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28/08/2003 | LUXEMBOURG | N°16823

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 août 2003, 16823


Tribunal administratif Numéro 16823 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2003 Audience publique du 28 août 2003

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Recours formé par Monsieur … …, alias … … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16823 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, alias … …, né le … à Téhéran (Iran), de nati...

Tribunal administratif Numéro 16823 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2003 Audience publique du 28 août 2003

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Recours formé par Monsieur … …, alias … … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16823 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, alias … …, né le … à Téhéran (Iran), de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 20 décembre 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du 30 juin 2003, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Frank WIES, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … … introduisit en date du 18 novembre 2002 auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1Il ressort d’un certificat établi en date du même jour que Monsieur … a été informé qu’il avait le droit de choisir un avocat inscrit au barreau de Luxembourg ou qu’un avocat pouvait lui être désigné par le bâtonnier dudit barreau.

Par lettre du 19 novembre 2002, Monsieur … fut convoqué par le ministre de la Justice afin de se présenter le 20 décembre 2002, à 9.00 heures du matin, au bureau d’accueil pour demandeurs d’asile, en vue de son audition dans le cadre de sa demande d’asile, avec l’information qu’en cas d’absence non excusée à la date en question, ledit ministre estimera que sa demande d’asile « pourra être considérée comme manifestement infondée au sens de l’article 6 2) f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ».

Il ressort encore des pièces du dossier administratif que l’agent du ministère de la Justice chargé de procéder à l’audition de Monsieur … avait convoqué pour les mêmes date et heure un interprète perse afin de procéder à son audition.

Par lettre du 20 décembre 2002, notifiée en mains propres à Monsieur … le 25 avril 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants :

« Vous ne vous êtes plus présenté au Bureau d’accueil pour les demandeurs d’asile après le dépôt de votre demande d’asile et par conséquent l’audition par un agent du Ministère de la Justice concernant les motifs de votre demande d’asile, bien que fixée au 20 décembre 2002, s’est avérée impossible.

Je vous informe que l’article 6 f) du Règlement Grand Ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile dispose comme suit : « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile.».

Le fait de ne pas vous présenter à la convocation du Ministère de la Justice constitue une des omissions prévues par l’article 6 précité.

Je constate par conséquent que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par un transmis du 9 janvier 2003, le ministre de la Justice pria la direction générale de la police grand-ducale de faire signaler et de découvrir la résidence actuelle de Monsieur 2PARSA, au motif que sa dernière adresse était inconnue et de l’escorter au bureau d’accueil pour demandeurs d’asile « dans l’affaire concernant l’instruction de sa demande d’asile ».

A la suite d’un recours gracieux daté du 26 mai 2003, dirigé contre la décision ministérielle précitée du 20 décembre 2002, adressé au ministre de la Justice, ce dernier confirma la décision initiale par une décision du 30 juin 2003.

Par requête déposée en date du 4 août 2003, Monsieur …, alias …, a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 20 décembre 2002 et 30 juin 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours, en se référant au fait que dans le cadre du recours contentieux, le demandeur aurait présenté une nouvelle identité, à savoir celle de … …, qui ne ressortirait d’aucun élément du dossier administratif.

Ce moyen d’irrecevabilité est toutefois à écarter, étant donné que l’Etat n’a pas pu se méprendre quant à l’identité de celui qui a introduit le recours sous analyse, dans la mesure où outre la nouvelle identité dont le demandeur a fait état, il a également précisé dans la requête introductive d’instance avoir l’identité initialement déclarée au ministère de la Justice.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche tout d’abord au ministre de la Justice d’avoir violé l’article 5 de la loi précitée du 3 avril 1996 du fait qu’il n’aurait pas été informé de son droit de se faire assister par un avocat, de sorte que la procédure suivie s’en trouverait viciée et que les décisions déférées seraient à annuler de ce chef.

Conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi précitée du 3 avril 1996, « le demandeur d’asile est informé de son droit de se faire assister à titre gratuit d’un interprète et de son droit de choisir un avocat inscrit au tableau de l’un des barreaux établis au Grand-

Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’Ordre des avocats .

Le fait que ladite information a été donnée au demandeur d’asile devra ressortir du dossier ».

En l’espèce, force est de constater, comme l’a relevé à bon droit le délégué du gouvernement, que conformément au prescrit de l’article 5 précité, le fait qu’une information relative au droit de se faire assister par un avocat a été donnée au demandeur ressort du dossier tel que soumis en cause, et plus particulièrement de l’information donnée au 3demandeur en date du 18 novembre 2002, dûment contresignée par le demandeur, de sorte que le moyen en cause est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Le demandeur reproche encore au ministre de la Justice d’avoir violé l’article 10 (1) de la loi précitée du 3 avril 1996, en ce que ledit ministre aurait pris les décisions sous examen sans avoir entendu au préalable le demandeur d’asile.

Pour le surplus, il soutient que sa situation personnelle rentrerait « parfaitement dans les prévisions de la Convention de Genève », sans toutefois apporter le moindre élément de fait à cet égard.

Le délégué du gouvernement relève que suite au dépôt de sa demande d’asile, le demandeur ne se serait plus présenté au bureau d’accueil pour demandeurs d’asile pendant une période de 6 mois, de sorte que malgré le fait qu’il aurait eu l’occasion d’être entendu, il n’aurait pas « daigné exercer ce droit » et qu’il ne saurait partant se prévaloir de sa propre turpitude.

Quant aux motifs prétendument présentés par le demandeur en vue de la reconnaissance du statut de réfugié, le représentant étatique relève que malgré le fait que son mandataire aurait eu la possibilité, dans le cadre du recours gracieux, d’expliquer en quoi le demandeur craindrait des persécutions dans son pays d’origine, ledit mandataire n’aurait apporté aucun élément dans ledit recours gracieux de nature à expliquer ces persécutions, à l’exception toutefois d’un certificat de baptême versé « sans autre commentaire ».

En vertu de l’article 6, paragraphes 1) et 2), f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a : (…) omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ;

(…)».

En l’espèce, force est de constater que faute d’avoir participé activement à l’instruction de sa demande d’asile, le demandeur a mis les autorités luxembourgeoises dans l’impossibilité d’examiner, outre la situation générale régnant en Iran, sa situation particulière et de vérifier concrètement et individuellement s’il a raison de craindre d’être persécuté pour un des motifs visés par la Convention de Genève.

Dans ce contexte, le demandeur est malvenu de critiquer le défaut d’instruction suffisante de sa demande d’asile, étant donné que cet état des choses tient essentiellement au fait qu’il n’a pas participé activement à l’instruction de son dossier et, que face à un demandeur qui ne logeait pas à un endroit fixe, tel que cela se dégage du dossier administratif, on ne saurait reprocher au ministre de la Justice de ne pas avoir entrepris de diligences suffisantes pour reconvoquer le demandeur. – Par ailleurs, force est encore de relever que ni dans le cadre de son recours gracieux, ni encore dans le cadre du recours contentieux, le demandeur n’a fait état du moindre élément de persécution susceptible de rentrer dans le cadre des motifs visés par la Convention de Genève.

4Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a constaté que le demandeur a omis, de manière flagrante, de s’acquitter d’obligations importantes imposées par la législation applicable en matière de demandes d’asile, en ne permettant pas à un agent du ministère de la Justice de l’interroger sur les motifs de persécution susceptibles de rentrer dans le cadre du champ d’application de la Convention de Genève.

Il suit de ce qui précède que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Thomé, juge et lu à l’audience publique extraordinaire du 28 août 2003 par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

May Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16823
Date de la décision : 28/08/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-08-28;16823 ?

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