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23/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16017

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 juillet 2003, 16017


Tribunal administratif N° 16017 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2003 Audience publique du 23 juillet 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière de changement d’affectation

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 19 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Anja REISDOERFER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxem

bourg, au nom de Madame …, épouse …, employée communale, demeurant à F-…, tendant principalement à la ...

Tribunal administratif N° 16017 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2003 Audience publique du 23 juillet 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière de changement d’affectation

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 19 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Anja REISDOERFER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, employée communale, demeurant à F-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 15 janvier 2003, par laquelle il a été décidé de la changer d’affectation en lui confiant avec effet immédiat des tâches administratives auprès des services de la bibliothèque du Conservatoire de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Camille FABER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 17 février 2003, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 12 mars 2003 par laquelle ont été déclarées non fondées les demandes en institution d’une mesure de sauvegarde sinon de sursis à exécution, introduites par Madame … afin respectivement de réintégrer avec effet immédiat son poste d’enseignante de danse de jazz ou d’ordonner le sursis à exécution par rapport à la décision précitée du collège échevinal du 15 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 12 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis BERNS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 12 mai 2003 portant notification dudit mémoire en réponse au mandataire de Madame … ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 30 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par le mandataire de Madame … ;Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Anja REISDOERFER et Louis BERNS en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un contrat d’engagement se rapportant à l’année scolaire 1995/1996, signé le 9 janvier 1996 entre Madame … et le collège échevinal de la Ville de Luxembourg, que Madame … est en service auprès du Conservatoire de la Ville de Luxembourg depuis le 1er septembre 1982 en qualité de chargée de cours de danse de jazz, ledit contrat spécifiant par ailleurs qu’il est régi tant par la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, ainsi que par le règlement grand-ducal du 11 juillet 1989 portant application des dispositions des articles 5, 8, 34 et 41 de la loi précitée. Le même contrat, conclu à durée indéterminée, se réfère encore au règlement communal concernant l’occupation et la rémunération des chargés de cours du Conservatoire de musique du 12 juillet 1991, approuvé par le ministre de l’Intérieur en date du 1er août 1991.

Dans son jugement du 25 juillet 2001, rendu dans une affaire opposant Madame … à une décision du ministre de l’Intérieur du 30 octobre 2000 portant refus de la dispenser de l’épreuve dans les trois langues administratives du pays, à savoir le luxembourgeois, le français et l’allemand, imposée aux chargés de cours de l’enseignement musical (affaire portant le numéro 12818 du rôle), le tribunal administratif a notamment retenu, dans le cadre de l’analyse de sa compétence, que Madame … bénéficie du statut d’employée communale au sens du règlement grand-ducal modifié du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l’Etat. Il ressort encore du même jugement que le ministre de l’Intérieur a, à bon droit, pu imposer à Madame … un contrôle de connaissance des trois langues officielles en vigueur au Grand-Duché de Luxembourg, l’exigence de la connaissance de ces trois langues étant justifiée dans la mesure où Madame …, en tant qu’employée communale recrutée afin d’assurer le service public de chargée de cours de l’enseignement musical, offert à une population qui peut faire usage au choix de l’une des trois langues officielles du pays, d’autant plus que l’enseignement dont il est question en cause s’adresse en grande partie à des enfants (à partir de l’âge de 6 ans) et à des jeunes.

Par courrier du 25 septembre 2001, le président de la commission de contrôle à la direction des affaires communales du ministère de l’Intérieur informa Madame … de ce qu’à la suite des épreuves préliminaires à l’admission au poste de chargée de cours dans l’enseignement musical du secteur communal et destinées à vérifier la connaissance des langues administratives luxembourgeoise, allemande et française, tenues en date du 21 septembre 2001, elle avait réussi les épreuves de français, mais non pas celles relatives aux langues luxembourgeoise et allemande, de sorte qu’il lui était loisible de se présenter à des épreuves supplémentaires quant à ces deux dernières langues qui se tiendraient fin mars 2002.

Par courrier du 29 mars 2002, le président de la commission de contrôle informa le mandataire de Madame … que la commission de contrôle n’était pas en mesure de faire droit à la demande tendant à voir reporter les épreuves de contrôle des trois langues administratives dans l’enseignement musical, fixées au 26 mars 2002, et que, dans la mesure où Madame … ne s’était pas présentée audit contrôle, elle ne suffisait pas «aux conditions en relation avec les connaissances adéquates des trois langues administratives à remplir par les chargés de cours des établissements d’enseignement musical du secteur communal visés par les dispositions transitoires du règlement grand-ducal (…) du 25 septembre 1998, venues à échéance au cours du mois d’octobre 2001 ».

Suite à une lettre adressée par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg à Madame … le 14 octobre 2002, par laquelle elle a été informée de ce que le délai des trois ans prévu par le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998, dans lequel les chargés de cours devaient régulariser leur situation en rapportant la preuve d’une connaissance adéquate des trois langues administratives du pays, était révolu, de sorte qu’elle devait présenter dans la quinzaine audit bourgmestre un certificat de réussite aux épreuves de langues, le mandataire de Madame … réagit par un courrier du 31 octobre 2002, adressé audit bourgmestre, en lui rappelant que sa mandante avait réussi les épreuves de français, en lui signalant par ailleurs que dans la mesure où ni le règlement grand-ducal du 9 décembre 1994 fixant les modalités du contrôle de la connaissance des trois langues administratives pour le recrutement des fonctionnaires et employés des administrations de l’Etat et des établissements publics ni le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998 ne prévoyaient une sanction au cas où des agents publics en exercice au jour des épreuves n’y réussissent pas, elle sollicitait pour le compte de sa mandante un report des épreuves la concernant afin qu’elle puisse refaire les épreuves d’allemand et de luxembourgeois.

Par courrier du 29 novembre 2002, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg informa Madame …, en se référant à sa lettre antérieure, précitée, du 14 octobre 2002, que dans la mesure où elle ne lui avait pas fait parvenir dans la quinzaine un certificat de réussite aux épreuves des trois langues administratives en vigueur au Grand-Duché de Luxembourg, elle se trouverait « dans une situation professionnelle qui ne répond pas aux exigences de la nouvelle législation sur l’enseignement musical et notamment au règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 fixant les conditions de formation, d’admission aux emplois et de rémunération des chargés de cours des établissements d’enseignement musical du secteur communal imposant aux chargés de cours du Conservatoire municipal entre autres l’obligation de faire preuve d’une connaissance adéquate des trois langues administratives du pays », et au vu du fait que d’après une information obtenue de la part du commissaire à l’enseignement musical, en vertu de laquelle les diplômes et certificats à obtenir par les élèves de Madame … risquaient de ne pouvoir obtenir la reconnaissance nationale, le collège échevinal envisageait de lui attribuer une autre affectation au sein du Conservatoire. A ce titre, il l’informa que d’après les propositions effectuées par le directeur du Conservatoire, il était prévu de la muter dans le service de l’administration à partir du 1er janvier 2003 en lui confiant plus particulièrement des tâches au sein de la bibliothèque et du secrétariat.

Il ressort encore dudit courrier que ce changement d’affectation serait sans influence sur son traitement et qu’il lui était loisible de fournir ses observations conformément à l’article 8.2 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux à un haut fonctionnaire de l’administration communale en date du 10 décembre 2002.

Dans un procès-verbal daté du 12 décembre 2002, Madame …, en présence de son mandataire, du directeur du Conservatoire et dudit haut fonctionnaire de l’administration communale, rédigé dans le cadre de l’article 8 de la loi précitée du 24 décembre 1985, a fait acter qu’il devrait être possible de ne lui attribuer que des classes francophones ou « presque francophones », en insistant sur le fait que les enfants seraient âgés d’au moins 12 ans et ne devraient donc pas connaître de problèmes de compréhension de la langue française, qu’il n’y aurait eu de plaintes afférentes de la part ni des élèves ni de leurs parents, qu’un examen spécifique et des sanctions spécifiques à l’encontre d’employés communaux en exercice ne seraient pas prévus, qu’il devrait être possible de repasser les examens même à l’expiration de la période de 3 ans, qu’il existerait une incompatibilité au niveau légal en ce qui concerne l’exigence de la connaissance des trois langues administratives pour exercer sa profession et qu’on se trouverait en présence d’un examen d’admissibilité qui devrait pouvoir être refait « à l’infini ». En conclusion, elle a déclaré qu’elle refusait le changement d’affectation proposé pour les raisons indiquées dans ledit procès-verbal et qu’elle entendait accepter « dans un premier temps l’affectation proposée », son mandataire s’étant réservé de « produire un mémoire ampliatif, reprenant de façon juridiquement correcte et intelligible les arguments développés lors de la présente réunion », ce qui a été effectué par le courrier du 17 décembre 2002 adressé par ledit mandataire au bourgmestre de la Ville de Luxembourg.

Par décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 15 janvier 2003, notifiée le 27 janvier suivant, Madame … a été affectée au service de la bibliothèque du Conservatoire de la Ville de Luxembourg. La décision est motivée par le fait que Madame … n’a pas été à même de fournir les pièces documentant qu’elle remplit les conditions légales pour exercer sa profession, telles que ces conditions se dégagent du règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998, en ce qu’elle est restée en défaut de produire un certificat attestant sa réussite aux épreuves des trois langues administratives du pays. La décision en question contient le passage suivant:

« La conséquence de cette activité [l'enseignement de la danse de jazz], devenue illégale depuis l'entrée en vigueur du règlement grand-ducal précité [du 25 septembre 1998], compte tenu également de la période transitoire de 3 ans actuellement expirée, est double:

D'une part, il y a lieu d'obtempérer aux injonctions du Ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que du Ministre de l'Intérieur qui ont, dans une circulaire commune du 10 mai 2001 rendu attentif au fait que les chargés de cours bénéficiant d'un contrat de louage de service à durée indéterminée, mais ne remplissant pas toutes les conditions d'engagement telles que énoncées à l'article 2 du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 précité, ne pourront plus être occupés dans le cadre défini par la loi du 28 avril 1998 portant harmonisation de l'enseignement musical dans le secteur communal ainsi que par les règlements grand-ducaux y relatifs. Par conséquent ces chargés de cours ne feront plus partie du corps enseignant et ne seront plus pris en compte lors de l'établissement des aides financières à accorder par l'Etat et l'ensemble des communes en relation avec la rémunération des chargés de cours.

D'autre part, les diplômes et certificats à décerner aux élèves fréquentant les cours dispensés irrégulièrement par [Madame …] risquent de ne pouvoir obtenir la reconnaissance nationale, tel qu'il résulte d'une lettre du commissaire à l'enseignement musical du 15 octobre 2002 ».

Par requête déposée le 19 février 2003, inscrite sous le numéro 16017 du rôle, Madame … a introduit un recours tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l'annulation de la prédite décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 15 janvier 2003.

Par requête du 27 février 2003, inscrite sous le numéro 16039 du rôle, elle a introduit une requête tendant principalement à l'institution d'une mesure de sauvegarde consistant dans sa réintégration avec effet immédiat à son poste d'enseignante de danse de jazz, sinon à ordonner le sursis à exécution par rapport à la prédite décision du collège échevinal du 15 janvier 2003, en attendant la solution du recours en réformation, subsidiairement en annulation introduit le 19 février 2003.

Par ordonnance du 12 mars 2003, le président du tribunal administratif a rejeté les demandes en institution d’une mesure de sauvegarde sinon de sursis à exécution comme étant non fondées au motif que l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif dans le chef de Madame … n’était pas établie à suffisance de droit.

C’est à bon droit que l’administration communale de la Ville de Luxembourg conclut à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision litigieuse du 15 janvier 2003, étant donné qu’il n’existe aucune disposition légale prévoyant un tel recours en matière de changement d’affectation.

Le recours en annulation, recours de droit commun, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Tout en admettant que l’article 8.2 de la loi précitée du 24 décembre 1985 a été respecté en l’espèce, la demanderesse estime que la décision litigieuse aurait été prise en violation des articles 10, 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce que son mandataire n’aurait été informé que tardivement des intentions de son employeur et que ni elle-même ni son mandataire n’auraient obtenu communication du dossier administratif et, plus particulièrement, de la « prétendue lettre du commissaire à l’enseignement musical du 15 novembre 2002 qui constitue l’élément clef de la décision [litigieuse] ». Ainsi, elle soutient que ses droits de la défense auraient été violés « sciemment et intentionnellement ».

L’administration communale de la Ville de Luxembourg conteste qu’il y ait eu violation des articles 10 à 12 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, en soutenant qu’il y aurait eu respect des droits de la défense de la demanderesse, dans la mesure où plus particulièrement son mandataire aurait manifestement été en mesure de préparer la défense de sa mandante. Elle conteste pour le surplus que la demanderesse ait sollicité la communication de son dossier administratif ou des pièces invoquées par elle.

Il échet tout d’abord de relever que le litige dont est saisi le tribunal, dans le cadre de la présente instance a trait non pas à une décision de refus de communication de tout ou partie du dossier administratif de la demanderesse, mais qu’il a exclusivement trait à la légalité de la décision litigieuse du 15 janvier 2003.

C’est toutefois à bon droit que la demanderesse souhaite voir vérifier si la décision litigieuse a été prise dans le respect de ses droits de la défense et plus particulièrement conformément au règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.

En effet, le statut général des fonctionnaires communaux prévoyant seulement qu’avant qu’une mesure de changement de service, d’attribution ou d’affectation ne soit prise par le collège échevinal, le fonctionnaire visé doit être entendu en ses observations, il ne présente pas pour l’intéressé les garanties équivalentes à celles prévues par le règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, de sorte que les règles édictées par ce règlement deviennent applicables ( trib. adm. 14 octobre 1997, n° 9722 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Fonction publique, n° 50 et autre référence y citée, p. 246).

En substance, la demanderesse fait valoir que son mandataire n’aurait été informé que tardivement de l’intention du collège échevinal de la Ville de Luxembourg de procéder à son changement d’affectation, de sorte que ses droits de la défense auraient été violés.

Il se dégage toutefois du dossier tel que soumis au tribunal qu’au plus tard depuis l’entrevue ayant eu lieu dans les bureaux de l’administration communale de la Ville de Luxembourg en date du 12 décembre 2002, à laquelle la demanderesse était assistée de son litismandataire, ce dernier était au courant de ce que le collège échevinal de la Ville de Luxembourg envisageait de faire changer la demanderesse d’affectation et il était en mesure de prendre amplement position par rapport à ce projet de décision dans un courrier adressé le 17 décembre 2002 au bourgmestre de la Ville de Luxembourg.

Il suit de ce qui précède qu’au plus tard un mois avant la pise de la décision litigieuse, tant le mandataire que la demanderesse elle-même étaient au courant du projet de décision envisagé par le collège échevinal de la Ville de Luxembourg, de sorte qu’ils étaient amplement en mesure d’assurer la défense des droits de la demanderesse, de sorte qu’une violation des droits de la défense ne peut pas être retenue. Pour le surplus, à défaut d’avoir précisé plus concrètement en quoi les articles 10 à 12 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 auraient été violés en l’espèce, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à un tel moyen simplement énoncé mais non autrement étayé, d’autant plus qu’une violation de ces articles ne se dégage pas des pièces versées au dossier.

Il suit de ce qui précède que le moyen afférent n’est pas fondé et qu’il doit en conséquence être rejeté.

La demanderesse critique en outre la décision litigieuse en ce que celle-ci n’aurait pas fait l’objet d’une approbation tutélaire par le ministre de l’Intérieur, de sorte qu’elle ne saurait légalement sortir ses effets.

C’est à bon droit que l’administration communale de la Ville de Luxembourg soutient que le changement d’affectation de Madame … s’est fait en application de l’article 8.2 de la loi précitée du 24 décembre 1985, expressément applicable aux employés communaux en vertu de l’article 1er, paragraphe 4 de la même loi. C’est encore à bon droit que l’administration communale soutient qu’une approbation tutélaire par le ministre de l’Intérieur n’est pas prévue en la présente matière, en citant l’article 8, paragraphe 2 de la loi précitée du 24 décembre 1985, qui dispose que : « dans l’intérêt du service, le fonctionnaire peut être changé de service, d’attribution ou d’affectation, pourvu que le nouvel emploi ne soit inférieur ni en rang, ni en traitement. La mesure est prise par le collège des bourgmestre et échevins. (…) ».

Il se dégage de la disposition légale qui précède, que le changement d’affectation est de la compétence du seul collège des bourgmestre et échevins et une approbation tutélaire par le ministre de l’Intérieur n’est pas prévue. Cette solution est encore confirmée par le fait que dans les cas dans lesquels il y a lieu de recueillir l’approbation tutélaire du ministre de l’Intérieur, comme en matière de nomination définitive, telle que réglementée par l’article 5 de la même loi, elle se trouve être expressément prévue par le texte légal en question, à savoir, en l’espèce, l’article 5, alinéa 2 de la même loi de 1985 ou comme en matière d’engagement au sujet duquel l’article 4 du règlement grand-ducal du 15 novembre 2001 concernant le régime des employés communaux spécifie expressément qu’il est effectué « par le conseil communal sous l’approbation du ministre de l’Intérieur ». Cette dernière disposition ne saurait toutefois trouver application en l’espèce dans la mesure où, d’une part, un changement d’affectation n’est pas à considérer comme étant un engagement d’un employé communal au service d’une administration communale donnée et, d’autre part, le changement d’affectation est expressément réglementé par une disposition spécifique, à savoir l’article 8, paragraphe 2 de la loi précitée du 24 décembre 1985, qui se trouve être également applicable aux employés communaux en vertu de l’article 1er, paragraphe 4 de la même loi, et ne prévoyant aucune approbation tutélaire.

En ce qui concerne encore la référence faite par la demanderesse à l’article 30 de la loi communale du 13 décembre 1988, suivant lequel « le conseil communal nomme, révoque et démissionne les fonctionnaires et les employés de la commune, sous l’approbation du ministre de l’Intérieur », il échet de relever que ledit article ne réglemente pas les conditions dans lesquelles sont décidés les changements d’affectation, de sorte que la référence faite audit article est sans pertinence en l’espèce et qu’il ne saurait trouver application.

En ce qui concerne enfin la référence faite à une jurisprudence du tribunal administratif en matière de changement d’affectation, il y a lieu de constater, ensemble avec l’administration communale de la Ville de Luxembourg, que cette jurisprudence a trait à un fonctionnaire de l’Etat qui est soumis à des dispositions statutaires différentes de celles applicables aux employés communaux.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’une approbation tutélaire n’était pas requise au sujet du changement d’affectation décidé à propos de Madame …, de sorte que le moyen sous analyse est à écarter pour ne pas être fondé.

La demanderesse rappelle encore qu’elle enseigne la danse de jazz au sein du Conservatoire de Luxembourg depuis plus de vingt ans, qu’elle aurait toujours donné entière satisfaction à ses supérieurs hiérarchiques, que les élèves et les parents d’élèves seraient unanimes pour attester ses qualités professionnelles et pédagogiques et qu’elle aurait toujours présenté toutes les qualités professionnelles requises pour exercer le métier d’enseignante de danse de jazz.

Sans contester, à la suite du jugement rendu par le tribunal administratif le 25 juillet 2001, précité, qu’elle est obligée de se soumettre, en vertu des nouvelles dispositions réglementaires, à un examen d’évaluation d’une connaissance adéquate des trois langues administratives en vigueur au Grand-Duché de Luxembourg, elle estime néanmoins qu’elle pourrait se présenter « à volonté », c’est-à-dire à plusieurs reprises, à l’examen tel que réglementé par l’article 32bis du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990 portant fixation des conditions d’admission et d’examen des fonctionnaires communaux, même en cas d’échecs répétés, dans la mesure où le règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 fixant les conditions de formation, d’admission aux emplois et de rémunération des chargés de cours des établissements d’enseignement musical du secteur communal ne prévoirait pas de sanction pour les chargés de cours en exercice « qui tout en ayant obtempéré à l’obligation de se présenter au contrôle des trois langues administratives n’y ont point réussi ».

En ce qui concerne plus particulièrement la décision litigieuse, elle soutient que l’administration communale de la Ville de Luxembourg n’aurait pas indiqué que celle-ci ait été prise dans l’intérêt du service, tel qu’exigé par l’article 8, paragraphe 2 de la loi précitée du 24 décembre 1985, en précisant dans ce contexte qu’elle n’aurait aucune compétence particulière en matière de bibliothécaire ou d’agent administratif, alors que ses seules connaissances professionnelles seraient relatives à sa qualité d’enseignante de danse de jazz, en ajoutant pour le surplus que le changement d’affectation décidé par le collège échevinal lui causerait un préjudice disproportionné par rapport à l’intérêt du service, en ce qu’elle serait dans l’impossibilité de faire valoir ses compétences dans ses nouvelles attributions. Ainsi, le collège échevinal n’aurait pas tenu compte de sa situation professionnelle et personnelle particulière et elle risquerait actuellement d’amoindrir ses compétences professionnelles du fait de ne pas pouvoir les mettre en pratique régulièrement.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg rétorque que dans la mesure où la demanderesse ne satisfait pas aux conditions telles que fixées par le règlement grand-

ducal précité du 25 septembre 1998, elle ne pourrait plus continuer à exercer ses fonctions en tant qu’enseignante de danse de jazz, en soulignant que la décision du changement d’affectation aurait été prise en dehors de toute considération ayant trait à ses capacités professionnelles et années de service auprès du Conservatoire de musique, mais exclusivement sur base du fait que contrairement aux dispositions réglementaires qui lui sont également applicables en sa qualité d’enseignante en service au moment de l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal précité de 1998, elle ne remplit pas les conditions d’une connaissance adéquate des trois langues administratives du pays.

Quant à l’absence de sanction prévue par la réglementation en vigueur en cas d’échec aux examens de contrôle de langues, l’administration communale se réfère à l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998, suivant lequel « les chargés de cours de l’enseignement musical (…) en service à la date de l’entrée en vigueur du présent règlement grand-ducal, suite à un engagement contractuel par une commune (…) qui ne suffisent pas aux conditions énoncées à l’article 2.4 (…) [dudit règlement grand-ducal, qui a trait à une « connaissance adéquate des trois langues administratives »] devront remplir les conditions afférentes requises dans un délai de trois années à partir de la date de l’entrée en vigueur du présent règlement ».

Sur base du libellé de ladite disposition réglementaire, l’administration communale fait valoir qu’il s’agirait d’une obligation de résultat dans le chef des chargés de cours à accomplir dans le délai fixé et qu’à défaut de l’accomplissement, avec succès, des contrôles de langues, les chargés de cours ainsi visés ne sauraient plus, après l’expiration du délai en question, assumer les charges à eux confiées avant l’entrée en vigueur du règlement grand-

ducal de 1998.

C’est à bon droit que dans ce contexte l’administration communale fait valoir que le refus de reporter l’examen de contrôle des langues, fixé au 26 mars 2002, à une autre date, à la convenance de la demanderesse, n’a pas été prise par l’administration communale de la Ville de Luxembourg, étant donné qu’il ressort clairement du dossier administratif qu’il s’agit d’une décision prise par une commission instituée auprès du ministère de l’Intérieur, à l’encontre de laquelle un recours n’a pas été dirigé par la requête sous analyse. Il s’ensuit que le tribunal n’a pas à analyser dans le cadre de la présente instance le fait de savoir si ladite décision de cette commission a été prise valablement ou non.

Quant à l’obligation de prendre la décision de changement d’affectation dans l’intérêt du service, l’administration communale fait valoir qu’elle aurait dû se conformer aux instructions de son autorité de tutelle, à savoir le ministre de l’Intérieur qui a clairement indiqué aux communes qu’elles ne pourraient pas continuer à occuper en tant que chargé de cours dans l’enseignement musical un employé qui ne remplit pas les conditions légales pour une telle occupation, notamment lorsqu’il ne satisfait pas aux conditions relatives à une connaissance adéquate des trois langues administratives, que la Ville de Luxembourg ne pourrait pas se permettre de continuer à occuper une personne en violation des dispositions réglementaires en vigueur, que l’intérêt du service, à savoir le Conservatoire de musique, se dégagerait encore du fait que la demanderesse se trouvait en contact étroit avec le public et que la Ville de Luxembourg aurait eu pour souci de ne pas exposer les élèves du Conservatoire au risque de ne pas se voir reconnaître leurs diplômes sanctionnant les études dirigées par un enseignant ne disposant pas des capacités professionnelles légalement requises.

La Ville de Luxembourg conteste pour le surplus que le changement d’affectation entraîne un préjudice disproportionné par rapport à l’intérêt du service dans le chef de la demanderesse en insistant plus particulièrement sur le fait que cette décision n’entraînerait aucune diminution de sa rémunération. Pour le surplus, elle estime que la demanderesse disposerait des capacités professionnelles suffisantes pour travailler au sein de la bibliothèque du Conservatoire, c’est-à-dire dans le domaine de la musique et y faire valoir ses compétences.

C’est tout d’abord à bon droit que l’administration communale se réfère au jugement précité du tribunal administratif du 25 juillet 2001 en ce qu’il a été décidé que la nouvelle réglementation se dégageant du règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998 et ayant plus particulièrement trait à la connaissance des trois langues administratives était également applicable aux employés communaux en service au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, jugement à l’encontre duquel un appel n’a pas été interjeté.

Il échet encore de constater, en application de l’article 2, points 4 et 9, alinéa 1er du règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998, que les chargés de cours dans l’enseignement musical, dont la demanderesse, doivent remplir la condition prévue au point 4 de l’article 2 précité, ayant trait à une connaissance adéquate des trois langues administratives, dans un délai de trois ans à partir de l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal en question et il est constant en cause, pour ne pas être contesté par la demanderesse, qu’à l’échéance dudit délai, la demanderesse ne remplissait pas ladite condition réglementaire.

Au vu de cette situation de fait, l’administration communale a estimé qu’il était dans l’intérêt du service d’origine de la demanderesse, à savoir le Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg, de la réaffecter à un autre service pour lequel une telle exigence de connaissance de langues n’était pas requise. Elle a partant agi en application de l’article 8.

paragraphe 2 de la loi précitée du 24 décembre 1985, qui exige qu’un changement d’affectation, de service ou d’attribution doit obligatoirement s’effectuer dans l’intérêt du service.

Le changement d’affectation opéré d’office peut être décidé à partir du moment où il intervient, soit dans l’intérêt du service dans lequel la nouvelle affectation doit être faite, soit dans celui du service où le fonctionnaire était affecté avant sa mutation. La liberté d’appréciation dont dispose l’administration pour décider un changement d’affectation d’un employé communal se trouve limitée par la preuve à apporter par l’employeur que l’intérêt de l’un des deux services en question justifie le changement d’affectation projeté. – En outre, le changement d’affectation ne doit avoir aucune influence sur le rang, le traitement et la carrière du fonctionnaire concerné. Il ne doit en aucun cas comporter pour lui un préjudice disproportionné par rapport à l’intérêt du service (cf. trib. adm. 16 février 1998, n° 10264 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Fonction publique, n° 45, et autres références y citées, p. 245).

En l’espèce, d’après les informations fournies par l’administration communale, seul l’intérêt du service d’origine de la demanderesse a été pris en considération afin de décider d’office de la changer d’affectation, en considération du fait qu’elle ne remplissait plus les conditions légales et réglementaires pour exercer sa fonction dans ledit service.

Il suit de ce qui précède et abstraction faite de tous autres considérations et arguments développés par l’administration communale à l’appui de sa décision sous analyse, que l’intérêt du service d’origine de la demanderesse exigeait qu’elle en soit écartée pour ne plus remplir les conditions de capacité professionnelle, telles que nouvellement réglementées par le règlement grand-ducal précité du 25 septembre 1998, de sorte que la décision se trouve amplement justifiée de ce fait. Pour le surplus, la demanderesse ne saurait se plaindre du changement d’affectation décidé par l’administration communale de la Ville de Luxembourg dans son propre intérêt, en gardant le même rang et le même traitement que ceux dont elle bénéficiait dans son service d’origine, étant donné qu’à défaut de pouvoir la réaffecter à un autre service de la commune, celle-ci aurait été obligée de procéder à la résiliation de son contrat d’employée communale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande tendant à se voir allouer une indemnité de procédure de 1500 € formulée par la demanderesse erronément sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, et trouvant en réalité son fondement dans l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est à rejeter pour ne pas être fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 23 juillet 2003 par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16017
Date de la décision : 23/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-23;16017 ?

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