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23/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16080

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 juillet 2003, 16080


Numéro 16080 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2003 Audience publique du 23 juillet 2003 Recours formé par Les époux … et … …-… et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16080 du rôle, déposée le 4 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avo

cat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ...

Numéro 16080 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2003 Audience publique du 23 juillet 2003 Recours formé par Les époux … et … …-… et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16080 du rôle, déposée le 4 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , et de son épouse, Madame …, née le … , accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 20 décembre 2002 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 4 février 2003 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juin 2003.

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Le 9 septembre 2002, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux …-… furent entendus séparément en date du 8 novembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux …-… par décision du 20 décembre 2002, leur notifiée par courrier recommandé du 2 janvier 2003, de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Le recours gracieux formé par courrier de leur mandataire daté au 30 janvier 2003 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 4 février 2003, les époux …-

… ont fait introduire un recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 20 décembre 2002 et confirmative du 4 février 2003 par requête déposée le 4 mars 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est en principe compétent pour statuer comme juge du fond en la matière.

Si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit (Cour adm. 30 mai 2000, Pjanic, n° 11891C, Pas. adm.

2002, v° Recours en réformation, n° 1). Le recours en annulation est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs, originaires du Kosovo et appartenant à la minorité goranaise, exposent que leur fuite serait motivée par les exactions subies de la part de la majorité albanaise en raison de leur appartenance à la minorité goranaise. Ils font valoir plus particulièrement que Monsieur …, ayant revêtu la fonction de caissier de l’ancienne Banque Nationale yougoslave, aurait refusé en 1999 de remettre les clés du trésor de la banque à un commandant de l’UCK et qu’en conséquence de ce refus son contrat de travail aurait été modifié lors de la transformation de la banque pour l’affecter comme simple balayeur et confier son poste de caissier à un Albanais. Ils ajoutent que la minorité goranaise à Dragas serait exposée à des poses de bombes et des mises à feu de leurs maisons et que le frère de l’oncle de Monsieur … aurait été tué en avril 2000 sur son lieu de travail, mais que la KFOR n’aurait toujours pas trouvé l’assassin. Les demandeurs reprochent ainsi au ministre une appréciation erronée des faits et de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait des persécutions par eux subies en raison de leur appartenance à une minorité dont la présence serait très mal acceptée par la majorité albanaise et qui serait toujours exposée, ainsi qu’en attesterait un récent rapport du UNHCR, à des exactions de la part de la majorité albanaise sans que l’administration civile mise en place ne soit capable de sécuriser leur situation, de manière qu’ils pourraient légitimement estimer que leurs vies seraient toujours menacées.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant la crainte exprimée par les demandeurs d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à leur encontre en raison de leur appartenance à la minorité goranaise, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Goranais, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs risquent de subir des persécutions.

A cet égard, il y a lieu de constater en plus que suivant la version actualisée du rapport de l’UNHCR datant de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo, la situation de sécurité générale des Goranais est restée stable et n’a pas été marquée par des incidents d’une violence sérieuse (« the overall security situation of Kosovo Gorani has remained stable with no direct attacks during the reviewing period »), de même qu’il est relevé dans ledit rapport que dans la période entre avril et octobre 2002 la situation des minorités au Kosovo au regard de leur sécurité a continué de s’améliorer, certes non pas de manière uniforme sur tout le territoire du Kosovo, mais de manière plus ou moins accélérée suivant les différentes régions passées sous revue, de sorte que les considérations avancées dans ledit rapport au sujet de l’organisation de retours forcés au Kosovo ne permettent pas pour autant de conclure que la situation générale des Goranais au Kosovo serait à l’heure actuelle grave au point que la seule appartenance à la dite minorité justifierait l’octroi du statut de réfugié dans leur chef.

Face à l’évolution positive ainsi tracée de la situation de la minorité goranaise, les éléments invoqués par les demandeurs et se situant en partie avant la période visée par le prédit rapport ne peuvent plus être considérés comme fondant une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Concernant la modification de l’affectation imposée à Monsieur … en tant qu’employé de banque, il y a lieu de retenir que s’il est vrai qu’une persécution peut être établie sur base de la cessation involontaire ou de la modification substantielle des conditions d’une relation de travail de la part d’un salarié, il n’en demeure pas moins que ce fait à lui seul ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique, étant donné que le demandeur d’asile devra établir des circonstances particulières à analyser au cas par cas, permettant à l’autorité compétente et, le cas échéant, aux juridictions administratives, d’apprécier si, au-delà de son allégation quant à son appartenance à une certaine communauté religieuse, il existe des éléments précis, cohérents et crédibles qui rendent une persécution ou une crainte de persécution vraisemblable dans son chef (cf. trib. adm. 25 juin 2001, n° 12774, confirmé par Cour adm. 15 novembre 2001, n° 13781C) Les demandeurs restent partant en défaut d’établir des faits suffisants pour faire admettre que le ministre a commis une erreur manifeste d’appréciation en leur refusant la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Il résulte des développements qui précèdent que la décision attaquée repose sur des motifs valables et que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 juillet 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16080
Date de la décision : 23/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-23;16080 ?

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