La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16112

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 16112


Tribunal administratif N° 16112 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par les époux … - … et consorts, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16112 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2003 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon

sieur …, né le… , et de son épouse, Madame …, née le … , agissant pour eux-mêmes ainsi ...

Tribunal administratif N° 16112 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par les époux … - … et consorts, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16112 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2003 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , et de son épouse, Madame …, née le … , agissant pour eux-mêmes ainsi qu’en nom et pour compte de leurs trois enfants mineurs, … , … , et … , tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-… , tendant à l’annulation d’une décision prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 29 juillet 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 2003 au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Sandra VION, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juillet 2003.

Par demande déposée le 13 juillet 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l'Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, les époux …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, … et …, sollicitèrent l'obtention d'une autorisation de séjour dans le cadre de la campagne dite de « Régularisation du 15.3 au 13.7.2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ».

La famille …-… s’est vue adresser une décision par courrier datant du 29 juillet 2002 signée par le ministre de la Justice d’une part et le ministre du Travail et de l’Emploi d’autre part, par laquelle l’autorisation de séjour leur a été refusée aux motifs que :

« selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Par ailleurs, votre dossier tel qu’il a été remis au service commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour provisoire ».

Par un courrier de leur mandataire daté du 12 septembre 2002, la famille …-… a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Le recours gracieux n’ayant pas fait l’objet d’une nouvelle décision de la part des ministres, la famille …-… a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision du 29 juillet 2002 par requête déposée le 11 mars 2003.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs estiment que les critères de régularisation auraient été incorrectement appliqués. En effet, il ressortirait des pièces versées en cause et plus particulièrement du certificat médical du docteur Becker du 12 décembre 2001 que l’enfant … a dû subir plusieurs interventions chirurgicales, alors qu’il souffre d’une cryptorchidie (absence de testicules dans les bourses par suite d’un arrêt dans le trajet abdominal). Ils font valoir que le critère de régularisation énoncé sub. D de la brochure relative à la procédure de régularisation ayant trait aux personnes atteintes d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne leur permettant pas de retourner endéans un an dans le pays d’origine, nécessiterait un examen médical, lequel n’aurait pas été effectué en l’espèce, de sorte que la décision ministérielle litigieuse serait à annuler pour violation de la loi respectivement pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Le délégué du Gouvernement, se référant d’abord à la situation des demandeurs par rapport aux dispositions de la loi du 28 mars 1972 citée ci-avant, fait valoir qu’il ne se dégagerait pas des éléments du dossier que Monsieur … disposerait de moyens personnels propres suffisants au moment où la décision attaquée fut prise.

Quant à la situation des demandeurs par rapport aux critères de régularisation fixés par le Gouvernement, il expose qu’il ressortirait du dossier administratif que l’enfant … a dû faire l’objet de plusieurs opérations chirurgicales à cause d’une position anormale d’un testicule. Or ces opérations chirurgicales ayant eu lieu et au vu de l’avis du médecin du contrôle médical de la sécurité sociale lequel aurait également conclut que l’enfant … ne présenterait pas de pathologie qui rendrait un retour dans son pays d’origine impossible, il serait dès lors constant que les demandeurs ne rempliraient pas les conditions de la catégorie D de la brochure de régularisation. Il ajoute que les demandeurs avaient coché la catégorie A de la brochure.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs font valoir que la décision de refus manquerait de motivation alors qu’on ignorerait au regard de quelle catégorie la demande aurait été rejetée, soit A, soit D. En plus, ils contestent que l’enfant … aurait subi toutes les interventions chirurgicales pour remédier à ses problèmes de santé et soulignent encore une fois que l’avis du médecin du contrôle médical de la sécurité sociale donné sans que l’enfant ne soit examiné, ni même entendu, mais basé uniquement sur le certificat médical du docteur Becker serait nécessairement insuffisant pour conclure à un examen de la demande au regard de la catégorie D. Ils font valoir que si un tel examen avait eu lieu, le médecin aurait immédiatement constaté que l’enfant devait encore subir une intervention chirurgicale en raison d’une pathologie qui ne permettrait pas un retour immédiat dans son pays d’origine, de sorte qu’ils rempliraient bien les conditions de la catégorie D.

Il est constant en cause que la demande de la famille …-… a été analysée tant au regard des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, qu’au regard des critères de régularisation tels que fixés dans la brochure afférente.

1) L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que les demandeurs étaient, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonnaient à une activité indépendante, et qu’ils pouvaient partant disposer de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

A défaut par les demandeurs d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

2) Au-delà de ces considérations tenant à l’application directe de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, il ressort des éléments en cause que les demandeurs ont soumis leur demande en obtention d’une autorisation de séjour sur pied de la brochure de régularisation et qu’ils se sont prévalus de la catégorie A de cette brochure, visant « la personne, âgée de 18 ans au moins, qui réside et travaille de façon ininterrompue au Grand-

Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 et qui est affiliée depuis cette date à la sécurité sociale luxembourgeoise, sous condition d’avoir un emploi stable et de toucher, soit un salaire égal au salaire social minimum pour travailleur non qualifié âgé de 18 ans (52.047.- LUF), soit un salaire égal au RMG auquel elle peut prétendre compte tenu de sa situation familiale ».

En l’espèce, s’il est vrai que les demandeurs résident au Luxembourg depuis le 18 janvier 1999, ils n’établissent pas que l’un d’eux a travaillé au Luxembourg de manière ininterrompue depuis le 1er janvier 2000 et était affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise de ce chef. En effet, ils ne se prévalent que d’une autorisation d’occupation temporaire de Monsieur … en qualité de peintre auprès de la société … s. à r.l., laquelle a expiré le 30 avril 2000.

Il est dès lors établi que les demandeurs ne répondent en tout état de cause pas aux conditions fixées par la catégorie A de la brochure de régularisation.

3) Malgré le fait que les demandeurs n’ont pas coché la catégorie D intitulée « je réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et je suis atteint(e) d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne me permettant pas de retourner, endéans un an, dans mon pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel je suis autorisé(e) à séjourner », il se dégage des pièces versées au dossier que leur demande en obtention d’une autorisation de séjour a également été analysée en prenant en considération les conditions fixées pour cette catégorie.

Il se dégage d’un certificat médical du docteur Guy Becker du 29 août 2000 versé par les demandeurs à l’appui de leur dossier de régularisation que l’enfant … … a fait l’objet de deux opérations au testicule gauche, l’une ayant eu lieu en mai 1999 et la deuxième en juillet 2000. Le certificat a la teneur suivante :

« Bei dem Patienten war im Mai 1999 der operative Eingriff wegen eines Bauchhodens rechts durchgeführt worden.

Es fand sich bei dem operativen Eingriff eine massive Nebenhoden-Hodendissoziation.

Es gelang damals nur den Hoden bis zum äusseren Leistenring zu legen da solche Bauchhoden erwiesenermassen einen sehr kurzen Gefässstiel haben und fast keine Kremasterfasern besitzen.

Es war jetzt in der zweiten Sitzung im Juli 2000 versucht worden den Hoden vom äusseren Leistenring bis in das Skrotum zu mobilisieren wobei dies nur bis zum oberen Skrotalfach gelang.

Eine weiter Mobilisation des Hodens in das Skrotum gelang nicht da der Gefässstiel einfach zu kurz ist.

Erwiesenermassen besitzen solche Bauchhoden oft keine Funktion im Sinne einer Spermatozytenproduktion sondern lediglich eine Funktion der Leidigzellen das heisst eine Funktion im Sinne der Testosteronesynthese.

Bei dem Patienten müssen ausserdem regelmässige Kontrollen dieses Hodens mittels Sonographie bzw. durch klinische Untersuchung erfolgen da solche Bauchhoden ein erhöhtes Entartungsrisiko in Richtung Hodenkrebs besitzen » .

D’un deuxième certificat du docteur Guy Becker du 12 décembre 2001, il résulte que :

« … est également porteur d’un varicocèle du testicule à gauche qui nécessite un traitement chirurgical pour assurer la fonction reproductive du testicule gauche. Cette intervention au niveau du testicule gauche doit encore être effectuée ».

Il se dégage des deux certificats ainsi versés que les opérations chirurgicales à cause de la position anormale du testicule gauche sont terminées et que la seule opération restant à faire est celle ayant trait au varicocèle du testicule gauche. Le traitement chirurgical relatif au varicocèle du testicule gauche aurait dû avoir lieu en septembre 2002, intervention qui n’a cependant pas pu avoir lieu « pour des raisons financières », selon les affirmations afférentes des demandeurs.

L’avis médical du médecin directeur adjoint du contrôle médical de la sécurité sociale ne portant pas de date, mais pouvant être situé pour avoir été établi en juillet 2002, a la teneur suivante : « le certificat du docteur Becker ne fait pas état d’une maladie touchant l’enfant … d’une gravité telle que le retour au pays d’origine soit impossible ».

Au vu des pièces ainsi déposées, le tribunal retient que les demandeurs n’ont, en l’espèce, pas rapporté la preuve que l’enfant … est atteint d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne lui permettant pas de retourner dans son pays d’origine. A cette conclusion l’affirmation des demandeurs suivant laquelle l’enfant … aurait dû être examiné ou entendu n’enlève rien, étant donné que l’exigence d’un examen médical n’est prévue par aucune disposition légale ou réglementaire, de sorte que le contrôle médical a pu en l’espèce fonder son avis sur le seul certificat d’un autre confrère spécialiste, étant donné que la seule appréciation à faire est celle ayant trait au caractère d’une gravité exceptionnelle d’une maladie empêchant le retour au pays d’origine, la maladie ayant été clairement définie à savoir le varicocèle du testicule gauche.

Dans la mesure où les demandeurs n’ont pas non plus prouvé qu’ils répondent aux conditions fixées par la catégorie D de la brochure de régularisation, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée également sur base de ce motif.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juillet 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

Schmit Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16112
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;16112 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award