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06/08/2003 | LUXEMBOURG | N°16778

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 août 2003, 16778


Tribunal administratif Numéro 16778 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2003 Audience publique du 6 août 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16778 du rôle, déposée le 28 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né

le …, de nationalité roumaine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étranger...

Tribunal administratif Numéro 16778 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2003 Audience publique du 6 août 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16778 du rôle, déposée le 28 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité roumaine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 juillet 2003 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 août 2003 ;

Le 9 juillet 2003, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le procès-verbal no 1427/03 du 8 juillet 2003 établi par la Police grand-ducale, Grevenmacher ;

Vu le rapport no 2003/39701/202/TJ du 8 juillet 2003 établi par la Police grand-

ducale, Grevenmacher ;

1Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 8 juillet 2003 ;

Considérant que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’un éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 28 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision préindiquée du 9 juillet 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient disposer d’un passeport et que son éloignement immédiat aurait été possible, de sorte qu’il faudrait en déduire que le ministre de la Justice n’a pas entrepris des diligences suffisantes en vue de l’organisation et de l’exécution de son éloignement « alors qu’il existe des lien aériens directs entre le Luxembourg et la Roumanie et une ambassade du susdit pays au Grand-Duché de Luxembourg ».

Le délégué du gouvernement rétorque que dès le 9 juillet 2003, le service de police judiciaire serait devenu actif en établissant une fiche signalétique et des photos en vue de l’établissement de l’identité du demandeur et que le 18 juillet 2003, le même service aurait été saisi de l’organisation du rapatriement de l’intéressé, mais qu’ayant appris que le demandeur a entamé une procédure en reconnaissance du statut de réfugié en France, le rapatriement serait devenu impossible et les autorités françaises auraient été contactées en vue de sa reprise.

Force est de constater en premier lieu que les mesures de vérification requises en vue d’un éloignement effectif du demandeur ont initialement justifié la prise de la mesure de placement.

Ceci étant, il convient ensuite de relever qu’il est apparu au cours de l’instruction du dossier du demandeur que celui-ci, préalablement à sa venue au Luxembourg, a introduit une demande d’asile devant les autorités françaises et que cette demande est en cours d’examen. Il est indifférent, à cet égard, pour les autorités luxembourgeoises, que le demandeur qualifie cette demande d’asile d’« asile territorial », étant donné qu’une demande d’asile, quelle que soit sa qualification en procédure interne, à condition qu’elle puisse être de nature à tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève, ce qui n’est pas exclu en l’espèce, déclenche le mécanisme de la Convention de Dublin.

Il s’ensuit que le demandeur tombe directement dans les prévisions de l’article 10, 1.

de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés Européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990, approuvée par une loi du 20 mai 1993, en ce sens qu’il se trouve visé 2par le point c) dudit article en tant que demandeur d’asile dont la demande est encore en cours d’examen et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre, conformément au principe de non-

refoulement des demandeurs d’asile, a arrêté les préparatifs en vue d’un rapatriement dans le pays d’origine de l’intéressé, pour recourir à la procédure spécifique instaurée par l’article 13 de ladite Convention du 15 juin 1990 en soumettant aux autorités françaises une demande de reprise en charge.

Comme il ressort encore des éléments du dossier administratif que le ministère de la Justice a saisi le 30 juillet 2003 le ministère de l’Intérieur français d’une demande formelle de reprise en charge du demandeur en se prévalant expressément de la Convention susvisée du 15 juin 1990 et de la demande d’asile formée par le demandeur en France, en insistant sur le caractère urgent à réserver à cette demande, on ne saurait reprocher au ministre de la Justice de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue de l’éloignement du demandeur, de sorte que le reproche afférent laisse d’être fondé.

Le demandeur a encore soutenu que son placement constituerait une mesure disproportionnée au regard des dispositions légales et de sa situation personnelle. Dans ce contexte, il soutient que le Centre de séjour provisoire serait inadéquat pour héberger des étrangers en séjour irrégulier, étant donné que le régime de détention serait quasiment identique à celui applicable aux détenus de droit commun et qu’il ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972 « lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de la loi précitée du 28 mars 1972] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ».

Par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, et modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, a été créée « au Centre pénitentiaire de Luxembourg une section spéciale pour les retenus appelée « Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », où peuvent être placés les retenus, à savoir « tous les étrangers qui subissent une mesure privative de liberté sur base de l’article 15 de la loi [précitée] du 28 mars 1972 (…) ». A l’exception de certaines dérogations prévues par les articles 3 et 4 dudit règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, le régime de détention auquel sont soumis les retenus est celui prévu par le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Il échet de constater que par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, le gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, un centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié, conformément à l’article 15, paragraphe (1), 3alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972, en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Force est encore de retenir que la création d’un tel Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière n’a pas pour conséquence qu’aucun autre établissement ne puisse être considéré comme approprié au sens de l’article 15 précité, au vu des éléments de chaque cas d’espèce, une telle volonté ne se dégageant en effet ni de la disposition légale précitée ni du règlement grand-ducal en question.

En l’espèce, le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, est à considérer comme un établissement approprié, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays et qu’il ne fait état d’aucun élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire, de sorte que son moyen afférent est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, Mme Lenert, premier juge, et lu à l’audience publique du 6 août 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16778
Date de la décision : 06/08/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-08-06;16778 ?

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