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23/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16078

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 juillet 2003, 16078


Numéro 16078 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2003 Audience publique du 23 juillet 2003 Recours formé par Madame … et consort, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16078 du rôle, déposée le 4 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrit au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … , de nationalité...

Numéro 16078 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2003 Audience publique du 23 juillet 2003 Recours formé par Madame … et consort, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16078 du rôle, déposée le 4 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … , de nationalité yougoslave, agissant tant en nom personnel qu’en nom et pour compte de ses deux enfants mineurs … et …, demeurant actuellement ensemble à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 2 décembre 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique et d’une décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 janvier 2003;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra VION et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juin 2003.

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Le 18 septembre 2002, Madame …, préqualifiée, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses deux enfants mineurs … et …, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame … fut entendue en date du 25 novembre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame … par décision du 2 décembre 2002, lui adressée par courrier recommandé du 6 décembre 2002, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’elle n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 6 janvier 2003 étant resté sans réponse de la part du ministre, Madame … a fait introduire, par requête déposée le 4 mars 2003, un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle explicite du 2 décembre 2002 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 janvier 2003 découlant du silence observé par le ministre.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose qu’elle aurait séjourné de 1992 jusqu’à février 2002 en Allemagne où elle aurait également soumis une demande d’asile, laquelle aurait cependant été rejetée, et qu’elle aurait été rapatriée avec toute sa famille au Kosovo en février 2002. Elle fait valoir que suite à son retour, la famille de son époux aurait exercé des pressions sur son mari et elle-même afin d’aider à venger la mort de deux oncles tués pendant la guerre au Kosovo en tuant des Serbes, mais qu’ils auraient catégoriquement refusé de s’engager dans cette vendetta et que ladite famille aurait alors commencé à les menacer et à exercer des violences sur son mari et à exercer des pressions même sur leurs enfants. Elle affirme que ces faits qui s’inscriraient dans la pratique des Albanais du Kosovo de persécuter les minorités et qui auraient motivé son départ du Kosovo avec deux de ses enfants afin de rejoindre son mari et les autres enfants au Luxembourg où ils auraient également soumis une demande d’asile, devraient être reconnus comme fondant une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition en date du 25 novembre 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est en effet de constater que les faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile ont trait, tel que cela ressort non seulement de la requête introductive d’instance, mais également du procès-verbal d’audition du 25 novembre 2002, à des problèmes familiaux qu’elle aurait connus dans son pays d’origine à la suite de son refoulement de la République Fédérale d’Allemagne, dans la mesure où des membres de la famille de son époux exigeraient de la part de celui-ci, afin de témoigner de son hostilité vis-

à-vis des Serbes et de venger la mort de deux de ses oncles tués au cours de la guerre ayant eu lieu au Kosovo, de tuer des Serbes.

Or, des actes émanant de la propre famille du demandeur d’asile et liés à une vendetta familiale pour venger des morts sont sans rapport avec la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou les opinions politiques du demandeur d’asile et se situent ainsi en dehors du champ d’application de la Convention de Genève.

Il y a lieu de relever en outre que la demande d’asile de l’époux de la demanderesse, basée sur les mêmes faits, a été définitivement rejetée par arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2003 (n° 15890C du rôle) confirmant le jugement du tribunal administratif du 19 décembre 2002 (n° 15667 du rôle) ayant rejeté le recours en annulation par lui introduit à l’encontre d’une décision du ministre de la Justice du 9 septembre 2002 ayant déclaré manifestement infondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique introduite, ainsi que d’une décision confirmative, rendue sur recours gracieux, du 30 octobre 2002.

Il résulte des développements qui précèdent que la demanderesse reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 juillet 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16078
Date de la décision : 23/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-23;16078 ?

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