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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16001

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 16001


Tribunal administratif Numéro 16001 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 février 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16001 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 février 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse, Mad

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Tribunal administratif Numéro 16001 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 février 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16001 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 février 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse, Madame …, née le… , agissant tant en leur nom personnel, qu’en celui de leurs enfants mineurs …, … et …, tous de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 21 novembre 2002, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative dudit ministre du 13 janvier 2003 intervenue suite à un recours gracieux par eux introduit en date du 9 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juillet 2003.

Le 9 septembre 2002, les époux … et …, agissant tant en leur nom personnel, qu’en celui de leurs enfants mineurs …, … et … …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 25 octobre 2002, ils furent entendus en outre séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 21 novembre 2002, leur notifiée le 10 décembre 2002, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été refusée au motif que la situation actuelle en Bosnie-Herzégovine serait telle que les Serbes ne sauraient plus à l’heure actuelle être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et que, même à supposer les persécutions par eux alléguées établies, il ne résulterait pas de leur dossier qu’il leur aurait été impossible de s’établir dans une autre partie de leur pays et de profiter d’une possibilité de fuite interne.

Le recours gracieux introduit par courrier de leur mandataire datant du 9 janvier 2003 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 13 janvier 2003, les époux …-… ont fait introduire un recours contentieux à l’encontre des décisions ministérielles prévisées des 21 novembre 2002 et 13 janvier 2003 par requête déposée en date du 17 février 2003.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles critiquées.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir que leur départ depuis leur pays d’origine aurait été motivé notamment par le fait que l’ensemble de leur famille aurait fait l’objet de menaces par les autorités serbes dans différents domaines et ce uniquement en raison de leur appartenance à une minorité ethnique, qu’ils auraient résidé dans la ville de Srebrenik, laquelle, suite à la signature des accords de Dayton en 1995, serait passée sous l’administration de la République Srpska et que partant le retour dans leur pays d’origine demeurerait en l’état actuel quasiment impossible. Les demandeurs font état à cet égard d’un viol dont Madame … aurait été victime en 2002, ainsi que de menaces directes émanant de voisins serbes pour illustrer que la minorité des Bosniaques ne serait pas tolérée sur le territoire en question. Ils signalent en outre avoir demandé à travers leur recours gracieux un complément d’instruction afin de clarifier la situation des Bosniaques en République Srpska, ainsi que d’évaluer le risque de persécution dans leur chef en cas de retour dans leur pays d’origine.

Les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir fait droit à cette demande et de n’avoir, par voie de conséquence, pas motivé à suffisance de droit sa décision.

Le représentant étatique estime que la décision ministérielle serait légalement justifiée.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux …-… lors de leur audition respective, telles que celles-ci ont été relatées dans les compte-rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est de constater qu’un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, en l’espèce de la population serbe en République Srpska, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

En l’espèce, les demandeurs font état de leur crainte de voir commettre des actes de violence à leur encontre, mais les éléments du dossier ne permettent pas de retenir que les autorités en place en République Srpska soient effectivement incapables de leur assurer un niveau de protection suffisant ou encouragerait des actes de persécutions commis à leur encontre.

Le récit des demandeurs traduit au contraire essentiellement un sentiment général d’insécurité non constitutif en tant que tel d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juillet 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16001
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;16001 ?

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