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31/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16770

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 juillet 2003, 16770


Tribunal administratif Numéro 16770 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2003 Audience publique du 31 juillet 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16770 du rôle, déposée le 25 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née

le …, de nationalité équatorienne, actuellement placée au Centre de séjour provisoire pour ét...

Tribunal administratif Numéro 16770 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2003 Audience publique du 31 juillet 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16770 du rôle, déposée le 25 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité équatorienne, actuellement placée au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 27 juin 2003 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé en nom et pour compte de la demanderesse le 30 juillet 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juillet 2003 ;

Le 27 juin 2003, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Madame … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le procès-verbal no 333/2003 du 26 juin 2003 établi par la Police grand-ducale, Service d’Intervention Echternach ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 26 juin 2003 ;

1Considérant qu’elle se trouve en séjour irrégulier ;

- qu’elle ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- que l’éloignement immédiat de l’intéressée n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressée est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 25 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision préindiquée du 27 juin 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, la demanderesse, sur base de différents moyens soulevés, sollicite la réformation de la décision déférée et sa remise en liberté immédiate.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait d’abord valoir que le recours sous examen serait devenu sans objet, étant donné que la mesure de placement litigieuse a été prise le 27 juin 2003 pour une durée de 30 jours, de sorte que ses effets ont pris fin le 27 juillet 2003, deux jours après l’introduction du recours.

La demanderesse réplique qu’elle ne sollicite pas seulement sa mise en liberté, mais qu’elle fait également valoir des moyens d’illégalité de la décision querellée, de sorte qu’elle garderait un intérêt à voir statuer sur leur mérite, notamment en vue de la mise en œuvre de la responsabilité des pouvoirs publics.

S’il est vrai que la demanderesse n’est plus à l’heure actuelle placée au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière sur base de la décision de placement actuellement litigieuse, force est cependant de constater qu’elle sollicite non seulement qu’il soit mis un terme à la mesure de placement prise à son égard, mais qu’elle entend également faire examiner la légalité de la mesure prise à son égard, de sorte que son recours garde un objet. Le moyen afférent soulevé par le délégué du gouvernement est partant à rejeter.

A l’appui de son recours, la demanderesse estime en premier lieu que la décision querellée serait viciée, au motif que les autorités luxembourgeoises auraient pu et dû la refouler immédiatement vers la Belgique, de sorte qu’aucun placement n’aurait été nécessaire, sinon que son placement aurait pu être écourté.

Ce moyen laisse d’être fondé, étant donné qu’il n’appert d’aucun élément du dossier que la demanderesse disposait ou dispose d’un titre de séjour en Belgique, alors qu’au contraire, elle a expressément reconnu circuler illégalement dans l’espace Schengen depuis un an. Par ailleurs, quant à une possibilité de se voir refouler vers la Belgique en application des engagements bilatéraux, pays où elle prétend avoir séjourné préalablement à sa venue au Luxembourg, la demanderesse est mal venue de critiquer le choix des autorités luxembourgeoises d’organiser un retour dans son pays d’origine, plutôt que de s’aventurer 2dans des procédures souvent difficiles, car impliquant qu’on puisse démontrer à suffisance de droit à l’autre Etat membre de l’espace Schengen sa compétence pour une prise en charge et -

faute de titre de séjour dans le chef de l’intéressée - de se charger eux de son rapatriement, l’ensemble risquant de prolonger la durée globale de sa rétention.

La demanderesse reproche encore aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir entrepris les démarches nécessaires pour exécuter la mesure d'éloignement dans les plus brefs délais.

Il se dégage pourtant des pièces versées que le ministère de la Justice a contacté l'ambassade de la République de l’Equateur dès le 4 juillet 2003 en vue de la reprise de l'intéressée, en insistant sur l'urgence de la demande et que toutes les dispositions ont été prises pour procéder au rapatriement de l’intéressée le 31 juillet 2003.

Le moyen tiré d'une absence de diligences en vue d'un rapatriement rapide de Madame … manque partant à son tour en fait.

La demanderesse a encore soutenu que son placement constituerait une mesure disproportionnée au regard des dispositions légales et de sa situation personnelle. Dans ce contexte, elle soutient que le Centre de séjour provisoire serait inadéquat pour héberger des étrangers en séjour irrégulier, étant donné que le régime de détention est identique à celui applicable aux détenus de droit commun, à l’exception « du droit limité à la correspondance et la dispense de l’obligation de travail » et qu’il ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972 « lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de la loi précitée du 28 mars 1972] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ».

Par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, a été créée « au Centre pénitentiaire de Luxembourg une section spéciale pour les retenus appelée « Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », où peuvent être placés les retenus, à savoir « tous les étrangers qui subissent une mesure privative de liberté sur base de l’article 15 de la loi [précitée] du 28 mars 1972 (…) ». A l’exception de certaines dérogations prévues par les articles 3 et 4 dudit règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, le régime de détention auquel sont soumis les retenus est celui prévu par le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Il échet de constater que par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, le gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, un centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié, conformément à l’article 15, paragraphe (1), 3alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972, en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Force est encore de retenir que la création d’un tel Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière n’a pas pour conséquence qu’aucun autre établissement ne puisse être considéré comme approprié au sens de l’article 15 précité, au vu des éléments de chaque cas d’espèce, une telle volonté ne se dégageant ni de la disposition légale précitée ni du règlement grand-ducal en question.

En l’espèce, le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, est à considérer comme un établissement approprié, étant donné que la demanderesse est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre de la Justice sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement et qu’elle n’a fait état d’un quelconque élément ou circonstance particulière justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire, de sorte que son moyen afférent est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que la demanderesse doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, Mme Lenert, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 31 juillet 2003, par le président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Ravarani 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16770
Date de la décision : 31/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-31;16770 ?

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