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24/09/2003 | LUXEMBOURG | N°15988

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 septembre 2003, 15988


Tribunal administratif N° 15988 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2003 Audience publique du 24 septembre 2003

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du collège échevinal de la ville de Luxembourg en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15988 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 par Maître Viviane ECKER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Mme …, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d...

Tribunal administratif N° 15988 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2003 Audience publique du 24 septembre 2003

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du collège échevinal de la ville de Luxembourg en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15988 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 par Maître Viviane ECKER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du conseil échevinal de la ville de Luxembourg du 5 juillet 2002 portant refus de faire droit à sa « demande en obtention d’un avancement au grade 14 du barème légal avec effet au 1er août 2002 », telle que confirmée par le même collège échevinal en date du 25 novembre 2002 suite à un recours gracieux de la demanderesse ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 10 février 2003 portant signification de ce recours à l’administration communale de la ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 8 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de l’administration communale de la ville de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié au mandataire de la partie demanderesse le 6 mai 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 27 mai 2003 en nom et pour compte de la partie demanderesse, lequel mémoire a été notifié au mandataire de l’administration communale de la ville de Luxembourg le 23 mai 2003 ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 20 juin 2003 en nom et pour compte de l’administration communale de la ville de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié au mandataire de la partie demanderesse le 19 juin 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Viviane ECKER et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives.

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Mme … est aux services de la ville de Luxembourg en tant qu’attaché premier en rang au département des relations publiques.

Elle fut engagée définitivement au sein de la carrière de l’attaché administratif avec effet au 1er août 1996 et fut promue à la fonction d’attaché premier en rang avec classement au grade 13 du barème légal avec effet au 1er août 1999.

Ayant accouché d’un enfant le 3 novembre 1997 et suite à son congé de maternité, elle bénéficia d’un congé pour travail à mi-temps du 26 janvier 1998 au 25 janvier 2000 pour se consacrer à l’éducation de son enfant.

A l’expiration de ce « baby-year à mi-temps », elle travailla à temps plein du 26 janvier 2000 au 28 février 2001.

Actuellement, elle travaille de nouveau à mi-temps depuis le 1er mars 2001. Ce travail à mi-temps lui a été accordé jusqu’au 30 septembre 2004 pour lui permettre de se consacrer à l’éducation de son enfant.

Par courrier du 28 mai 2002, Mme … sollicita à être promue au grade 14 du barème légal avec effet au 1er août 2002.

Par décision du 5 juillet 2002, le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Luxembourg refusa de faire droit à cette demande.

Ladite décision de refus est libellée comme suit :

« Par votre demande du 28 mai 2002, vous étiez intervenue auprès du collège des bourgmestre et échevins afin de solliciter l’octroi d’une promotion au grade 14 de la carrière de l’attaché administratif.

En réponse, nous nous permettons de vous informer que l’article 15, sub XIV du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 portant assimilation des traitements des fonctionnaires des communes, syndicats de communes et établissements publics placés sous la surveillance des communes à ceux des fonctionnaires de l’Etat, tel que ce texte a été modifié par la suite, dit en substance que :

« Pour le cadre ouvert le nombre des emplois dans les différents grades n’est pas fixé limitativement et la promotion aux grades 13 et 14 se fait respectivement après trois et six ans de grade à partir de la nomination définitive ».

Or, dans votre cas, la condition des 6 années de grade n’est pas remplie étant donné que vous vous avez bénéficié d’un congé pour travail à mi-temps à partir du 1er mars 2001, ce congé ayant été consécutif au congé de maternité et au double baby-year, de sorte que les conditions légales requises pour pouvoir briguer une promotion au grade 14 ne seront remplies que le 1er janvier 2004.

En effet, le statut des fonctionnaires et employés communaux, ancré dans les dispositions de la loi du 24 décembre 1985, tel que le texte en a été modifié par la suite prévoit en son article 32 que :

« Le congé pour travail à mi-temps visé par le présent paragraphe est considéré – le non-paiement de la moitié du traitement et le droit à moitié du congé annuel mis à part – comme période d’activité de service intégrale pour l’application des avancements en échelon et les avancements en traitement.

En ce qui concerne les promotions, le droit d’admission à l’examen de promotion ainsi que la détermination du droit à la pension et le calcul de la pension, seule la période « des deux premières années consécutives » au congé de maternité ou au congé d’accueil, le cas échéant prolongée jusqu’au début d’un trimestre scolaire, est considérée comme période d’activité de service intégrale ».

Partant de ce qui précède, le collège échevinal regrette vivement de ne pas pouvoir accéder à votre requête pour l’instant et que donc une promotion au grade 14 ne pourra être envisagée avant le 1er janvier 2004.

Un recours en annulation contre la présente décision de refus ci-dessus est ouvert dans le délai de trois mois auprès du tribunal administratif. (…) ».

Suite à un recours gracieux introduit par le mandataire de Mme … par lettre du 11 octobre 2002, le collège échevinal de la ville de Luxembourg confirma sa décision initiale par décision du 25 novembre 2002.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003, Mme … a introduit un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions précitées du collège échevinal de la ville de Luxembourg.

QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL ET QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n°4).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoit un recours en réformation en matière de promotion. L’article 41 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, désignée ci-après par « le statut général », qui institue un tel recours en matière de décisions relatives au traitement en principal et accessoires et des émoluments, à la mise à la retraite ou à la pension des fonctionnaires communaux, est inapplicable en matière de promotion. S'il est vrai qu'une décision de nomination d'un fonctionnaire à une fonction hiérarchiquement supérieure, voire un refus de ce faire, a une conséquence pécuniaire, c'est-à-dire une incidence sur le traitement, il n'en reste pas moins que les deux matières sont régies par des dispositions propres et distinctes (en ce sens trib.

adm. 29 octobre 1998, n° 10684 du rôle et autres références y citées, Pas. adm. 2002 V° Fonction publique, sous II. Promotion, n°23).

Il suit des considérations qui précèdent que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, régulier par rapport aux exigences de forme et de délai, est cependant recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient que les décisions incriminées seraient le résultat d’une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait et de droit et contreviendraient aux dispositions légales nationales et internationales.

Elle estime plus particulièrement que l’article 32 du statut général contreviendrait à la législation communautaire, notamment à l’article 141 (ex 119) du traité instituant les communautés européennes, les directives communautaires 75/117 concernant l’égalité de rémunération, 76/207 relative à l’égalité de traitement, 97/81 relative à l’accord cadre sur le travail à temps partiel, de même que le règlement grand-ducal du 10 juillet 1974 relatif à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, la loi du 8 décembre 1981 relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail et la loi du 26 février 1993 sur le travail volontaire à temps partiel.

Dans ce contexte, son argumentation consiste à soutenir qu’en tant que femme et bénéficiaire d’un travail à mi-temps, étant donné que ce seraient majoritairement les femmes qui solliciteraient un travail à mi-temps, elle serait affectée par les conséquences défavorables quant à l’évolution de sa carrière, c’est-à-dire qu’elle serait indirectement discriminée par rapport à ses collègues masculins.

Elle soutient encore que si les textes et la jurisprudence communautaires admettraient qu’une discrimination indirecte serait admissible lorsqu’une justification objective serait établie, tel ne serait pas non plus le cas en l’occurrence.

Enfin, la demanderesse fait encore état d’une modification législative qui serait en cours et qui consisterait à éliminer tous les effets défavorables du mi-temps par rapport au temps plein.

L’administration communale de la ville de Luxembourg soutient que les changements législatifs en cours seraient indifférents pour apprécier le bien fondé ou mal fondé du recours sous examen et qu’il conviendrait d’examiner le litige au regard des dispositions actuellement applicables.

Pour le surplus, l’administration communale estime que les décisions litigieuses seraient conformes aux dispositions légales nationales et que ni l’article 32 du statut général ni les décisions critiquées n’impliqueraient une discrimination d’un sexe par rapport à l’autre.

Pour le cas où une discrimination devait être retenue, l’administration communale estime que la différence de traitement entre le travail à mi-temps et celui à plein temps au regard des possibilités de promotion serait objectivement justifiée tant au regard de l’intérêt de l’employeur que de celui des fonctionnaires.

Aux termes de l’article 32 du statut général « le congé pour travail à mi-temps visé par le présent paragraphe est considéré – le non-paiement de la moitié du traitement et le droit à moitié du congé annuel mis à part – comme période d’activité de servie intégrale pour l’application des avancements en échelon et les avancements en traitement.

En ce qui concerne les promotions, le droit d’admission à l’examen de promotion ainsi que la détermination du droit à la pension et le calcul de la pension, seule la période « des deux premières années consécutives » au congé de maternité ou au congé d’accueil, le cas échéant prolongée jusqu’au début d’un trimestre scolaire, est considérée comme période d’activité de service intégrale ».

Il convient encore de relever que les dispositions communautaires et, plus particulièrement, l’article 141 du traité CE consacrent et garantissent l’égalité de traitement et de rémunération entre les travailleurs masculins et féminins et prohibent tant les discriminations apparentes que celles qui ne sont qu’indirectes et que selon la Cour de Justice des Communautés européennes (arrêt Jenkins, CJCE 31 mars 1981, aff. 96/80 : Rec. CJCE 1981, p. 911) une discrimination indirecte existe « dès lors qu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d’un sexe [par rapport à ceux de l’autre], à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit approprié et nécessaire et puisse être justifié par des facteurs objectifs indépendant du sexe des intéressés ».

En l’espèce, le tribunal est partant appelé à examiner si l’article 32 du statut général, qui, les parties en litige étant par ailleurs en accord sur ce point, constitue une disposition apparemment neutre, car visant, théoriquement, indistinctement les hommes et les femmes, ne constitue cependant pas une disposition comportant une discrimination indirecte entre les deux catégories visées, dans la mesure où cette disposition traite différemment les travailleurs à mi-temps par rapport aux travailleurs à temps plein et dans celle où, leur ancienneté progressant plus lentement, ils ne pourront bénéficier que plus tardivement d’une promotion et, dans l’affirmative, de vérifier, si pareille discrimination n’est pas objectivement justifiée par un but légitime et des moyens nécessaires et appropriés pour y parvenir.

La première condition pour qu’il y ait violation du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes au sens de l’article 141 du traité CE implique la nécessité de l’existence d’une discrimination entre un groupe favorisé et un groupe défavorisé, le premier devant nécessairement être composé majoritairement de membres d’un sexe et l’autre majoritairement de membres de l’autre sexe.

Ceci étant, s’il est constant en cause que ce sont majoritairement les fonctionnaires féminins qui font usage de la possibilité d’octroi d’un travail à mi-temps, de sorte que l’article 32 du statut général en ce qu’il réglemente le calcul de l’ancienneté des fonctionnaires pour pouvoir bénéficier d’une promotion affecte, en pratique, principalement ceux-ci, force est cependant de constater qu’il n’est pas établi ni même allégué que le groupe favorisé soit constitué majoritairement de fonctionnaires de sexe masculin. Or, en présence d’un groupe favorisé composé aussi bien de fonctionnaires masculins que féminins, la différence de traitement objectivement indéniable en ce qui concerne les critères de promotion s’analyse certes en une discrimination entre travailleurs à temps plein et travailleurs à mi-temps, sans cependant constituer une discrimination entre hommes et femmes.

Il suit de ce qui précède que le moyen basé sur l’existence d’une discrimination indirecte entre les travailleurs en raison de leur sexe n’est pas fondé.

Par ailleurs, même en admettant qu’une discrimination indirecte puisse exister par le seul fait qu’un groupe composé majoritairement de travailleurs d’un sexe, soit défavorisé par rapport à un autre groupe composé de membres des deux sexes, il convient encore de constater que la différence de traitement prévue à l’article 32 du statut général ne vise pas directement la matière des rémunérations des fonctionnaires, mais celle de leurs promotions, c’est-à-dire le passage d’une fonction à une autre, lequel comporte normalement certes une augmentation de traitement, mais encore et surtout un accroissement des fonctions ou des responsabilités. Or, comme l’ancienneté, sans être la preuve dirimante de l’acquisition d’une certaine expérience, en est cependant un indice principal y relativement et comme l’accroissement des fonctions et des responsabilités ne peut fonder que sur des garanties d’expérience suffisantes, force est de constater qu’une détermination de l’ancienneté proportionnellement au temps de travail est de nature à s’analyser en un moyen approprié s’insérant dans la poursuite d’un intérêt légitime notamment celui du fonctionnement des services administratifs des communes.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que la partie demanderesse doit en être déboutée.

L’indemnité de procédure d’un import de 850.- euros sollicitée par la demanderesse sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné que la demanderesse a succombé dans ses moyens et arguments.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 24 septembre 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15988
Date de la décision : 24/09/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-09-24;15988 ?

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