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23/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15907

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 juillet 2003, 15907


Numéro 15907 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 janvier 2003 Audience publique du 23 juillet 2003 Recours formé par La société anonyme …, … (B) contre une décision du directeur de l’Administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15907 du rôle, déposée le 24 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jacqu

es LOESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Numéro 15907 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 janvier 2003 Audience publique du 23 juillet 2003 Recours formé par La société anonyme …, … (B) contre une décision du directeur de l’Administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15907 du rôle, déposée le 24 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jacques LOESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme de droit belge …, établie et ayant son siège social à B-…, inscrite au registre du commerce de Bruxelles sous le numéro …, agissant par son conseil d’administration actuellement en fonction, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 octobre 2002 portant rejet de ses deux requêtes en remboursement de retenue à la source sur revenus de capitaux mobiliers, présentées les 17 mars et 26 août 1997;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2003;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2003 par Maître Jacques LOESCH pour compte de la société anonyme …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Guy LOESCH, assisté de Maître Paul TULCINSKY, avocat au barreau de Bruxelles, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 juin 2003.

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Au début de l’année 1996, la société anonyme de droit belge … détenait l’intégralité du capital de la société anonyme de droit belge A, et, depuis l’année 1994, une participation à hauteur de 1.098.502 actions dans le capital de la société anonyme de droit luxembourgeois B, ci-après désignée par « B ».

La société A détenait l’intégralité du capital de la société anonyme C, ci-après désignée par « C ».

La société C détenait depuis l’année 1994 une participation à concurrence de 25% dans le capital de la société B.

Le patrimoine de la société B englobait à cette même époque une participation dans le capital de la société anonyme de droit luxembourgeois D.

En date du 3 mars 1996, la société … céda à la société A les 1.098.502 actions de la société B, de manière que la participation globale de la société A dans la société B fut portée à 34,922% du capital de cette dernière.

Le 27 décembre 1996, la société B versa à la société A au titre de l’exercice 1995 un dividende de 373.490.680 LUF qui subit une retenue à la source de 56.023.602 LUF, soit 15% du montant du dividende brut. En date du 10 mars 1997, la société A introduisit, par l’intermédiaire de la société B mandatée à cette fin, auprès du bureau d’imposition Sociétés une demande « de bien vouloir considérer que la retenue à la source sur … [la] distribution à la société A S.A., opérée sur base de la convention belgo-luxembourgeoise et du libellé actuel de l’article 147 2a LIR, est non conforme avec la directive du Conseil CE (90/435/CEE) concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mère et filiales d’Etats membres différents, et par conséquent de procéder au remboursement de l’excédent de retenue d’impôt, à savoir 56.023.602 LUF ».

Le 27 juin 1997, la société B versa à la société A au titre de l’exercice 1996 un dividende de 241.670.440 LUF qui fut amputé d’une retenue à la source de 24.167.044 LUF, soit 10% du montant du dividende brut. Le 20 août 1997, la société A introduisit, par l’intermédiaire de la société B mandatée à cette fin, auprès du même bureau d’imposition une demande en remboursement de l’excédent de retenue sur les dividendes lui distribués, à savoir du montant de 24.167.044 LUF, formulée en des termes identiques.

L’assemblée générale extraordinaire de la société B du 17 novembre 1997 décida la dissolution anticipée de cette société, prononça sa mise en liquidation à compter de ce jour et nomma Maître Jacques LOESCH liquidateur de la société. L’assemblée générale extraordinaire de cette même société du 20 novembre 1997 approuva les comptes de liquidation, donna décharge pleine et entière au liquidateur, prononça la clôture de la liquidation et constata que la société B avait définitivement cessé d’exister. L’actif de la société B à la date du 17 novembre 1997 fut constitué essentiellement par 30.397.851 actions de la société D, 237.212 obligations remboursables en actions de cette même société et de liquidités à hauteur de 1.071.482.547 LUF. Ces éléments de l’actifs furent attribués, dans le cadre de la liquidation de la société B respectivement à hauteur de 75% à la société A et de 25% à la société C.

Par décision du 25 octobre 2002, portant les numéros du rôle C9443 et C9636, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », statua sur les deux demandes précitées de la société A des 10 mars et 20 août 1997 dans les termes suivants :

« Considérant qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes (cf. C.E. 6 février 1996, no 8925 du rôle) ;

Considérant dans l’intérêt d’une bonne administration que, les deux requêtes ayant des objets connexes, il y a lieu de les joindre pour les vider par une seule et même décision ;

Considérant que la requérante s’élève contre les retenues d’impôt à la source opérées sur les dividendes qui lui ont été alloués par la société anonyme B en dates du 27 décembre 1996 et du 27 juin 1997 ;

qu’elle le fait au motif que ces retenues, bien qu’effectuées sur base de la convention fiscale belgo-luxembourgeoise et du libellé en vigueur pour les années 1996 et 1997 de l’article 147 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR), seraient non conformes à la directive 90/435/CEE du Conseil européen du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, plus particulièrement pour ce qui est de l’interprétation à donner, suite à l’arrêt Denkavit du 17 octobre 1996 de la Cour de justice des Communautés européennes, à la condition de la durée minimale de détention d’une participation directe (« période ininterrompue de deux ans au moins ») pour bénéficier de l’exemption retenue à la source sur les dividendes mis à disposition ;

Considérant que la requérante conclut que l’intégralité des retenues versées, à savoir 56.023.602.- Flux et 24.167.044.- Flux, lui devrait être remboursée ;

qu’en outre, bien qu’en avouant qu’en vertu des règles de droit fiscal luxembourgeois, l’Etat n’est pas tenu au versement d’intérêts de retard lorsque le contribuable s’est acquitté d’un impôt de manière indue », la requérante annonce se réserver « le droit de demander réparation du dommage subi » ;

Quant à la recevabilité Vu le § 252 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant qu’il échet, avant tout progrès en cause, d’analyser quelle qualification il y a lieu de conférer aux actes introduits par la requérante en dates du 17 mars 1997 et du 26 août 1997 ;

Considérant que lesdits actes ne se résument pas simplement ni en une action en restitution de retenues d’impôts perçues de trop par rapport aux montants dont la requérante est, en définitive, redevable suite à l’émission d’un bulletin, ni en une demande de restitution de retenues sur revenus de capitaux expressément prévue en vertu d’une disposition légale en vigueur à l’époque (à l’image par exemple de l’article 150 LIR, mais contrairement à l’alinéa 4a de l’article 149 LIR qui n’est applicable seulement qu’à partir de l’année d’imposition 1998) ;

Considérant que le § 150 de la loi générale des impôts (AO) vise les cas où le remboursement d’impôts versés peut être exigé, partant où le droit au remboursement est établi et n’a qu’à être invoqué par le contribuable ; qu’en l’espèce un tel droit à une ristourne d’impôts payés n’est pas fondé d’office et sans équivoque ;

Considérant que du fait qu’il prévoit la restitution d’un impôt lorsque celui-ci a été retenu et versé à tort pour compte d’un contribuable, sans la participation de ce même contribuable ou de son représentant (fiscal), le § 152 (2) no 1 de la loi générale des impôts (AO) n’est également pas adapté aux présentes requêtes pour le motif que, d’une part, le tort présumé dans le chef du débiteur de l’impôt retenu à la source n’est aucunement évident et que, d’autre part, les retenues sur les revenus de capitaux en question ont été opérées sous la responsabilité des mêmes personnages ayant constitué les organes exécutifs de la société filiale distributrice des dividendes et ayant été mandatés pour déposer, peu de temps par après, les deux recours au nom de la requérante, cette identité de personnes dans la représentation de collectivités en cause, à coup sûr donnée lors du versement du 4 juillet 1997 et pour le moins vraisemblable à l’occasion du versement du 3 janvier 1997, s’opposant à l’exigence de toute absence de participation du débiteur de l’impôt ou de son représentant à la procédure de la retenue à la source ;

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, les actes produits par la requérante ne se qualifient pas en des actions en restitution d’impôts payés en trop au sens des §§ 150 et 152 (2) no 1 de la loi générale des impôts (AO), actions qui auraient nécessité au préalable l’émission d’un bulletin communiquant une décision de refus total ou partiel de la part du préposé du bureau d’imposition compétent afin de pouvoir engendrer, le cas échéant, une réclamation devant le directeur des contributions sur base du § 235 n° 5 de cette même loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que les auteurs des deux requêtes n’étant pas des professionnels de la consultation et de la représentation en matière d’impôts, ils bénéficient de ce fait de la jurisprudence qui, sur le fondement du § 249 (1) de la loi générale des impôts (AO), tend à interpréter les requêtes des contribuables non assistés selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés (principe de l’effet utile) ;

Considérant qu’il résulte clairement des développements des requêtes sous analyse que la société anonyme de droit belge A (dénommée par après …) s’attaque tout d’abord à une question de fond, celle de l’irrégularité présumée des retenues d’impôt à la source opérées sur les dividendes lui alloués en 1996 et 1997, irrégularité qu’elle croit tirer d’un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 17 octobre 1996, pour conclure ensuite au remboursement de l’impôt apparemment perçu de trop et se réserver « le droit de demander réparation du dommage subi » en matière d’intérêts de retard ;

Considérant qu’en adressant, le 21 mars 1997, une invitation aux déposants des présents actes tendant à une « régularisation de la procédure dans l’affaire contentieuse A s.a. introduite par votre requête (datée) du 10 mars 1997 », le secrétariat de la division du contentieux a déjà implicitement indiqué, certes sans engagement, que les mérites d’un recours formel étaient à attribuer à la démarche entreprise ; que c’est en se référant sur la même qualification que la requérante a formulé le vœu, par le biais d’un courrier du 12 février 2001 de la s. à r.l. E, que « vu l’importance de cette affaire (…) et le laps de temps déjà écoulé depuis l’introduction de ces réclamations (bientôt 4 ans), nous vous saurions gré de bien vouloir nous donner votre réponse endéans un délai raisonnable » ; qu’en date du 7 octobre 2002, la requérante a réitéré sa demande « de bien vouloir nous communiquer la suite réservée à notre dossier, voire de vous prononcer sur nos réclamations », corroborant de la manière son intention de porter effectivement recours formel ;

Considérant que certains impôts ne sont pas fixés par écrit ; qu’il s’agit notamment de ceux qui sont payés par voie de retenue à la source, dont l’impôt sur le revenu frappant les revenus de capitaux ; qu’à leur égard le § 212 de la loi générale des impôts (AO) traite des bulletins d’impôt n’empruntant pas la forme écrite (« nicht förmliche Steuerbescheide ») ;

Considérant qu’en l’espèce il y a lieu de se référer à une jurisprudence allemande qui assimile à un tel bulletin d’impôt n’empruntant pas la forme écrite (§ 212 AO) le fait de la part du bureau de recette d’adapter l’impôt retenu à la source ; que cette jurisprudence du « Reichsfinanzhof » en déduit que le débiteur, qui estime qu’il a été obligé à tort à opérer la retenue, est tenu de réclamer dans le délai de trois mois depuis la retenue effectuée, afin que son versement, reçu par le Trésor public, ne passe pas en force de chose jugée (cf. à ce sujet Jean Olinger, « La procédure contentieuse en matière d’impôts directs », chap. 117, Etudes fiscales nos 81/82/83/84/85, novembre 1989) ;

Considérant que si, par application de la prédite construction jurisprudentielle, le débiteur de la retenue sur le revenu de capitaux est habilité à introduire valablement une réclamation contre cette retenue à la source, le même droit de recours est à accorder au débiteur de l’impôt, en l’occurrence la société anonyme de droit belge A (dénommée par après …), celle-ci se sentant lésée à travers un encaissement de dividendes réduits par une retenue fiscale qu’elle juge inacceptable ;

Considérant qu’il en découle que les deux réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi ; qu’elles sont partant recevables ;

Quant au fond Considérant que c’est en date du 3 mai 1996 que la requérante a acquis 1.098.502 actions de la société anonyme B ; qu’elle a détenu ces titres, représentatifs d’une participation directe de 34,922% (taux inchangé par la suite) dans le capital social de la société filiale, de manière ininterrompue jusqu’à la dissolution et la mise en liquidation le 17 novembre 1997 (liquidation clôturée le 20 novembre 1997) ;

I) Caractère des allocations faites à la requérante Considérant qu’en vertu du § 243 de la loi générale des impôts (AO), une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du requérant, la loi d’impôt étant d’ordre public (décision C 7640 du 09.09.1991) ;

Considérant qu’à la lumière de la mise en liquidation, en date du 17 novembre 1997, de la société anonyme B (dont l’exercice social a cadré avec l’année du calendrier), il importe de vérifier si aucune des distributions effectuées à la requérante les 27 décembre 1996 et 27 juin 1997 ne constitue une somme allouée à l’occasion du partage, visé à l’article 101 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR), de l’actif net investi de la société filiale, somme qui tomberait dès lors sous la coupe de l’article 97 (3) lit. d) de la même loi (LIR) et ne rangerait pas parmi les revenus provenant de capitaux mobiliers soumis à la retenue à la source y afférente ;

Considérant que si le moindre doute, quant au caractère de dividende au sens de l’article 97 (1) no 1 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR), ne subsiste pour la part dans la distribution de bénéfice de l’exercice 1995 de la société anonyme B, décidée par l’assemblée générale ordinaire des actionnaires tenue le 6 juin 1996 (2e résolution) et versée le 27 décembre 1996, la part de la requérante dans la distribution de bénéfice de l’exercice 1996, approuvée par l’assemblée générale ordinaire des actionnaires tenue le 5 juin 1997 (2e résolution) et versée le 27 juin 1997, donc presque cinq mois avant l’entrée en liquidation de la société filiale (cf. Roger Molitor, « Le régime fiscal des sociétés mère et filiales », chap. 3.2.6., Etudes fiscales nos 90/91/92, avril 1994), n’est pas non plus à requalifier en un produit du partage de l’actif net investi (article 101 LIR) ;

qu’en fait le versement du 27 juin 1997 n’a été conçu en aucun moment, de part et d’autre, comme un acompte sur produit de liquidation ;

Considérant que, pour ce qui est précisément dudit bénéfice distribué au titre de l’année 1996, l’article 169 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR), réglant la détermination et l’imposition du bénéfice de liquidation dans le chef de la collectivité dissoute, ne peut pas servir de base légale positive pour conférer à ladite allocation, après coup et manifestement au contraire de la réalité économique (cf. la 2e résolution de l’assemblée générale ordinaire C.L.M.M. du 5 juin 1997), la qualité de produit de liquidation, même si le versement y relatif s’est situé après la clôture du dernier exercice d’exploitation précédant la dissolution et la mise en liquidation de la société filiale ;

qu’en effet, la dernière phrase de l’article 169 (5) de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR) exclut du bénéfice (boni) de liquidation y visé le «bénéfice de l’exercice précédent qui a été distribué après la clôture de l’exercice » (cf. aussi Herbert Brönner, « Die Besteuerung der Gesellschaften », VI/153, 16. Auflage 1988, dans le contexte du § 11 KStG. : „ In das Abwicklungsendvermögen sind im Abwicklungszeitraum ausgeschüttete Wirtschaftsgüter (ausgenommen die Gewinnausschüttung für das dem Abwicklungszeitraum vorangegangene Wirtschaftsjahr) einzubeziehen (…)“;

Considérant que les dividendes alloués à la requérante en dates du 27 décembre 1996 et du 27 juin 1997 conservent par conséquent, nonobstant la mise en liquidation de la société filiale le 17 novembre 1997, le caractère fiscal de revenus provenant de capitaux au sens de l’article 97 (1) no 1 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR) ; qu’en tant que « revenus provenant d’actions », ils correspondent également au terme « dividendes » employé dans l’article 10 de la Convention entre le Luxembourg et la Belgique en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 17 décembre 1970 ;

II) Durée de détention de la participation dans la société filiale Considérant que l’obligation de procéder, lors de la mise à disposition des dividendes alloués à la requérante les 27 décembre 1996 et 27 juin 1997, aux retenues à la source contestées a résulté conjointement de l’article 10 § 2 de la convention fiscale belgo-

luxembourgeoise ainsi que des articles 146, 147 No 2a, 148 (2) et 149 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR), telles que ces dispositions ont été en vigueur à l’époque desdites attributions de dividendes ;

Considérant que le présent litige porte, en ordre principal, sur l’interprétation à donner à la condition de la durée minimale de détention d’une participation directe d’au moins 25%, condition à remplir pour bénéficier de l’exonération de la retenue à la source sur les dividendes distribués durant les années 1996 et 1997 par une société de capitaux résidente pleinement imposable à une société d’un autre Etat membre de l’Union Européenne et visée à l’article 2 de la directive 90/435/CEE du Conseil européen du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents ;

Considérant qu’eu égard à la primauté, en matière d’hierarchie de normes juridiques, du droit communautaire sur les conventions conclues entre les Etats membres de l’Union Européenne (cf. C.J.C.E 27 février 1962, C-10/61) et sur le droit interne, l’analyse de la condition susmentionnée de la durée minimale de détention d’une participation directe se fait d’abord par référence aux articles 3 et 5 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 ;

Considérant qu’en application de l’article 3 § 1, lit. a) de la directive 90/435/CEE, « la qualité de société mère est reconnue au moins à toute société d’un Etat membre qui remplit les conditions énoncées à l’article 2 et qui détient, dans le capital d’une société d’un autre Etat membre remplissant les mêmes conditions, une participation minimale de 25% » ;

qu’en vertu de l’article 3 § 2, 2e tiret de la directive 90/435/CEE, les Etats membres ont la faculté, par dérogation au § 2, « de ne pas appliquer la présente directive à celles de leurs sociétés qui ne conservent pas, pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, une participation donnant droit à la qualité de société mère, ni aux sociétés dans lesquelles une société d’un autre Etat membre ne conserve pas, pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, une telle participation » ;

que l’article 5 § 1 de la directive 90/435/CEE prévoit que « les bénéfices distribués par une société à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25% dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source » ;

Considérant que le contenu de la directive 90/435/CEE relatif à l’exemption de la retenue à la source en ce qui concerne les bénéfices distribués par une société filiale d’un Etat membre à sa société mère d’un autre Etat membre a été ancré dans l’article 147 No 2a de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR), dont le libellé en vigueur pour les années 1996 et 1997 stipulait : « La retenue d’impôt faisant l’objet de l’article 146 n’est pas à opérer : (…) 2a. lorsque les revenus visés à l’article 97, alinéa 1er, numéro 1, sont alloués par une société de capitaux résidente pleinement imposable à une société qui est un résident d’un Etat membre de l’Union Européenne et visée à l’article 2 de la directive du Conseil des CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents (90/435/CEE). IL faut dans ce cas que la société mère puise prouver qu’elle a détenu une participation directe d’au moins 25 pour cent durant une période ininterrompue de 2 ans au moins au moment de la distribution. L’exonération ne vaut toutefois que dans la mesure où les revenus proviennent de titres de participation qui ont été la propriété ininterrompue de la société bénéficiaire pendant ladite période de 2 ans » ;

Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes, saisie dans le cadre d’une procédure préjudicielle dans trois affaires jointes (Denkavit International BV, C-283/94 ; Vitic Amsterdam BV, C-291/94, Voormeer BV, C-292/94), a prononcé le 17 octobre 1996 un arrêt relatif à l’interprétation de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, cet arrêt disant pour droit qu’un Etat membre de l’Union Européenne ne peut pas subordonner la dispense de retenue à la source prévue par la directive CEE des sociétés mères et filiales à la condition qu’au moment de la distribution des bénéfices, la société mère ait détenu une participation minimale de 25% dans le capital de la filiale pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, précisant de la sorte que la condition de délai doit s’apprécier a posteriori et non pas au moment de l’allocation des dividendes ;

Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a retenu dans sa motivation (points 24 et 25) qu’il y a lieu de se référer au libellé même de l’article 3 § 2, 2e tiret de la directive 90/435/CEE, selon lequel les sociétés mères ne peuvent être privées de l’exemption de la retenue que lorsqu’elles »… ne conservent pas, pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, une telle participation », et qu’il ressort des termes de cette disposition, et notamment de l’emploi du présent (« conservent ») dans toutes les versions linguistiques sauf dans la version danoise, que la société mère doit, pour bénéficier de l’avantage fiscal, détenir une participation dans la filiale pendant une certaine période, sans qu’il soit nécessaire que cette période ait déjà pris fin au moment de l’octroi de l’avantage fiscal ;

que, de ce fait, la Cour de justice des Communautés européennes a clairement souligné que la société mère, pour être exonérée de la retenue à la source, doit détenir une participation minimale de 25% pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans ;

Considérant qu’il en résulte que l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 octobre 1996, appliqué à l’article 147 No 2a de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR), a confirmé le caractère impératif de la condition de la durée minimale de détention de la participation dans la société filiale, même si, selon l’enseignement du prédit arrêt, cette condition n’a plus besoin d’être remplie au moment de la mise à disposition des dividendes ;

Considérant que la participation directe de la requérante dans le capital social de la collectivité distributrice des dividendes, participation acquise le 3 mai 1996, a cessé d’exister au moment de la clôture de la liquidation, le 20 novembre 1997, de la société anonyme B (suite à la répartition de ses actifs) ; qu’il n’y a eu ni fusion de sociétés, ni toute autre opération susceptible de déclencher la prise en considération fiscale de la théorie de l’échange de biens équivalents ;

Considérant qu’il s’ensuit que faute d’avoir détenu sa participation directe dans le capital social de la société anonyme B pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, la requérante ne peut pas se prévaloir, en relation avec les dividendes alloués les 27 décembre 1997 et 27 juin 1997, de l’exemption de la retenue d’impôt à la source sur les revenus de capitaux ; que partant un droit dans son chef au remboursement des montants ainsi retenus ne peut pas être affirmé ;

III) Dates d’exécution des retenues d’impôt à la source contestées par la requérante Considérant que si en l’espèce l’obligation de verser au Trésor public l’impôt sur le revenu frappant les revenus de capitaux est indubitablement établie, la question se pose néanmoins, à la lumière de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 octobre 1996, à quelle(s) date(s) cette obligation était exécutable ;

Considérant que l’arrêt prévisé de la Cour de justice des Communautés européennes stipule dans son dispositif qu’« il appartient aux Etats membres d’établir les règles visant à faire respecter cette période minimale (= de détention de la participation dans la société filiale), conformément aux procédures prévues dans leur droit interne. En tout état de cause, ces Etats ne sont pas tenus, en vertu de la directive, d’accorder l’avantage (= l’exemption de la retenue à la source) de manière immédiate lorsque la société mère s’engage unilatéralement à respecter la période de participation minimale » ;

Considérant que le droit fiscal interne a été adapté en l’occurrence, avec effet à partir de l’année d’imposition 1998, par l’insertion au texte de l’article 149 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR) des dispositions suivantes : « (4) (…) Un règlement grand-ducal déterminera les conditions de garantie à observer lorsque, à la date de la mise à la disposition des revenus, la seule condition de la durée de détention ininterrompue (…) n’est pas remplie et que le bénéficiaire des revenus s’engage à détenir jusqu’à l’accomplissement de la durée de détention restante une participation d’au moins (…) dans le capital social du débiteur des revenus. – (4a) En l’absence d’un engagement par le bénéficiaire des revenus, le débiteur des revenus est tenu de déclarer et de verser l’impôt retenu à la source dans le délai de huit jours à partir de la date de la mise à la disposition des revenus. Le remboursement peut être demandé par le bénéficiaire des revenus dès qu’il prouve que la durée de détention est remplie et que pendant toute la durée de détention le taux de participation n’est pas descendu au-dessous du seuil de (…) » ;

Considérant qu’aux fins de statuer sur les deux requêtes en présence, il échet de se référer aux solutions de principe (abstraction faite de l’abaissement du taux de participation minimale et de la réduction de la durée minimale de détention) apportées par le législateur national à la suite de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 octobre 1996, même si ces solutions ne sont d’application qu’à partir de l’année d’imposition 1998 ;

Considérant que la requérante reste à défaut de fournir des preuves concrètes quant à l’existence, au moment de l’allocation des dividendes en question, d’un engagement prévu par l’article 149 LIR, tel qu’il a été complété avec effet à partir de l’année d’imposition 1998 ;

qu’un pareil engagement ne se présume pas ; que partant les retenues d’impôt à la source opérées à l’occasion de l’allocation des dividendes en dates du 27 décembre 1996 et du 27 juin 1997 l’ont été à bon droit ;

Considérant, à titre superfétatoire, que même la mise en place dès l’année 1996 d’un système d’exemption immédiate en contrepartie de la constitution de garanties dans l’hypothèse d’un engagement formel de détention de la participation, n’aurait dans le cas d’espèce que fait décaler dans le temps le versement de l’impôt sur les revenus de capitaux en question, au plus tard jusqu’à la date de la clôture de la liquidation de la société filiale (le 20 novembre 1997) ;

IV) Taux des retenues d’impôt à la source Considérant que, quant aux taux de retenue d’impôt sur les dividendes attribués les 27 décembre 1996 (15%) et 27 juin 1997 (10%), une juste application a été faite de l’article 10 § 2, lit. a) et b) de la convention du 17 septembre 1970 entre le Luxembourg et la Belgique en vue d’éviter les doubles impositions ;

V) Demande en réparation du dommage subi Considérant qu’en l’absence d’un tort causé à la requérante ou d’un droit à un remboursement dans son chef, l’annonce de se réserver « le droit de demander réparation du dommage subi » en matière d’intérêts de retard n’a pas besoin d’être analysée, le § 20 (3) de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) défendant d’ailleurs expressément l’allocation d’intérêts sur un trop-perçu éventuel ;

Considérant que les moyens invoqués par la requérante laissent d’être fondés ; que partant les retenues d’impôt à la source versées en dates du 3 janvier 1997 (56.023.602.-

Flux) et du 4 juillet 1997 (24.167.044.- Flux) sont à confirmer ».

A l’encontre de cette décision directoriale de rejet de ses deux demandes des 10 mars et 20 août 1997, la société A, ayant ultérieurement pris la dénomination …, ci-après désignée par « la société demanderesse », a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 24 janvier 2003.

Au vœu des dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé contre une décision du directeur statuant sur un acte d’un contribuable qu’il qualifie de réclamation portée devant lui contre un bulletin de retenue d’impôt sur revenus de capitaux.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Le délégué du Gouvernement soulève la question de l’irrecevabilité du recours en avançant plusieurs moyens à cet égard. Il fait d’abord valoir que, sur pied de la qualification des deux demandes des 10 mars et 20 août 1997 telle que retenue par le directeur à travers sa décision déférée du 25 octobre 2002, le bénéficiaire des dividendes versés sous déduction de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux serait sans qualité pour agir contre un bulletin d’impôt n’empruntant pas la forme écrite portant fixation de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux dont il ne serait pas le destinataire.

Le représentant étatique soutient dans un second ordre d’idées qu’en cas de qualification des demandes des 10 mars et 20 août 1997 comme demandes de remboursement de la retenue d’impôt perçue et non pas comme réclamation contre un bulletin d’impôt, le règlement ministériel du 3 août 1984 portant exécution de l’article 151 LIR, applicable à l’année d’imposition 1997, attribuerait au seul débiteur des revenus de capitaux la qualité pour solliciter le remboursement des retenues indûment versées. Il ajoute que si l’on maintenait, à côté de ce régime exorbitant de remboursement de retenues, le régime de droit commun des paragraphes 150 à 152 AO, la retenue indûment perçue serait remboursée au bénéficiaire des revenus, en tant que débiteur de l’impôt, sur simple requête vidée par le bureau d’imposition compétent, entraînant que le directeur ne pourrait statuer au fond sans décision préalable du bureau d’imposition à l’égard du demandeur en remboursement.

La société demanderesse fait répliquer que le règlement ministériel prévisé du 3 août 1984 se bornerait à indiquer dans son article 2 que l’impôt serait remboursé au débiteur des revenus de capitaux sur requête à adresser au directeur, mais ne préciserait pas que cette requête devrait être introduite par le débiteur des revenus de capitaux. Elle se prévaut également d’une jurisprudence du Conseil d’Etat retenant que le paragraphe 238 AO conférerait, outre à la personne ayant reçu notification d’un bulletin, également à la personne à laquelle il est destiné d’après son contenu, donc en l’espèce au débiteur de la retenue d’impôt, qualité pour agir contre ce même bulletin. La société demanderesse relève également que la décision directoriale aurait reconnu dans son chef la qualité pour agir contre le bulletin de retenue d’impôt sur revenus de capitaux en cause.

Aux termes du paragraphe 212 AO, « ist ein förmlicher Steuerbescheid nicht zu erteilen, so gilt als Steuerbescheid jede Willenskundgebung eines Finanzamts oder einer Hilfsstelle eines Finanzamts, mit der erstmalig ein bestimmter Betrag als Steuer von einer bestimmten Person sofort oder innerhalb einer bestimmten Frist beansprucht wird ».

Le fait par l’administration d’accepter le paiement d’un montant déterminé du chef de retenue d’impôt sur revenus de capitaux prélevée sur les revenus distribués et la déclaration afférente de la part du débiteur de revenus de capitaux doit être considéré comme constitutif d’un bulletin d’impôt non écrit pris à l’égard du débiteur des revenus de capitaux lui imposant l’obligation de prélever des revenus distribués le montant retenu et de verser ce dernier au Trésor (TIPKE-KRUSE : Reichsabgabenordnung, 1ère éd. 1961, ad § 212 A 2 ; Jean OLINGER : La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes Fiscales nos 81/82/83/84/85, n° 117, p. 73).

Il faut en conclure qu’en l’espèce la société B a été destinataire de deux bulletins de retenue d’impôt sur le revenus de capitaux, le premier étant relatif à retenue sur la distribution effectuée le 27 décembre 1996 par la société B - englobant le montant de 56.023.602 LUF du chef de la distribution de dividendes à la société demanderesse – et le second visant la retenue sur la distribution du 27 juin 1997 par la même société, incluant le montant de 24.167.044 LUF du chef de la distribution à la société demanderesse.

Cependant, au vœu du paragraphe 238 AO, « befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist. … ». Les termes « der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist » visent non seulement la personne à laquelle un bulletin est notifié, mais également celle à laquelle le bulletin est destiné d’après son contenu ou contre laquelle le bulletin est dirigé.

Concernant la retenue d’impôt sur revenus de capitaux, l’article 149 LIR impose dans ses alinéas (1) et (2) les obligations suivantes au débiteur et au bénéficiaire des revenus de capitaux :

« (1) La retenue d’impôt doit être opérée par le débiteur des revenus pour compte du bénéficiaire. Le débiteur des revenus est personnellement responsable de l’impôt qu’il a retenu ou qu’il aurait dû retenir.

(2) Le bénéficiaire des revenus est débiteur de l’impôt. Il ne peut toutefois être contraint au paiement de la retenue d’impôt que lorsque et pour autant que la retenue n’a pas été dûment opérée ou lorsqu’il sait que le débiteur n’a pas versé l’impôt retenu dans le délai prescrit et qu’il n’en informe pas immédiatement l’administration des Contributions ».

Dans la mesure où l’obligation d’opérer la retenue à la source sur revenus de capitaux incombe directement au débiteur desdits revenus et non pas à leur bénéficiaire, force est de conclure qu’un bulletin non écrit portant fixation d’une retenue à la source sur revenus de capitaux est destiné seulement au débiteur de ces revenus et non pas à son bénéficiaire, entraînant que celui-ci ne peut pas introduire une réclamation contre un tel bulletin d’impôt non écrit (cf. CE 8 octobre 1991, Fiduciaire Générale du Luxembourg, n° 7262). Le bénéficiaire des revenus de capitaux peut contester la retenue opérée en soumettant une demande de remboursement (cf. TIPKE-KRUSE : Reichsabgabenordnung, 1e éd. 1961, ad § 152 A 4 ; Jean Olinger : La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes Fiscales nos 81/82/83/84/85, n° 117, p. 73).

Il s’ensuit qu’en cas de qualification des demandes soumises par la société demanderesse les 10 mars et 20 août 1997 comme réclamations contre des bulletins non écrits de fixation des retenues d’impôt à prélever sur les distributions de dividendes ci-avant visées opérées par la société B, le directeur aurait été tenu de déclarer ces mêmes réclamations irrecevables.

Le tribunal est cependant amené à relever que les demandes des 10 mars et 20 août 1997 ont été introduites devant le directeur par la société B, sous la signature de deux de ses administrateurs, pour compte de la société demanderesse sur base d’une procuration lui conférée le 7 mars 1997. Le directeur a relevé lui-même à cet égard dans sa décision critiquée du 25 octobre 2002 que « les auteurs des deux requêtes n’étant pas des professionnels de la consultation et de la représentation en matière d’impôts, ils bénéficient de ce fait de la jurisprudence qui, sur le fondement du § 249 (1) de la loi générale des impôts (AO), tend à interpréter les requêtes des contribuables non assistés selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés (principe de l’effet utile) ».

Il ressort du libellé des deux demandes des 10 mars et 20 août 1997 qu’elles sont certes intitulées « réclamation sur base de l’arrêt Denkavit », mais qu’elles véhiculent la demande de « procéder au remboursement de l’excédent de retenue d’impôt », de manière qu’elles pourraient être qualifiées tant de réclamations contre les bulletins non écrits de fixation des retenues d’impôt sur les distributions de dividendes en cause que de demandes de remboursement des mêmes retenues. Etant donné néanmoins que ces demandes ont été adressées au bureau d’imposition et non pas au directeur et conformément au principe d’effet utile relevé par le directeur-même, un contribuable ne pouvant normalement pas être présumé avoir eu l’intention d’introduire une voie de recours irrecevable, le tribunal estime qu’elles doivent être qualifiées de demandes de restitution des retenues opérées.

Etant donné qu’il n’y a pas lieu de retenir la qualification des demandes susvisées de la société demanderesse sur laquelle le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué est fondé, celui-ci est à écarter et le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

Quant au fond, il y a lieu de déterminer les dispositions légales sur lesquelles la demande de restitution prévisée peut trouver appui.

L’article 151 LIR, en disposant entre autres qu’ « un arrêté ministériel fixera la forme de la déclaration à remettre par le débiteur des revenus soumis à la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux ainsi que les dispositions relatives au remboursement de l’impôt indûment retenu et versé » constitue une base légale spécifique pour le remboursement de retenues d’impôt sur les revenus de capitaux indûment opérées. Les conditions et modalités relatives au remboursement de la retenue sont déterminées par le règlement ministériel du 3 août 1984 portant exécution de l’article 151 LIR, lequel dispose plus particulièrement dans son article 2 que « l’impôt retenu versé indûment est remboursé au débiteur des revenus de capitaux sur requête à adresser au directeur de l’administration des Contributions ».

L’article 36 de la Constitution dispose cependant que « le Grand-duc fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution » et la Cour Constitutionnelle a déjà dit pour droit que « dans la mesure où une loi prévoit son exécution par voie de règlement ministériel, elle est contraire à l’article 36 de la Constitution » (Cour Const. 18 décembre 1998, n° 4/98, Mém. A 1999, p. 15). Le tribunal est amené à déduire de cette jurisprudence constitutionnelle ayant également eu pour objet une disposition légale ayant délégué son exécution directement à un règlement ministériel, qu’il n’y a pas lieu, conformément à l’article 6 al. 1er c) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, de soumettre une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle et de considérer que l’article 151 LIR est inconstitutionnel dans la mesure où, au-delà du principe du droit au remboursement de retenues d’impôt sur le revenus de capitaux indûment opérées et versées y consacré, il délègue la fixation des modalités spécifiques et la détermination de l’autorité compétente à un règlement ministériel.

Dans la mesure où seul le principe du droit au remboursement d’une retenue d’impôt sur revenus de capitaux indûment prélevée et versée au Trésor se trouve valablement arrêté dans l’article 151 LIR, il y a lieu, afin de permettre aux contribuables de faire utilement valoir leurs droits, de faire application du régime de droit commun en matière de remboursement prévu aux paragraphes 150 à 159 AO.

Le paragraphe 152 (2) 1. AO pose plus particulièrement qu’un impôt versé indûment est remboursé « wenn eine Steuer für Rechnung eines Steuerpflichtigen ohne Mitwirkung des Steuerpflichtigen oder seines Vertreters zu unrecht entrichtet worden ist ».

Pour nier l’applicabilité de cette disposition en l’espèce, le directeur affirme d’abord que « le tort présumé dans le chef du débiteur de l’impôt retenu à la source n’est aucunement évident ». Or, le paragraphe 150 AO soumet dans son alinéa (1) l’existence d’un droit à restitution de retenue d’impôt indûment prélevée à la condition préalable d’une demande de remboursement et impose dans son alinéa (2) au bureau d’imposition compétent l’obligation de conférer la forme d’un bulletin à son refus de reconnaître l’existence du droit à la restitution sollicitée. Il s’ensuit que l’existence du droit à restitution ne doit pas être établie à suffisance de droit au moment de la soumission de la demande de restitution par le contribuable, mais qu’il incombe au bureau d’imposition de statuer sur la réalité de ce même droit.

Le directeur a encore retenu que « les retenues sur les revenus de capitaux en question ont été opérées sous la responsabilité des mêmes personnages ayant constitué les organes exécutifs de la société filiale distributrice des dividendes et ayant été mandatés pour déposer, peu de temps par après, les deux recours au nom de la requérante, cette identité de personnes dans la représentation de collectivités en cause, à coup sûr donnée lors du versement du 4 juillet 1997 et pour le moins vraisemblable à l’occasion du versement du 3 janvier 1997, s’opposant à l’exigence de toute absence de participation du débiteur de l’impôt ou de son représentant à la procédure de la retenue à la source ».

Tout comme l’exécution du prélèvement de la retenue par le contribuable bénéficiaire des revenus lui-même pour compte du débiteur des revenus, la présence des mêmes personnes physiques dans les organes sociaux de la société B, débitrice des dividendes en cause, et de la société demanderesse, bénéficiaire des mêmes dividendes, ne constitue pas un obstacle à l’application du paragraphe 152 (2) 1. AO, étant donné qu’il n’est pas établi que lesdites personnes physiques aient opéré la retenue d’impôt sur revenus de capitaux en leur qualité de mandataires de la société demanderesse plutôt qu’en leur qualité de membres de l’organe exécutif de la société B.

Par voie de conséquence, les arguments avancés par le directeur ne permettent pas de conclure à la non-applicabilité du paragraphe 152 (2) 1. AO.

Dans la mesure où la compétence pour statuer sur le bien-fondé d’une demande de restitution d’une retenue d’impôt indûment prélevée et versée au Trésor revient, conformément aux dispositions combinées des paragraphes 228 et 235, 5. AO, au bureau d’imposition et que le directeur ne s’est vu conférer que la compétence pour statuer sur les réclamations contre les bulletins émis par le bureau d’imposition et portant refus du remboursement sollicité, force est au tribunal de retenir que le directeur n’est pas compétent pour connaître d’une demande de restitution de retenue à la source avant que le bureau d’imposition compétent n’ait statué.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est fondé et qu’il y a lieu, dans le cadre du recours en réformation introduit, d’annuler la décision déférée du directeur du 25 octobre 2002 pour raison d’incompétence et de renvoyer l’affaire devant le bureau d’imposition compétent en vue d’y statuer.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation introduit, annule la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 octobre 2002, portant les numéros du rôle C9443 et C9636, pour incompétence de son auteur et lui renvoie l’affaire en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent pour voir y statuer, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 juillet 2003 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15907
Date de la décision : 23/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-23;15907 ?

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