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31/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16755

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 juillet 2003, 16755


Tribunal administratif Numéro 16755 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 juillet 2003 Audience publique du 31 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16755 du rôle, déposée le 23 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, n

é le …, de nationalité albanaise, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étr...

Tribunal administratif Numéro 16755 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 juillet 2003 Audience publique du 31 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16755 du rôle, déposée le 23 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité albanaise, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 7 juillet 2003 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé en nom et pour compte du demandeur le 30 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement le 30 juillet 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juillet 2003 ;

Le 7 juillet 2003, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le procès-verbal no 102 du 6 juillet 2003 établi par le service de contrôle à l’aéroport ;

1Attendu que l’intéressé a été intercepté en date du 6 juillet 2003 par le service de contrôle à l’aéroport ;

Attendu que l’intéressé a fait usage d’un passeport et d’une carte d’identité italiens falsifiés ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 6 juillet 2003 ;

Considérant qu’il est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé auprès des autorités albanaises ;

- qu’en attendant ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 23 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision préindiquée du 7 juillet 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur a en premier lieu sollicité la production de l’intégralité du dossier administratif.

Etant donné que le délégué du gouvernement a rétorqué avoir communiqué l’intégralité des pièces à sa disposition et que le demandeur n’a ni justifié ni même allégué quelles pièces manqueraient dans le dossier administratif produit en cause, ni a fortiori fait état de la pertinence des pièces prétendument manquantes, la demande afférente est à écarter.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste la réunion, en l’espèce, des conditions pour prendre une décision de placement, alors qu’il ressortirait des éléments du dossier que le ministre de la Justice n’aurait pris à son encontre ni une décision d’expulsion, ni une décision de refoulement au sens de la loi précitée du 28 mars 1972 et qu’il aurait omis d’indiquer dans sa décision les circonstances de fait de nature à rendre un éloignement immédiat impossible.

Concernant d’abord le reproche tiré de ce que le ministre de la Justice n’aurait pris ni une décision d’expulsion, ni une décision de refoulement, il est constant en cause que la décision de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion.

Il convient partant d’examiner si la décision de placement est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence :

2« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 sont remplies, et où, par la suite, une décision de placement a été prise à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle mesure de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de placement à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.

En l’espèce, parmi les motifs invoqués à l’appui de la décision de placement, le ministre de la Justice fait état du fait que le demandeur se trouvait en séjour irrégulier au pays.

Dans la mesure où il est constant que le demandeur est entré sur le territoire luxembourgeois en se prévalant d’un passeport falsifié et qu’il n’est en possession ni de papiers de légitimation prescrits, ni de visa, une mesure de refoulement telle que prévue par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 était en principe justifiée à son égard.

La mesure de placement entreprise n’est cependant légalement admissible que si l’éloignement ne peut être immédiatement mis à exécution en raison de circonstances de fait.

Cette exigence légale appelle le tribunal à vérifier si le ministre de la Justice a pu et peut se baser sur des circonstances de fait permettant de justifier en l’espèce une impossibilité de procéder à un éloignement immédiat de l’intéressé.

Dans ce contexte, le demandeur soutient qu’il aurait présenté une demande d’asile, de sorte que la décision de placement se heurterait au principe de non-refoulement tel que prévu par les articles 33 de la Convention de Genève et 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972.

Même s’il est admis en l’espèce que Monsieur … a posé une demande d’asile par lettre du 15 juillet 2003, réceptionnée au ministère de la Justice le 17 juillet 2003, - son affirmation relativement à la formulation d’une demande d’asile antérieure, qui est contestée par le représentant étatique et reste à l’état de simple allégation, étant donné que suite à son interpellation devant les officiers de police, il n’a, à cette occasion, fait état que d’une intention de se rendre au Royaume-Uni et d’y solliciter l’asile politique, il n’est cependant pas moins constant en cause que le demandeur n’a pas soumis sa demande d’asile spontanément en se présentant aux autorités luxembourgeoises, mais seulement plusieurs jours après avoir été intercepté lorsqu’il tentait de quitter le territoire luxembourgeois sous le couvert d’un document de voyage falsifié et qu’il est arrivé au Luxembourg après avoir traversé plusieurs 3autres Etats membres de l’Union européenne, non pas avec l’intention d’y demander asile, mais bien en vue de poursuivre sa route de manière illégale vers le Royaume-Uni. Dans la mesure où l’irrégularité du séjour du demandeur était dès lors patente préalablement à l’introduction de sa demande d’asile et que ce dernier n’avait manifestement pas l’intention de s’adresser directement à cette fin aux autorités luxembourgeoises, le ministre pouvait valablement ordonner en date du 7 juillet 2003 une décision de placement à l’encontre de la personne concernée afin de mettre ses services en mesure de vérifier l’identité du demandeur et pour assurer le rapatriement de l’intéressé. En ce qui concerne la situation suite au dépôt de la demande d’asile, le placement a pu être maintenu, en attendant la clarification de la question de la compétence de l’Etat luxembourgeois pour connaître de sa demande d’asile à la lumière notamment de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés européennes, en vertu de laquelle un seul Etat membre conformément aux critères retenus par cette convention, est en principe compétent pour examiner une demande d’asile présentée à la frontière ou sur le territoire d’un des Etats membres, étant donné que le demandeur a été entendu par un agent du ministère de la Justice dès le 25 juillet 2003 et qu’il se dégage du mémoire en réponse du délégué du gouvernement qu’une décision sera prise dans les jours à venir, de sorte qu’on ne saurait reprocher aux autorités luxembourgeoises de ne pas entreprendre des démarches suffisantes en vue d’un éloignement rapide du demandeur, en vue d’écourter au maximum sa privation de liberté.

Le demandeur a encore soutenu que son placement constituerait une mesure disproportionnée au regard des dispositions légales et de sa situation personnelle. Dans ce contexte, il soutient que le Centre de séjour provisoire serait inadéquat pour héberger des étrangers en séjour irrégulier, étant donné que le régime de détention est identique à celui applicable aux détenus de droit commun, à l’exception « du droit limité à la correspondance et la dispense de l’obligation de travail » et qu’il ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972 « lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de la loi précitée du 28 mars 1972] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ».

Par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, et modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, a été créée « au Centre pénitentiaire de Luxembourg une section spéciale pour les retenus appelée « Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », où peuvent être placés les retenus, à savoir « tous les étrangers qui subissent une mesure privative de liberté sur base de l’article 15 de la loi [précitée] du 28 mars 1972 (…) ». A l’exception de certaines dérogations prévues par les articles 3 et 4 dudit règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, le régime de détention auquel sont soumis les retenus est celui prévu par le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Il échet de constater que par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, le gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 41972, un centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié, conformément à l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 mars 1972, en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Force est encore de retenir que la création d’un tel Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière n’a pas pour conséquence qu’aucun autre établissement ne puisse être considéré comme approprié au sens de l’article 15 précité, au vu des éléments de chaque cas d’espèce, une telle volonté ne se dégageant ni de la disposition légale précitée ni du règlement grand-ducal en question.

En l’espèce, le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, est à considérer comme un établissement approprié, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre de la Justice sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement, qu’il a fait usage de faux papiers et qu’il n’a fait état d’aucun élément ou circonstance particulière justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire, de sorte que son moyen afférent est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, Mme Lenert, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 31 juillet 2003, par le président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Ravarani 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16755
Date de la décision : 31/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-31;16755 ?

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