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14/08/2003 | LUXEMBOURG | N°16857

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 août 2003, 16857


Tribunal administratif Numéro 16857 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2003 Audience publique du 14 août 2003

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16857 du rôle et déposée le 8 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, actuellement détenu au Centre de séjour pro...

Tribunal administratif Numéro 16857 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2003 Audience publique du 14 août 2003

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16857 du rôle et déposée le 8 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, actuellement détenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, et de son épouse, Madame …, née le …, de nationalité yougoslave, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs trois enfants communs, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 août 2003 instituant à l’égard de Monsieur … une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 août 2003 ;

Le 5 août 2003, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu mon arrêté d’expulsion du 2 février 2002, notifié en date du 14 février 2001 ;

Considérant que l’intéressé a été rapatrié vers son pays d’origine en date du 14 février 2001 ;

-

que malgré l’arrêté d’expulsion, l’intéressé se trouve à nouveau en séjour irrégulier au pays ;

1-

qu’il n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

-

qu’il constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics, Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile en Belgique ;

-

qu’une demande de reprise en charge en vertu de l’article 10§1 de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 a été adressée aux autorités belges en date du 29 juillet 2003 ;

-

que la réponse des autorités belges est imminente ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 8 août 2003, les époux … et … ainsi que leurs trois enfants communs, ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision préindiquée du 5 août 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, les demandeurs font valoir que la décision litigieuse violerait par ses effets l’ordonnance du juge d’instruction du 5 août 2003 faisant obligation à Monsieur … de se présenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu’il en serait requis et que face à l’impossibilité réelle de respecter cette obligation il serait exposé au risque d’une condamnation par la juridiction pénale en son absence du fait de son éloignement, circonstance qui porterait atteinte à ses droits de la défense et à son droit à un procès équitable.

Les demandeurs relèvent en outre avoir sollicité en date du 6 août 2003 que la demande d’asile de Monsieur … soit traitée au Grand-Duché de Luxembourg et ce sur base « d’un raisonnement par analogie conformément aux dispositions de l’article 4 de la Convention de Dublin » au motif que un membre de sa famille se serait vu reconnaître la qualité de réfugié au pays, en l’occurrence son épouse qui a profité d’une autorisation de séjour sur le sol luxembourgeois dans le cadre de la protection subsidiaire accordée par le Gouvernement luxembourgeois au courant de l’année 2001 aux minorités vulnérables du Kosovo.

Les demandeurs concluent ensuite au caractère disproportionné de la mesure de placement en faisant valoir que le Centre Pénitentiaire de Schrassig ne serait pas un établissement approprié au sens de la loi. Ils estiment en outre que la décision litigieuse entraînerait dans ses effets la rupture de leur vie familiale et ce de façon disproportionnée, étant donné que le ministre serait parfaitement conscient du fait qu’en raison de leur origine goranaise, ils n’auraient aucune possibilité effective de mener actuellement une vie familiale ailleurs qu’au Luxembourg. En ordonnant la mesure de rétention litigieuse, le ministre n’aurait par ailleurs pas non plus pris en considération l’intérêt supérieur de leurs enfants communs de manière à avoir violé la Convention de New-York du 20 novembre 1989, étant 2donné que l’exécution matérielle de la mesure d’éloignement porterait gravement atteinte aux droits de leurs enfants qui nécessiteraient la présence de leur père.

Il est constant en cause que la demande d’asile déposée par Monsieur … en Belgique a été rejetée. Il est encore constant que lors de son interception au Grand-Duché en date du 25 juillet 2003, il se trouvait en séjour irrégulier, ainsi qu’en infraction à l’arrêté d’expulsion pris à son encontre par le ministre de la Justice en date du 2 février 2002.

Dans la mesure où le demandeur tombe par ailleurs directement dans les prévisions de l’article 10 (1) e) de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés Européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990 et approuvée par une loi du 20 mai 1993, en ce sens que l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile en application des critères définis par la même Convention, en l’espèce la Belgique, est tenu de reprendre, dans les conditions prévues à l’article 13 de la même Convention, l’étranger dont il a rejeté la demande et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre, c’est encore à juste titre que le ministre s’est adressé aux autorités belges aux fins de reprise de l’intéressé et qu’en attendant la finalisation de cette procédure, son placement fut ordonné sur base de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.

En effet, en vertu de l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972 « lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de la loi précitée du 28 mars 1972] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ».

En l’espèce, il se dégage des pièces versées au dossier que le ministre a déployé les diligences nécessaires pour organiser une reprise du demandeur par les autorités belges, le transfert étant prévu pour le 14 août 2003.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la considération que le refoulement du demandeur aurait pour effet de porter atteinte à la vie familiale des demandeurs, étant donné que cette atteinte se dégage non pas de la décision de placement litigieuse, mais de la décision de refoulement à sa base qui ne fait pas l’objet du présent litige. Le moyen afférent ainsi que celui basé sur l’intérêt des enfants des demandeurs laissent partant d’être pertinents en l’espèce.

La même conclusion s’impose relativement aux moyens du demandeur basés sur la considération que l’arrêté ministériel litigieux violerait par ses effets l’ordonnance du juge d’instruction du 5 août 2003 par laquelle mainlevée fut donnée du mandat de dépôt décerné en date du 26 juillet 2003 contre Monsieur … avec charge pour lui de prendre l’engagement de se représenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu’il en sera requis, étant donné que le ministre est appelé à statuer par rapport à sa propre sphère de compétence et ceci de manière indépendante par rapport à une procédure judiciaire éventuellement pendante, étant entendu que le demandeur dispose par ailleurs de la possibilité de se faire représenter devant les autorités judiciaires par un mandataire de son choix.

Concernant ensuite le caractère approprié du lieu de placement retenu par le ministre, il y a lieu de relever que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre 3de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, et modifiant le règlement grand-

ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, a été créée « au Centre pénitentiaire de Luxembourg une section spéciale pour les retenus appelée « Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », où peuvent être placés les retenus, à savoir « tous les étrangers qui subissent une mesure privative de liberté sur base de l’article 15 de la loi [précitée] du 28 mars 1972 (…) ». A l’exception de certaines dérogations prévues par les articles 3 et 4 dudit règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, le régime de détention auquel sont soumis les retenus est celui prévu par le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Il échet de constater que par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, le gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, un centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié, conformément à l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972, en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Même si par la création de ce Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière le législateur n’a pas entendu exclure la possibilité de considérer un autre établissement comme étant approprié au sens de l’article 15 précité au vu des éléments de chaque cas d’espèce, ledit Centre ne saurait en l’espèce être considéré comme étant un établissement inapproprié, étant donné que Monsieur … est non seulement en séjour irrégulier au pays, mais qu’il se trouve également en infraction par rapport à l’arrêté d’expulsion pris à son encontre en date du 2 février 2002 par le ministre de la Justice et qu’il ne fait par ailleurs pas état d’éléments ou de circonstances particulières pertinentes justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire, de sorte que le moyen afférent des demandeurs est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que les demandeurs doivent en être déboutés.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

4Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, et lu à l’audience publique du 14 août 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16857
Date de la décision : 14/08/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-08-14;16857 ?

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