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23/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16578

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 juillet 2003, 16578


Tribunal administratif N° 16578 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2003 Audience publique du 23 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16578 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 2003 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Monsieur …, de nationalité roumaine, demeurant à L-…, tendant à l’annulation ...

Tribunal administratif N° 16578 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2003 Audience publique du 23 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16578 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 2003 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité roumaine, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 mai 2003 refusant de lui accorder le permis de travail pour un emploi en qualité de cuisinier auprès de Monsieur …, exploitant le … à … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juillet 2003 ;

Vu la requête en abréviation des délais présentée par le délégué du Gouvernement le même jour sur base de l’article 5 (8) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu l’échéancier établi concernant les délais de fourniture des mémoires en réplique et en duplique ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 juillet 2003 par Maître Jos STOFFEL au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie GUERISSE, en remplacement de Maître Jos STOFFEL, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 23 juillet 2003.

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Par arrêté du 19 mai 2003, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé « le ministre », a refusé de faire droit à la demande en obtention d’un permis de travail présentée par Monsieur …, de nationalité roumaine, pour un emploi de cuisinier auprès de Monsieur …, exploitant le … à … « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 6 cuisiniers avec CATP inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi ;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) ;

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

- occupation irrégulière depuis le 23.02.2003 ;

- recrutement à l’étranger non autorisé » ;

Considérant que par recours déposé en date du 17 juin 2003, Monsieur … sollicite l’annulation de l’arrêté ministériel prérelaté du 19 mai 2003 ;

Considérant que le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Considérant qu’à l’appui de son recours, le demandeur fait exposer en premier lieu que l’arrêté ministériel déféré encourrait l’annulation pour absence de précision des motifs invoqués à sa base, étant donné qu’en l’espèce le ministre n’aurait pas indiqué quels sont les motifs spécifiques au cas du demandeur justifiant le refus d’accorder le permis de travail sollicité ;

Que plus particulièrement l’invocation du nombre de six cuisiniers avec CATP inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’administration de l’Emploi serait une donnée purement objective et ne constituerait pas un motif spécifique au cas d’espèce ;

Considérant qu’une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant qu’en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base ;

Considérant qu’en l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 19 mai 2003 énonce 5 motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, par ailleurs étayés à travers le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, de sorte à suffire ainsi aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité ;

Considérant que l’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision déférée ;

Considérant que parmi les motifs de refus invoqués figure celui, préalable, du recrutement non autorisé à l’étranger, lequel, s’il se trouve vérifié, est de nature à justifier à lui seul la décision ministérielle déférée ;

Considérant que le demandeur n’a pas autrement pris position par rapport au motif du recrutement à l’étranger non autorisé invoqué à la base de la décision ministérielle déférée, tandis que le délégué du Gouvernement de rappeler les dispositions légales applicables en la matière ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale pour l’Emploi, le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, sauf l’exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art. 16) ;

Considérant qu’en l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier que ni au moment de la demande de permis de travail, ni à celui de la prise de l’arrêté ministériel déféré, le demandeur n’a eu une autorisation de séjour valable pour le Grand-Duché de Luxembourg, Monsieur … restant par ailleurs en défaut ne fût-ce que d’alléguer l’existence de pareille autorisation dans son chef aux moments donnés ;

Considérant que n’ayant pas d’autorisation de séjour valable, le demandeur est à considérer comme ayant été recruté à l’étranger au sens de la disposition légale précitée et que partant, au voeu des dispositions de l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 précité, l’employeur ayant eu l’intention d’engager Monsieur …, aurait dû solliciter en premier lieu l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger ;

Considérant que dans la mesure où aucun élément du dossier tel que présenté en cause ne permet d’établir que le recrutement à l’étranger de Monsieur … fut dûment autorisé, les faits à la base du motif de refus sous examen sont à considérer comme étant établis en cause ;

Considérant que la méconnaissance de l’obligation légale dans le chef de l’employeur de solliciter en premier lieu auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger est susceptible de sanctions pénales expressément énoncées à l’article 41 de la loi du 21 février 1976 précitée, lequel dispose notamment qu’est puni d’une amende de 500 à 25.000 € toute personne qui exerce une activité de recrutement de travailleurs à l’étranger sans être en possession de l’autorisation préalable prévue à l’article 16 de la même loi ou qui n’observe pas les conditions imposées dans ladite autorisation ;

Considérant qu’au-delà du fait qu’une sanction pénale est prévue par l’article 41 prévisé, il convient d’analyser si le non-respect de la formalité préalable à l’emploi d’un travailleur étranger inscrite à l’article 16 (2) précité est de nature à justifier une décision de refus du permis de travail ;

Qu’à cet égard, il a été décidé par la Cour administrative que l’article 16 (1) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays, la Cour s’étant référée à cet égard aux documents parlementaires n° 1682 entrevus plus particulièrement à partir de leur exposé des motifs, pour conclure au caractère impératif de la règle de procédure sous examen (cf. Cour adm. 22 octobre 2002, n°s 14539C et 14967C du rôle, non encore publiés) ;

Qu’il s’ensuit que le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé, au regard des considérations ci-avant fondées sur une jurisprudence constante de la Cour administrative, s’inscrit dans le cadre légal tracé par les dispositions de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en vertu desquelles seules « des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi », peuvent être invoquées pour motiver le refus du permis de travail, de sorte que le tribunal, statuant sur la légalité d’une décision de refus du permis de travail, est appelé à vérifier si les dispositions de l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, ont été observées ;

Considérant qu’il se dégage des développements qui précèdent qu’au-delà de toute question pouvant se poser en l’espèce au sujet de la disponibilité effective de ressortissants de l’Union Européenne ou de l’E.E.E. bénéficiant d’une priorité à l’emploi et susceptibles de pouvoir utilement occuper le poste de travail en question, l’arrêté ministériel litigieux est motivé à suffisance de droit et de fait par le seul constat du non-respect de la formalité inscrite à l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ainsi que les moyens y afférents ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 23 juillet 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 16578
Date de la décision : 23/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-23;16578 ?

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