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25/09/2003 | LUXEMBOURG | N°16036

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2003, 16036


Tribunal administratif N° 16036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2003 Audience publique du 25 septembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16036 du rôle et déposée le 21 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, retraité, né le …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision...

Tribunal administratif N° 16036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2003 Audience publique du 25 septembre 2003 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16036 du rôle et déposée le 21 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, retraité, né le …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 26 juin 2002 par laquelle il s’est vu retirer le permis de conduire un véhicule automoteur et un cyclomoteur, ainsi que les permis de conduire internationaux lui délivrés sur le vu du susdit permis national, ainsi que de la décision confirmative du 9 janvier 2003, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Alain GROSS, en remplacement de Maître Albert RODESCH, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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A la suite d’un avis adressé par lettre du professeur Ch.P. du 29 janvier 2002 au président de la commission spéciale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après dénommée la « commission spéciale », se référant à un bilan cognitif et un examen neuro-

psychologique effectué par deux neuro-psychologues du Centre hospitalier de Luxembourg, suivant lequel Monsieur … n’était plus en mesure de conduire une voiture, ce dernier fut convoqué par le ministre des Transports afin de se présenter devant la commission spéciale « aux fins de vérification de ses aptitudes physiques ».

Les 1er mars et 13 mai 2002, après avoir entendu Monsieur … en ses explications et moyens de défense, la commission spéciale proposa à l’unanimité des voix de retirer le permis de conduire de la catégorie B de l’intéressé, au motif qu’il présentait un état général affaibli, qu’il était victime d’un ralentissement psycho-moteur évident, ainsi que de troubles cognitifs et d’un champ visuel diminué, de sorte qu’il ne satisfaisait plus aux conditions minimales prévues par l’article 77 sous 10) de l’arrêté grand-ducal précité du 23 novembre 1955 et qu’il était dès lors établi qu’il souffrait d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire.

Par arrêté ministériel du 26 juin 2002, le ministre des Transports retira le permis de conduire un véhicule automoteur et un cyclomoteur de Monsieur …, de même que les permis de conduire internationaux lui délivrés sur le vu de son permis national.

Par courrier du 24 septembre 2002, le mandataire de Monsieur … introduisit un recours gracieux auprès du ministre des Transports à l’encontre de l’arrêté ministériel précité du 26 juin 2002. Ce courrier fut complété par une lettre du 23 octobre 2002 portant transmission audit ministre d’un certificat médical.

A la suite d’un nouvel avis de la commission spéciale pris le 21 novembre 2002, suivant lequel l’examen médical auquel il fut procédé ne révélait pas de faits nouveaux, le ministre des Transports confirma sa décision précitée du 26 juin 2002 par un courrier du 9 janvier 2003 en décidant que sur base de l’ensemble du dossier de Monsieur … et notamment des pièces nouvellement versées par son mandataire, aucun fait nouveau ne pouvait en être tiré de nature à modifier la décision antérieure.

Par requête déposée le 21 février 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 26 juin 2002.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours, dans la mesure où il a été introduit contre la décision ministérielle précitée du 26 juin 2002, au motif que le recours gracieux « du 23 octobre 2002 » aurait été introduit en dehors du délai légal.

Au cours des plaidoiries, le mandataire du demandeur a expliqué à bon droit que c’est à tort que le représentant étatique estime que le recours gracieux date du 23 octobre 2002, étant donné que le recours gracieux date en réalité du 24 septembre 2002 et que la lettre du 23 octobre 2002, à laquelle le délégué du gouvernement fait référence, constitue un simple complément par rapport à la lettre du 24 septembre 2002, précitée. Afin d’étayer ses explications, il a versé au tribunal à cette occasion la lettre précitée datée du 24 septembre 2002, déposée à l’entreprise des postes et télécommunications le 26 septembre de la même année, portant explicitement introduction d’un recours gracieux contre la décision ministérielle précitée du 26 juin 2002. Au vu de cette pièce nouvelle, qui ne figurait à ce stade de l’instruction du dossier pas encore au dossier soumis au tribunal, le délégué du gouvernement a confirmé, lors d’une audience subséquente à laquelle l’affaire avait été refixée, afin de lui permettre de prendre connaissance de ladite pièce et d’y prendre position, que cette lettre a bien été réceptionnée par le ministre des Transports en date du 30 septembre 2002. Pour le surplus, les deux parties à l’instance se rapportent à la sagesse du tribunal quant à la recevabilité du recours introduit contre la décision ministérielle en question du 26 juin 2002.

Il échet de constater qu’il ne ressort d’aucune pièce et d’aucun élément du dossier à quelle date la décision ministérielle du 26 juin 2002 a été notifiée à Monsieur …, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer la date à laquelle le délai de trois mois, dans lequel il était loisible à Monsieur … d’introduire un recours gracieux ou contentieux, a commencé à courir.

Il s’ensuit que le recours gracieux du 24 septembre 2002, déposé le 26 septembre de la même année auprès de l’entreprise des postes et télécommunications en vue de sa notification au ministre des Transports, a été introduit dans le délai légal. Partant, le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter pour ne pas être fondé.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause, le recours en annulation est partant à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, tant en ce qui concerne la décision initiale du 26 juin 2002, qu’en ce qui concerne la décision confirmative du 9 janvier 2003.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre des Transports une erreur manifeste d’appréciation des faits, en ce qu’il se dégagerait d’un certificat établi par un médecin consulté par lui en Belgique, et qui avait été soumis à la commission spéciale et partant au ministre avant la prise de la décision confirmative du 9 janvier 2003, qu’il était parfaitement apte à la conduite automobile.

Le représentant étatique conteste que le ministre ait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits voire une violation de la loi, étant donné qu’il se serait basé non seulement sur les avis de la commission spéciale mais également sur les avis du professeur P.

et de la neuro-psychologue G., qui ont tous conclu au retrait du permis de conduire, en soutenant que le seul certificat médical d’un spécialiste belge ne saurait invalider la décision prise par le ministre des Transports.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée (Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 8, p. 511 et autres références y citées).

Concernant le reproche basé sur une erreur manifeste d’appréciation des faits, l’article 2 de la loi modifiée du 14 janvier 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques prévoit que le ministre des Transports ou son délégué peut retirer le permis de conduire, notamment lorsque le conducteur d’un véhicule « 1) présente des signes manifestes d’alcoolisme ou d’autres intoxications ; 2) n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse, suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière » ou s’il « 3) est dépourvu du sens des responsabilités requises, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule ».

Il convient encore de rappeler que le but assigné à un retrait administratif du permis de conduire est de protéger, pour l’avenir, la sécurité des usagers de la route contre des personnes représentant un danger potentiel à leur égard et non celui de sanctionner les personnes concernées pour des faits commis dans le passé et que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base des décisions administratives qui lui sont soumises et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 10, p. 512 et autres références y citées).

En l’espèce, le ministre s’est basé, en vue de la prise des décisions attaquées, non seulement sur un avis du professeur Ch. P., psychiatre, qui a conclu dans son avis précité du 29 janvier 2002, que Monsieur … n’était plus en mesure de conduire sa voiture mais également sur un avis du 26 avril 2002, du neuropsychologue G., antérieurement transmis au professeur P. en vue de la prise de son avis également précité du 29 janvier 2002, qui conclut, après avoir rappelé le résultat de ses vérifications, sur le plan visio-attentionnel, et après l’accomplissement d’un examen des capacités nécessaires à la conduite automobile, comprenant 6 épreuves de la batterie attentionnelle de Zimmermann et Fimm, une lenteur enregistrée pour les tests d’alerte phasique, de champ visuel et de négligence rendant compte d’un fonctionnement attentionnel déficitaire, empêchant la reprise de la conduite automobile.

Le ministre a encore tenu compte des avis de la commission spéciale, pris en dates des 1er mars, 13 mai et 21 novembre 2002, concluant chaque fois à l’unanimité des voix au retrait du permis de conduire au vu des infirmités et troubles constatés dans le chef de Monsieur … entravant ses aptitudes et capacités à conduire un véhicule automobile.

Le ministre des Transports s’est partant basé sur des faits matériellement établis par les expertises médicales sus-énoncées et celles-ci contiennent des éléments sur base desquels le ministre a valablement pu conclure à une inaptitude et à une incapacité dans le chef du demandeur de conduire un véhicule automobile. Par ailleurs, une erreur manifeste d’appréciation des faits ne saurait être retenue à l’encontre du ministre du seul fait qu’il n’a pas suivi les conclusions du certificat médical du docteur J.Cl. D. du 20 septembre 2002, suivant lequel ledit médecin ne verrait « aucune contre-indication neurologique clinique, neuro-psychologique ou autre à la conduite automobile », en l’absence de tout autre élément de nature à établir une telle erreur.

L’analyse des faits se trouvant à la base des décisions attaquées ne permet pas non plus de qualifier celles-ci de mesures disproportionnées non justifiées par les éléments concrets de l’affaire.

Il suit des considérations qui précèdent que l’appréciation du ministre dans sa décision de retrait du permis de conduire n’encourt pas de reproche devant conduire à l’annulation des décisions. Le recours en annulation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 25 septembre 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16036
Date de la décision : 25/09/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-09-25;16036 ?

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