision que l’autorisation n’est valable que si la gérance est assurée par Monsieur ….

A la suite du transfert de son siège social de … vers L-… , la société … s’adressa en janvier 2001 au ministre en le priant « d’adapter les autorisations d’établissement en question ».

Après avoir sollicité par courrier du 12 mars 2001 la remise de pièces complémentaires attestant l’existence d’un établissement stable à la nouvelle adresse, ainsi que l’indication du nombre d’employés de bureau que la société compte engager, le ministre, après réception des renseignements sollicités lui adressés par courrier du 17 avril 2001, émit en date du 19 juin 2001, une nouvelle autorisation d’établissement référencée sous le numéro 80982/D au profit de la société … pour l’autoriser à exercer à … en qualité de commerçante l’activité de « transport de marchandises par route avec deux véhicules de plus de 6 tonnes. – Expédition de marchandises », ladite autorisation comportant la mention suivante : « - Rempl. les numéros 80982/A et 80982/B des 01/10/1996 et 22/04/1997 ».

Par courrier du 10 juillet 2001, la société …, par l’intermédiaire de son conseil, s’adressa au ministre pour attirer son attention au fait qu’elle travaille non pas avec deux, mais avec trois camions dont deux camions à grue et un camion semi-remorque et sollicita l’émission d’une nouvelle autorisation aménagée en conséquence pour trois camions.

Après avoir procédé à une nouvelle instruction administrative, le ministre, par décision du 17 octobre 2002, refusa de faire droit à cette demande en se ralliant à la prise de position de la commission du 2 octobre 2002 ayant émis son avis dans le cadre de l’instruction administrative et ayant retenu que la condition de l’établissement stable de la société … telle qu’inscrite à l’article 5 de la loi du 3 octobre 1991 concernant l’établissement des transporteurs de voyageurs et transporteurs de marchandises par route n’était pas remplie dans son chef.

A l’encontre de cette décision la société … a fait introduire un recours gracieux par courrier de son mandataire datant du 20 novembre 2002. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 5 décembre 2002, elle a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des 2décisions ministérielles prévisées des 17 octobre et 5 décembre 2002 par requête déposée en date du 7 mars 2003.

A l’appui de son recours, la société demanderesse fait valoir qu’elle remplirait parfaitement la condition de l’établissement stable et conclut partant à l’octroi de l’autorisation d’établissement sollicitée suivant les éléments du dossier. Elle critique les décisions litigieuses pour motivation insuffisante et reproche au ministre de ne pas lui avoir communiqué l’avis litigieux de la commission consultative auquel il s’est référé en faisant valoir que cette carence l’aurait mise dans l’impossibilité de vérifier la régularité dudit avis ainsi que des décisions qui s’en sont suivies.

Le délégué du Gouvernement expose que la société … aurait introduit en date du 10 juillet 2001 une demande en autorisation visant à augmenter son parc de véhicules. Il signale que le dossier a été transmis à la commission prévue à l’article 5 de la loi du 3 octobre 1991 précitée et à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisans, de commerçants, d’industriels, ainsi qu’à certaines professions libérales, désigné ci-après par « la loi d’établissement » voire par les dispositions de l’article 5 (1) de la loi du 30 juillet 2002 concernant l’établissement de transporteur de voyageurs et de transporteur de marchandises par route. Il expose et que dans le cadre de l’instruction suivie le défaut d’un établissement stable aurait été révélé, circonstance qui aurait justifié à la fois l’avis défavorable de la commission consultative, ainsi que la décision négative litigieuse du 17 octobre 2002. Il signale que suite au recours gracieux introduit par la société … le 20 novembre 2002, le dossier a fait l’objet d’un réexamen par la commission consultative laquelle a néanmoins répondu par un nouvel avis défavorable en date du 26 novembre 2002, position à laquelle le ministre s’est rallié par la décision également litigieuse du 5 décembre 2002.

Le représentant étatique conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours pour avoir été introduit tardivement en faisant valoir que la décision ministérielle du 5 décembre 2002 n’a été attaquée par voie de requête qu’en date du 7 mars 2003, soit après l’expiration du délai de recours de trois mois. Il conclut en outre à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en réformation introduit en faisant valoir que l’article 1er, deuxième alinéa de la loi du 30 juillet 2002 précitée dispose que la loi d’établissement est d’application en dehors des dispositions de la loi spéciale sur les transporteurs, de sorte qu’en l’absence de recours au fond spécifiquement prévu, seul un recours en annulation aurait pu être introduit en la matière.

S’il est certes vrai que conformément aux dispositions de l’article 5 (5) de la loi du 3 octobre 1991 précitée, le tribunal était compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière, c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement se prévaut de la loi du 30 juillet 2002 précitée, entrée en vigueur, d’après les dispositions de son article 16, le premier jour du mois d’octobre 2002, la publication au Mémorial ayant eu lieu le 14 août 2002, pour soutenir que sous l’empire de cette nouvelle loi seul un recours en annulation est prévu en la matière.

En l’espèce, la décision litigieuse du 5 décembre 2002, intervenue sur recours gracieux et remplaçant ainsi par confirmation celle également déférée du 17 octobre 2002, est dès lors soumise aux voies de recours telles que se dégageant de la seule loi du 30 juillet 2002 précitée, de sorte que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit.

3Quant au délai de recours, il y a lieu d’examiner plus en avant le cheminement procédural exact ayant abouti aux décisions déférées au tribunal, ainsi que de les qualifier par rapport à la demande initiale de la société ….

A cet égard, il y a lieu de constater que la demande à la base du litige sous examen remonte non pas, tel que soutenu par le délégué du Gouvernement, au courrier de la société … du 10 juillet 2001, mais se situe au mois de janvier 2001 pour avoir été formulée à la suite du transfert du siège social de la société vers … et a eu pour objet l’adaptation de ses autorisations d’établissement afin de les rendre concordantes avec son nouveau siège social.

La décision ministérielle du 19 juin 2001, intervenue à la suite de cette demande initiale, n’y ayant cependant fait que partiellement droit en ce sens que seuls deux des trois véhicules concernés par les autorisations dont l’adaptation fut requise ont été repris dans l’autorisation de remplacement, le courrier de la société … du 10 juillet 2001 n’est en effet pas à qualifier en tant que demande nouvelle visant à augmenter le parc de véhicules de la demanderesse, mais en tant que recours gracieux, introduit dans le délai de recours légal, à l’encontre de l’autorisation d’établissement limitée émise en date du 19 juin 2001, avec pour objectif la délivrance d’une autorisation pleinement conforme à la demande initiale formulée en janvier 2001.

Dans la mesure où le ministre a pris en date du 17 octobre 2002 une décision qui, tout en étant confirmative dans son résultat du refus partiel du 19 juin 2001, ne saurait pas pour autant être qualifiée de décision purement confirmative, étant donné qu’il fut procédé à nouvelle instruction du dossier, un nouveau délai de recours de trois mois a commencé à courir à partir de la notification de cette décision du 17 octobre 2002. Ledit délai a à son tour été valablement interrompu par un itératif recours gracieux introduit par la société demanderesse par courrier du 20 novembre 2002.

Concernant le délai de recours de trois mois par rapport à la décision litigieuse datant du 5 décembre 2002, force est de constater que la charge de la preuve de la notification, tout comme celle de la date de la réception de la décision en question par le destinataire incombe à l’administration dont elle émane, mais qu’en l’espèce le délégué du Gouvernement reste en défaut de fournir en cause un quelconque élément tangible permettant de conclure que le courrier ministériel en question rédigé à la date du jeudi 5 décembre 2002 serait parvenu à son destinataire avant le 7 décembre 2002, de sorte que le moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté invoqué en cause laisse d’être fondé.

Sur la toile de fond des développements qui précèdent, le tribunal avait prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre position par rapport à l’incidence éventuelle en l’espèce des dispositions des articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, alors que l’autorisation d’établissement n° 80982/B du 22 avril 1997 relative à l’activité de « transport de marchandises par route avec trois véhicules de plus de 6 tonnes » a été remplacée, à la suite du transfert du siège social de la société demanderesse, par celle à la base du recours sous examen du 19 juin 2001 relative à l’activité de « transport de marchandises par route avec deux véhicules de plus de 6 tonnes (…) ».

Dans son mémoire complémentaire, la société demanderesse prend position en faisant valoir que la nouvelle autorisation d’établissement référencée sous le numéro 80982/D 4comporterait une modification pour l’avenir par rapport à celle délivrée par le ministre le 22 avril 1997 sous le numéro de référence 80982/B en ce qu’elle ne vaut désormais plus que pour deux véhicules de 6 tonnes. Elle en déduit que l’administration aurait dû suivre la procédure instituée par l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 avant de notifier les décisions de refus critiquées et que l’inobservation des formalités prévues par cet article devrait entraîner l’illégalité des décisions litigieuses.

Il est constant que la société demanderesse ayant bénéficié à l’époque des autorisations d’établissement requises pour trois véhicules s’est adressée au ministre au mois de janvier 2001 afin de faire transcrire ses autorisations existantes sur sa nouvelle adresse sans faire état d’un quelconque changement au niveau du nombre de véhicules exploités.

S’il est certes vrai que le courrier adressé en date du 17 avril 2001 par le conseil de la demanderesse au ministre afin de compléter le dossier dans le sens exigé par le ministre peut prêter à confusion en ce qu’il y est fait état d’une réduction de l’activité à l’exploitation de deux camions, force est de constater que dans ce même courrier le souhait d’obtenir un accord du ministre « sur la simple transcription des autorisations existantes sur la nouvelle adresse de la société » est expressément réitéré et qu’au plus tard dans le cadre de son courrier du 10 juillet 2001 adressé au ministre à la suite de l’émission de l’autorisation d’établissement du 19 juin 2001, la société a élucidé cette ambiguïté en précisant que la mention de deux camions dans sa lettre du 17 avril 2001 relevait d’une erreur, alors qu’en réalité elle travaillait toujours avec trois camions.

Il s’ensuit que compte tenu des éléments du dossier dont disposait le ministre au plus tard lors de la prise de la première décision confirmative du 17 octobre 2002, celle-ci, en ce qu’elle refuse d’étendre le bénéfice du remplacement opéré en date du 19 juin 2001 au troisième véhicule pourtant couvert par les autorisations remplacées, s’analyse en une modification d’office pour l’avenir intervenue en dehors de l’initiative de la partie concernée, de manière à s’inscrire dans les prévisions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité.

Aux termes dudit article 9, « sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors de l’initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations (…) ».

En l’espèce, le ministre ayant dû être conscient de la portée de sa décision initiale du 19 juin 2001 au plus tard au moment de la réception des explications lui adressées par la société demanderesse suivant courrier du 10 juillet 2001, a méconnu les dispositions précitées de l’article 9 en maintenant par décisions successives des 17 octobre et 5 décembre 2002 et au mépris des formalités prérelatées son refus partiel initial du 19 juin 2001 de procéder au simple remplacement des autorisations telles qu’antérieurement conçues par rapport au seul volet du transfert du siège social de la société demanderesse.

5Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est fondé, de sorte que les décisions litigieuses encourent l’annulation sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions ministérielles litigieuses et renvoie le dossier devant le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 septembre 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16103
Date de la décision : 29/09/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-09-29;16103 ?

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