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29/09/2003 | LUXEMBOURG | N°15983

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2003, 15983


Tribunal administratif N° 15983 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2003 Audience publique du 29 septembre 2003

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Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15983 du rôle et déposée le 14 février 2003 au greffe du tribunal administratif par MaÃ

®tre Maria DENNEWALD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Tribunal administratif N° 15983 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2003 Audience publique du 29 septembre 2003

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Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15983 du rôle et déposée le 14 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Maria DENNEWALD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur…, pilote, et de son épouse, Madame …, sans état particulier, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 décembre 2002 portant rejet de leur demande de remise gracieuse d’impôt de l’impôt sur le revenu pour l’année 2000 présentée le 18 octobre 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Maria DENNEWALD et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Par un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2000, émis le 14 mars 2002 par le bureau d’imposition de Capellen de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, les époux … se sont vu fixer une cote d’impôt de 4.773.561.- francs luxembourgeois pour l’année fiscale en question.

Par lettre du 14 juillet 2002 à l’attention du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », la sàrl F. introduisit, pour le compte des époux …, « une demande de rectification d’une erreur commise par nous dans la déclaration en question [déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2000] ».

Par décision du 24 septembre 2002, le directeur déclara cette réclamation irrecevable.

Par lettre du 16 octobre 2002, entrée le 18 octobre 2002 à la direction des Contributions, Maître Maria DENNEWALD introduisit pour le compte des époux … auprès du directeur une demande de remise gracieuse des impôts sur le revenu de l’année 2000.

Le 3 décembre 2002, le directeur déclara la demande de remise gracieuse irrecevable aux motifs suivants :

« Considérant que la demande tend à la modification de l’imposition de l’année 2000, au motif que les revenus perçus de la société L. auraient été classés dans la mauvaise catégorie de revenu ;

Considérant que selon le paragraphe 131 AO une remise gracieuse n’est envisageable que dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant donc qu’aux termes exprès du paragraphe 131 AO une remise d’impôt par voie gracieuse ne se conçoit que pour un impôt dont la légalité n’est pas contestée, que la cote de l’impôt sur le revenu de l’année 2000, résulte d’un bulletin d’impôt du 14 mars 2002 qui a fait l’objet, le 16 juillet 2002, d’une réclamation déclarée irrecevable par décision du 24 septembre 2002 ;

Force est de constater que le moyen invoqué dans la demande s’analyse en contestation de la légalité matérielle de l’imposition, étrangère en tant que telle à la matière gracieuse (cf. T.A. N° 11196 du 27.10.99 et confirmé par C.A. N° 11703C du 30.03.2000) ;

Considérant que le mandataire des requérants justifie la demande, d’une part, par une fausse application de la loi qui serait due à une erreur grossière de la fiduciaire et, d’autre part, par la considération que le délai pour introduire une réclamation serait révolu depuis longtemps ;

Considérant que la demande gracieuse ne doit pas servir à contourner la forclusion attachée au délai contentieux ou le réexamen d’office, la rigueur de la perception ne saurait être prétexte à un contrôle virtuel du bien-fondé de l’imposition, ni à faire l’économie d’une éventuelle action en responsabilité contractuelle contre l’auteur d’un éventuel dommage » ;

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003, les époux … ont fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre ladite décision du directeur du 3 décembre 2002 en sollicitant la remise gracieuse de l’impôt sur le revenu de l’exercice 2000 de 31.835,40.- euros, sinon toute autre somme à évaluer ex æquo et bono.

Etant donné que le paragraphe 131 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO), prévoit un recours de pleine juridiction en la matière, seul un recours en réformation a pu être introduit par les demandeurs quant au rejet de leur demande de remise gracieuse d’impôt.

Le recours principal en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

Les demandeurs exposent qu’en date du 20 août 2001, ils auraient signé et remis au bureau d’imposition de Capellen leur déclaration d’impôt sur le revenu de l’exercice 2000 telle que préparée par leur expert fiscal, la sàrl F., déclaration qui a fait l’objet d’une imposition suivant bulletin d’imposition du 14 mars 2002. Lors d’une entrevue avec le préposé du bureau d’imposition de Capellen en date du 12 juillet 2002, ils auraient appris que leur expert fiscal avait commis une erreur grossière en déclarant un montant de 2.691.000.-

francs touché au titre de dividendes nets de la société L. S.A. comme « revenu provenant de l’activité d’administrateur » et non pas comme « revenu net provenant de capitaux mobiliers », ce qui aurait entraîné dans leur chef une surtaxe de 1.284.237.- francs.

Suite à la prédite réclamation de la sàrl F. du 14 juillet 2002, qui a été déclarée irrecevable suivant décision du directeur du 24 septembre 2002 et étant donné que le délai pour réclamer contre l’imposition du 14 mars 2002 avait expiré depuis longtemps, ils auraient décidé de solliciter en vertu du paragraphe 131 AO la remise d’impôt par voie gracieuse.

Dans ce contexte, ils estiment plus particulièrement que si l’imposition était justifiée par rapport à la déclaration, elle ne l’était pas de par la nature des revenus, de sorte que l’équité imposerait de ne pas laisser à leur charge le montant d’impôt dû suite à la déclaration erronée. Ils estiment plus particulièrement qu’objectivement, ratione materiae, la perception du montant de 1.284.237.- francs constituerait une rigueur incompatible avec le principe de l’équité et que l’égalité des citoyens devant l’impôt ne serait plus garantie dans le cas d’espèce, étant donné qu’ils auraient été imposés de façon supplémentaire sur des revenus pour lesquels un autre citoyen, n’ayant pas commis d’erreur dans sa déclaration d’impôt, n’aurait pas été imposé.

Le délégué du gouvernement estime que le directeur aurait relevé à juste titre que « la demande gracieuse ne doit pas servir à contourner la forclusion attachée au délai contentieux ou le réexamen d’office et que la rigueur de la perception ne saurait être prétexte à un contrôle virtuel du bien-fondé de l’imposition, ni à faire l’économie d’une éventuelle action en responsabilité contractuelle contre l’auteur d’un éventuel dommage ». Pour le surplus, le représentant étatique estime qu’il serait évident qu’une remise gracieuse n’aurait pas pour objet d’assurer l’égalité des citoyens devant l’impôt et ne saurait aller contre la réglementation d’une situation par la loi mais pourrait seulement remédier à une situation non réglementée.

Comme les demandeurs ne se seraient pas plaints d’une rigueur subjective, il n’appartiendrait pas non plus au tribunal de rechercher une cause de remise non soumise.

Le paragraphe 131 AO dispose ce qui suit : « Sur demande dûment justifiée du contribuable endéans les délais du § 153 AO, le directeur de l’administration des Contributions directes ou son délégué accordera une remise d’impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable. Sa décision est susceptible d’un recours au tribunal administratif, qui statuera au fond ».

Une remise gracieuse n’est donc justifiée que si ou bien la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables, ou bien si objectivement l’application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l’intention du législateur (cf. trib. adm. 18 novembre 1998, n° 10364 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Impôts, n° 205 et autres références y citées).

Une rigueur objective peut résulter d’une fausse application de la loi fiscale ayant entraîné au détriment du contribuable la fixation d’un montant d’impôt trop élevé (cf. trib.

adm. 10 mars 1999, n° 10533 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Impôts, n° 207 et autres références y citées). La décision sur l’existence d’une rigueur objective doit tendre à aboutir à la solution que le législateur aurait prise s’il avait eu à réglementer la situation. Il n’en demeure pas moins qu’une demande de remise gracieuse s’analyse également et exclusivement en une pétition du contribuable d’être libéré, sur base de considérations tirées de l’équité, de l’obligation de régler une certaine dette fiscale et ne comporte ainsi aucune contestation de la légalité de la fixation de cette même dette (cf. trib. adm. 21 juillet 1999, n° 11180 du rôle, Pas.

adm. 2002, V° Impôts, n° 204 et autres références y citées).

En l’espèce, les demandeurs critiquent en substance une surtaxe dans leur chef suite à une déclaration inexacte, qualifiée d’erreur grossière, de leur expert fiscal qui, lors de la préparation de leur déclaration d’impôt du 20 août 2001, a qualifié un montant de 2.691.000.-

francs comme revenu provenant de l’activité d’administrateur et non pas comme revenu net provenant de capitaux mobiliers, ce qui a entraîné dans leur chef l’imposition du prédit montant comme bénéfice d’une profession libérale.

Force est cependant de constater que l’imposition des demandeurs est valablement effectuée à travers le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2000 par le bureau d’imposition compétent sur base des déclarations des contribuables concernés faites à travers leur expert fiscal, qui est en aveu d’avoir déclaré le montant de 2.691.000.- francs comme revenu provenant de l’activité d’administrateur et qui pour le surplus est encore en aveu de ne pas avoir joint de certificat à ladite déclaration, certificat qui aurait documenté qu’il s’agit en réalité de dividendes d’actions, mettant ainsi le préposé du bureau compétent dans l’impossibilité de déceler cette « erreur grossière » au moment de l’établissement du bulletin d’imposition litigieux.

Le bureau d’imposition compétent a partant agi conformément à la loi en se basant sur la déclaration d’impôt litigieuse et la circonstance que certaines des bases d’impositions déclarées s’avèrent ex post, et plus particulièrement après l’expiration du délai de recours contre ce bulletin d’établissement, être erronées, de sorte à avoir conduit à une surtaxe, n’est pas de nature à mettre en cause l’application de la loi qui a été faite antérieurement par ledit bureau et à aboutir à une situation non-réglementée par le législateur comme étant susceptible d’être rectifiée, étant donné que ce dernier a précisément circonscrit à travers les paragraphes 92 à 96 et 222 AO les hypothèses dans lesquelles il admet les modifications d’actes d’imposition.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le directeur a analysé la demande lui soumise comme contestation de la légalité matérielle de l’imposition effectuée, les demandeurs étant pour le surplus en aveu d’avoir abordé cette question par la voie gracieuse, s’estimant forclos de le faire moyennant un recours contentieux, au vu notamment de la décision d’irrecevabilité du même directeur du 24 septembre 2002 déclarant la réclamation de la sàrl F. irrecevable.

En ce qui concerne la rigueur subjective, force est de constater que les demandeurs n’ont fait valoir aucune circonstance particulière établissant un tel cas de rigueur dans leur chef.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre la décision directoriale laisse d’être fondé et doit être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

laisse les frais à charge des demandeurs.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 29 septembre 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15983
Date de la décision : 29/09/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-09-29;15983 ?

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