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24/09/2003 | LUXEMBOURG | N°15869

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 septembre 2003, 15869


Tribunal administratif Numéro 15869 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2003 Audience publique du 24 septembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’indemnités de chômage Vu la requête inscrite sous le numéro 15869 du rôle et déposée le 15 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … demeurant à L-… , tendant à l’annulation, sinon à la rÃ

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Tribunal administratif Numéro 15869 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2003 Audience publique du 24 septembre 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’indemnités de chômage Vu la requête inscrite sous le numéro 15869 du rôle et déposée le 15 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … demeurant à L-… , tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 14 novembre 2002 en ce qu’elle a fixé d’office son indemnité de chômage ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé le 15 avril 2003 au greffe du tribunal administratif ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 6 mai 2003 par Maître Michel KARP au nom de Monsieur … au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH, en remplacement de Maître Michel KARP et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives l’audience publique du 16 juin 2003.

Vu la rupture du délibéré prononcée le 18 juin 2003 afin de permettre aux parties de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 46 de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1.

création d’un fonds pour l’emploi, 2. réglementation de l’octroi des indemnités de chômage complet et sur les conséquences éventuelles sur la présente affaire concernant notamment la compétence d’attribution du tribunal ;

Vu l’ordonnance du premier vice-président du 3 juillet 2003 portant prorogation des délais permettant aux parties de déposer leurs mémoires respectifs ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 2 juillet 2003 par Maître KARP au nom de Monsieur … au greffe du tribunal administratif ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 19 septembre 2003 par le délégué du Gouvernement au greffe du tribunal administratif ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH, en remplacement de Maître Michel KARP et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries supplémentaires à l’audience publique du 22 septembre 2003.

Monsieur …, détenant la moitié des parts sociales du capital social de la société à responsabilité limitée …, ayant eu son siège social à …, assuma la fonction de gérant technique de ladite société ayant exploité un restaurant. A ce titre il fut affilié en tant qu’indépendant à la caisse de pension des artisans, des commerçants et industriels et à la caisse de maladie des professions indépendantes.

Le 18 février 2002, Monsieur … déclara que la s.à r.l. … a cessé ses payements et déposa son aveu y relatif au greffe du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg.

Le 7 février 2002, il demanda, auprès de l’Administration de l’emploi, désignée ci-

après par « ADEM », en tant que travailleur indépendant, l’octroi d’une indemnité de chômage complet en vertu de l’article 42 de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1) création d’un fonds pour l’emploi ; 2) réglementation de l’octroi des indemnités de chômage.

Le 1er mars 2002, le directeur de l’ADEM décida d’admettre Monsieur … au bénéfice des indemnités de chômage complet avec effet au 19 février 2002 pour un montant mensuel brut de 1316,03 €.

Par un courrier de son avocat du 3 septembre 2002, rappelé le 7 octobre 2002, Monsieur … s’adressa à l’ADEM pour contester le montant de l’indemnité de chômage ainsi fixée.

Le 8 octobre 2002, l’ADEM s’adressa à l’avocat de Monsieur … dans les termes suivants :

« J’accuse bonne réception de votre lettre du 3 septembre 2002, dans laquelle vous demandez précision sur le calcul des indemnités de chômage complet de votre mandant. (…) Or, le revenu déclaré auprès du centre commun de la sécurité sociale pour 2001 (34.882,20 €) ne peut pas être considéré comme réel, alors qu’au mois de février 2002 la société … s. à r.l. représentée par son gérant, Monsieur … a été déclarée en état de faillite suite à l’aveu de la cessation des paiements et de l’ébranlement du crédit de la société.

Le service des prestations de chômage complet a dès lors fait application des dispositions de l’article 27.3 de la loi susvisée du 30 juin 1976, qui dispose que lorsque les informations valables sur la rémunération antérieure font défaut, le montant de l’indemnité de chômage est fixé d’office, compte tenu de la profession et de la qualification professionnelle du travailleur. Par conséquent, le montant de votre indemnité de chômage complet a été fixé d’office à 85% du salaire social minimum pour travailleurs qualifiés, soit 1.316,03€ brut par mois… ».

Le 16 octobre 2002, Monsieur … s’adressa en son nom personnel à la commission spéciale de réexamen prévue par l’article 46 de la loi modifiée du 30 juin 1976 citée ci-avant en les termes suivants :

« Je me permets de vous écrire pour vous informer que je suis inscrit à l’administration de l’Emploi du 06.02.2002 au 23.07.2002 inclus. Le service des prestations de chômage a fixé d’office le montant des indemnités de chômage à 85% du salaire social minimum soit 1.316,03 € brut par mois. Or, le revenu déclaré auprès du centre commun de la sécurité sociale pour l’année 2001 est de 34.882,20 €…».

Lors de sa session du 12 novembre 2002, la commission spéciale de réexamen décida ce qui suit :

« Vu le montant de l’indemnité de chômage complet payée à Monsieur … qui s’élève à 1.316,03 €/mois brut ;

Vu la demande en réexamen, introduite dans la forme prévue par la loi, par Monsieur …, né le 17 juin 1958, demeurant à Schifflange ;(…) Attendu que le directeur de l’administration de l’Emploi a fait application des dispositions citées ci-devant et a pris la décision de fixer d’office le montant de l’indemnité de chômage du requérant à 85% du salaire social minimum pour travailleurs qualifiés, soit 1.316,03 € brut par mois ;

Attendu que le requérant demande dans son recours des explications concernant la fixation de son montant de l’indemnité de chômage à 85% du salaire social minimum soit 1.316,03 €/mois brut, quoique le revenu déclaré auprès du centre commun de la sécurité sociale pour l’exercice 2001 s’élevait à 34.882,20 € soit 2.906,85 €/mois.

Attendu que la commission spéciale de réexamen constate que la question posée par le requérant ne relève pas de sa compétence lui attribuée par le règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 concernant l’organisation et les fonctionnements de la commission spéciale chargée du réexamen d’une décision de l’administration de l’Emploi en matière d’annulation du chômage complet ;

Par ces motifs, - renvoie ce dossier devant le directeur de l’administration de l’Emploi pour prendre une décision susceptible de recours ».

La décision proprement dite de la commission de réexamen porte la date du 26 novembre 2002.

Le 14 novembre 2002, le directeur de l’ADEM s’adressa à Monsieur … et reprit de façon identique la motivation contenue dans sa lettre du 8 octobre 2002, tout en ajoutant que :

« Contre la présente décision un recours est admissible au titre 2, paragraphe 1 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif. Ce recours doit être introduit, sous peine d’irrecevabilité, dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision, conformément à l’article 13, paragraphe 1 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ».

Le 31 décembre 2002, la commission spéciale de réexamen, en se référant cette fois-ci à la demande de réexamen introduite par l’avocat de Monsieur …, prit une seconde décision ayant la teneur suivante :

« … Attendu que la Commission spéciale de réexamen constate que la question posée par le mandataire du requérant correspond à la question posée par le requérant lui-même dans son recours du 16 octobre 2002 adressé à la dite commission ; Que la Commission avait constaté pendant sa session du 12 novembre 2002 que la question ne relève pas de ses compétences telles qu’elles sont définies à l’article 46 précité et par le règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 concernant l’organisation et le fonctionnement de la commission spéciale chargée du réexamen des décisions de l’administration de l’Emploi en matière d’indemnisation du chômage complet ; Qu’en conséquence, la commission avait décidé pendant cette même session de renvoyer ce dossier devant le directeur de l’administration de l’Emploi pour prendre une décision susceptible de recours ; Qu’en date du 14 novembre 2002, une telle décision a été adressée au requérant de la part du directeur de l’administration de l’Emploi ; Que ce courrier stipule qu’il est loisible au requérant et/ou son mandataire de porter recours contre cette décision devant le tribunal administratif, tel qu’il est admissible au titre 2 paragraphe 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et suivant les modalités définies à l’article 13, paragraphe 1 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Par ces motifs, - dit qu’elle n’est pas compétente et prie le requérant de dresser un recours dans les meilleurs délais, sous réserve du respect des modalités légales respectives, auprès du tribunal administratif, tout en se référant sur la date de la notification du 14 novembre 2002 ».

Par une requête déposé le 15 janvier 2003, Monsieur … introduisit un recours en annulation sinon en réformation contre la décision du directeur de l’ADEM prise le 14 novembre 2002.

Suite à la rupture du délibéré permettant aux parties de s’exprimer sur la question de la compétence d’attribution du tribunal administratif, Maître KARP fait valoir que conformément à l’indication de la voie de recours sur la décision litigieuse, le recours serait à porter devant les juridictions administratives. Il ajoute qu’aucune loi d’ordre public n’y dérogerait et que le moyen n’aurait pas été soulevé d’office par la partie adverse.

Le délégué du Gouvernement s’appuie sur l’article 46 de la loi modifiée du 30 juin 1976 pour conclure à l’incompétence ratione materiae du tribunal administratif pour analyser le recours introduit.

Le tribunal est amené à vérifier sa propre compétence d’attribution, laquelle répond à des règles d’organisation juridictionnelle d’ordre public (cf. trib. adm. 28 mai 2001, n° 12802 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Compétence, sous B. Compétences respectives des juridictions judiciaires et des juridictions administratives, n° 17, p. 87).

L’article 2, paragraphe 1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose que : « le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements ».

L’article 46 de la loi modifiée du 30 juin 1976 institue en premier lieu un recours devant la commission spéciale de réexamen contre les décisions de refus ou de retrait prises par le directeur de l’ADEM en matière d’indemnité de chômage complet. Les dispositions pertinentes de l’article 46 sont les suivantes :

«… Les décisions portant attribution, maintien, reprise, prorogation, refus ou retrait de l'indemnité de chômage, suspension de la gestion du dossier et retardement du début de l'indemnisation, ainsi que les décisions ordonnant le remboursement des indemnités sont prises par le directeur de l'Administration de l'emploi ou les fonctionnaires par lui délégués à cet effet.

Les décisions de refus ou de retrait visées au paragraphe 2 du présent article peuvent faire l’objet d’une demande en réexamen auprès d’une commission spéciale instituée par le ministre ayant le travail dans ses attributions Contre des décisions prises par la commission (…) un recours est ouvert au requérant débouté, au ministre du Travail et au directeur de l’administration de l’Emploi. Ce recours est porté devant le conseil arbitral des assurances sociales ; il n’a pas d’effet suspensif.

Il doit être formé, sous peine de forclusion dans un délai de quarante jours à dater de la notification de la décision attaquée ; sont applicables les règles de procédure à suivre devant le conseil arbitral des assurances sociales ».

Une contestation ayant trait à la fixation de l’indemnité de chômage complet se résume en une décision de refus partiel de l’indemnité prise par le directeur de l’ADEM laquelle peut faire l’objet d’une demande en réexamen devant la commission spéciale.

Il en résulte que le tribunal administratif doit se déclarer incompétent ratione materiae pour analyser le recours introduit, étant donné qu’en la présente matière un recours spécial devant une autre instance est prévu par une disposition légale.

En ce qui concerne l’indication erronée des voies de recours, force est de constater que la seule conséquence en découlant est celle que les délais impartis pour l’introduction d’un recours ne commencent pas à courir, de sorte que la conclusion ci-avant dégagée sur base des dispositions légales d’ordre public ne saurait être infirmée.

S’il est vrai que la partie demanderesse a succombé de sa demande, il n’en reste pas moins qu’elle a saisi le tribunal administratif à la suite de l’indication erronée des voies de recours faite en ce sens par l’administration, de sorte que les frais sont à supporter par l’Etat.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour en connaître ;

condamne l’Etat du Grand-Duché aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 septembre 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15869
Date de la décision : 24/09/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-09-24;15869 ?

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