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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16632

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 16632


Numéro 16632 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16632 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2003 par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationa...

Numéro 16632 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16632 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2003 par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 31 mars 2003 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme étant manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Jacques SCHONCKERT et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juillet 2003.

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En date du 21 février 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du 12 mars 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par lettre du 31 mars 2003, lui notifiée par voie de lettre recommandée expédiée le 7 avril 2003, que sa demande d’asile avait été rejetée comme étant manifestement infondée au motif que les craintes par lui invoquées d’être persécuté au Kosovo en tant qu’Albanais seraient manifestement dénuées de fondement, de sorte que sa demande ne répondrait à aucun des critères de fond définis dans le cadre de l’article 1er A, 2 de la Convention de Genève.

Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 31 mars 2003 par courrier de son mandataire datant du 25 avril 2003.

Après avoir fait l’objet en date du 14 mai 2003 d’une audition complémentaire par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité, Monsieur … s’est vu adresser une décision confirmative du ministre de la Justice datant du 21 mai 2003 refusant de faire droit à son recours gracieux à défaut d’éléments pertinents nouveaux.

Par requête déposée en date du 26 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 31 mars 2003, telle que confirmée sur recours gracieux par le ministre en date du 21 mai 2003.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Dans une matière où seul un recours en annulation est prévu, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels le recours en annulation doit être introduit (cf. trib. adm. 26.5.1997, n° 9370 du rôle, Pas. adm.

2002, V° Recours en annulation, n° 27 et autres références y citées, p. 516).

Il s’ensuit que le recours est recevable dans la mesure ci-avant précisée pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il aurait vécu avec son père à Mitrovica-Sud, après avoir abandonné, sur conseil des forces de la KFOR, leur appartement à Mitrovica-Nord. Ensuite, il aurait vécu auprès de sa sœur en Macédoine et, après la mort accidentelle de son père, il se serait rendu au Luxembourg. Il reproche à la décision litigieuse de rester en défaut d’indiquer les raisons amenant le ministre à conclure que les craintes de persécution par lui invoquées seraient dénuées de fondement et lui reproche de ne pas avoir pris en considération les développements contenus dans son recours gracieux. Il relève à cet égard qu’au moment du décès de son père en date du 27 décembre 2002, il aurait essayé de réintégrer l’appartement de celui-ci à Mitrovica-Nord, mais qu’il aurait toujours été occupé par un ressortissant d’origine serbe. Dans la mesure où le Nord de la Ville de Mitrovica est toujours entre les mains des forces serbes et que pour y accéder il faut passer par un point de contrôle établi par la KFOR, il ne serait pas en mesure de réintégrer son domicile sous peine de risquer son intégrité physique, voire sa vie, ceci eu égard aux tensions toujours existantes sur place. Dans la mesure où les développements politiques actuels n’auraient pas évolué favorablement, il aurait dès lors été contraint de prendre la fuite.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la décision litigieuse serait justifiée et fait valoir qu’au-delà des motifs de refus retenus par le ministre, la décision litigieuse serait encore justifiée sur base de l’article 4 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996, étant donné que les faits invoqués par le demandeur se résumeraient à une partie de la seule ville de Mitrovica, donc à une zone géographique déterminée.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement (…) ».

Au vœu de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile, invoquant des persécutions qui sont limitées à une zone géographique déterminée, aurait pu trouver une protection efficace dans une autre partie de son propre pays, qui lui était accessible ».

En l’espèce, le demandeur fait essentiellement état de persécutions émanant de Serbes habitant le côté nord de la Ville de Mitrovica, de sorte que les moyens par lui formulés quant aux risques encourus en cas de retour se limitent à une zone géographique bien déterminée, sans que le demandeur ne se prévale d’un risque de persécution s’étendant sur le Kosovo globalement considéré, voire tout le territoire de la République Fédérale de Yougoslavie.

A partir des éléments ainsi dégagés, il y a lieu de conclure que la situation du demandeur est en principe susceptible de s’inscrire dans le cas d’ouverture de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996.

Cette même disposition subordonne néanmoins le rejet d’une demande d’asile comme étant manifestement infondée en raison d’une possibilité de fuite interne au double constat qu’il existe un endroit sur le territoire du même Etat d’origine qui est raisonnablement accessible au demandeur d’asile et que celui-ci pourrait y séjourner tout en bénéficiant d’une protection efficace.

Etant donné que dans le cadre d’un recours en annulation, la mission du juge administratif implique l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et la vérification si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée, le tribunal est amené à vérifier en l’espèce s’il y a lieu d’admettre à partir des éléments du dossier lui soumis que le demandeur disposait effectivement d’un accès raisonnable à une autre partie du territoire yougoslave au moment de la prise de la décision déférée et qu’il y pouvait y bénéficier d’une protection efficace.

Il ressort des déclarations du demandeur lors de son audition en date du 12 mars 2003 qu’avant de venir au Luxembourg il a passé beaucoup de temps auprès de sa sœur en Macédoine et qu’avant 1998 il a habité dans un village près de Mitrovica peuplé majoritairement par des Albanais, de sorte que force est de constater que les éléments d’information fournis en cause dénotent à suffisance l’existence effective d’une possibilité de fuite interne dans le chef du demandeur.

Il s’ensuit que la décision litigieuse est justifiée sur le fondement de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués, ainsi que les moyens afférents présentés en cause.

Le recours sous analyse est partant à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour statuer en tant que juge du fond ;

reçoit le recours dans la limite des moyens de légalité présentés ;

au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juillet 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOME, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16632
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;16632 ?

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