La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/09/2003 | LUXEMBOURG | N°15718

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2003, 15718


Tribunal administratif N° 15718 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2002 Audience publique du 25 septembre 2003

============================

Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15718 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre de

s avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Milev (Algérie), de nationalité algérienne, d...

Tribunal administratif N° 15718 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2002 Audience publique du 25 septembre 2003

============================

Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15718 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Milev (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 juin 2002, notifiée le 25 novembre 2002, par laquelle ledit ministre a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Sylvain L’HOTE, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 14 mars 2002, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le 10 avril 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 5 juin 2002, notifiée le 25 novembre 2002, le ministre de la Justice l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Vous exposez que vous auriez fait votre service militaire de 1999 à fin 2000. Vous auriez servi comme caporal-chef dans une unité anti-terroriste. Vous auriez été envoyé une à deux fois par semaine en embuscade dans les montagnes et à ces occasions vous auriez tué des terroristes islamistes. Vous craignez actuellement d’être reconnu par ces islamistes car vous auriez fait l’objet de menaces de leur part.

Monsieur, il résulte des renseignements en notre possession que, après avoir déposé votre demande d’asile, vous ne vous êtes plus présenté aux services compétents du Ministère de la Justice pour faire renouveler votre attestation de demande d’asile depuis le 16 avril 2002.

Or, l’article 6 f) du Règlement Grand-Ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile dispose comme suit : « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

Je vous informe qu’une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Pour le surplus, il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les motifs que vous invoquez, à les supposer établis, ne sauraient fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. En effet, votre crainte d’être reconnu par les terroristes islamistes est peu crédible étant donné votre rang subalterne dans l’armée algérienne. De plus, rien ne prouve que, même menacé, vous n’auriez pu trouver protection auprès des autorités de votre pays.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par requête déposée le 12 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 5 juin 2002.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. Le recours en réformation formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.- Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Quant au fond, le demandeur soulève un moyen d’annulation tiré de ce que ses droits de la défense auraient été lésés et que la décision critiquée violerait l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, au motif que la décision « ne mentionne pas la présence d’un traducteur lors des auditions par la police et le ministère » et qu’elle ne mentionnerait pas non plus « que le contenu de la décision [lui] a été traduit », de sorte qu’il devrait être ré-entendu par les « différentes institutions compétentes ».

Abstraction faite de ce que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne s’applique qu’aux contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale et qu’il est partant inapplicable aux litiges relatifs à l’admission et au séjour des étrangers, et notamment à l’octroi ou au retrait du statut de réfugié, en ce que ceux-ci ne rentrent pas dans une de ces deux catégories (Cour adm. 19 octobre 1999, n° 10484C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 12, p. 145 et autres références y citées), il échet de constater qu’au cours de son audition par un agent du ministère de la Justice en date du 10 avril 2002, le demandeur a reconnu lui-même parler la langue française et qu’« il n’y avait pas de problèmes de compréhension entre les différents agents et moi », la déclaration ayant été signée et datée par le demandeur au vu de ce que l’audition s’était effectuée en langue française.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen, étant donné que le mandataire du demandeur est malvenu d’invoquer un tel moyen au vu des informations contraires ressortant du dossier administratif tel que soumis au tribunal, d’autant plus qu’un demandeur d’asile ne saurait se plaindre de ce que la décision ministérielle est rédigée en français, langue qui est d’ailleurs compréhensible par lui, comme il a pu être constaté ci-avant, étant donné que le français est l’une des trois langues officielles du Grand-Duché en matière administrative, contentieuse ou non contentieuse, ainsi qu’en matière judiciaire et qu’il n’existe aucun texte de loi spéciale obligeant le ministre de la Justice à faire traduire ses décisions dans une langue compréhensible par le destinataire (trib.

adm. 12 mars 1997, n° 9679 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 17 et autres références y citées, p. 146).

Il suit encore de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de faire ré-entendre le demandeur par une quelconque autorité luxembourgeoise.

En second lieu, le demandeur déclare remplir les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié, sans indiquer à travers son recours contentieux les raisons pour lesquelles il estime devoir bénéficier d’un tel statut. Partant, le tribunal est dans l’impossibilité de prendre position par rapport à ce moyen simplement effleuré sans avoir été autrement étayé par des faits concrets sur base desquels le demandeur estime devoir tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève. Ce moyen est partant également à écarter.

Il suit de ce qui précède que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 25 septembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15718
Date de la décision : 25/09/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-09-25;15718 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award