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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15967

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 15967


N° 15967 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 février 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15967 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 février 2003 par Maître James J

UNKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

N° 15967 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 février 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15967 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 février 2003 par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ouvrier, né le … à Coimbra (Portugal), demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 11 novembre 2002 portant rejet de la demande en octroi de l’autorisation d’établissement pour « l’exercice des métiers d’installateur de chauffage, de ventilation et de climatisation, ainsi que d’installateur sanitaire » ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Alexandre DILLMANN, en remplacement de Maître James JUNKER, en ses plaidoiries.

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Suivant décision du 6 mai 2002, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après dénommé « le ministre », refusa de faire droit à la demande en obtention de l’autorisation d’établissement pour l’exercice des métiers d’installateur de chauffage, de ventilation et de climatisation, ainsi que d’installateur sanitaire présentée par Monsieur … au motif que ce dernier n’aurait pas encore accompli dans le métier en question le nombre d’années d’activités requis par l’article 3, lit, a) et c) de la directive 64/427/CEE du 7 juillet 1964 (industrie et artisanat).

Suivant courrier du 5 juin 2002, Monsieur … introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux contre ladite décision du 6 mai 2002.

Par courrier du 18 octobre 2002, à l’adresse du ministre, le mandataire de Monsieur … compléta le dossier par la production d’un certain nombre de documents attestant que son mandant remplirait la condition posée par l’article 3. c) de la directive 64/427/CEE, de sorte qu’il pourrait être fait droit à sa demande.

En date du 11 novembre 2002, le ministre confirma sa décision négative antérieure aux motifs suivants :

« Maître, Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entretemps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Il en résulte que Monsieur … ne remplit pas la condition légale de qualification professionnelle requise pour l’exercice des métiers d’installateur de chauffage, de ventilation et de climatisation ainsi que d’installateur sanitaire, nos 403-00 et 404-00 de la liste artisanale prévue au règlement grand-ducal du 19 février 1990.

En effet, le sieur précité n’a pas encore accompli pour ces métiers le nombre d’années d’activité exigé à l’article 4, 1), lit. a) et c) de la directive 1999/42/CE du 7 juin 1999 (reconnaissance des formations professionnelles), dont copie en annexe.

Le stage effectué dans le pays d’accueil ne peut, par définition, pas être pris en compte au titre de la reconnaissance professionnelle des directives qui concernent l’activité professionnelle effectuée dans le pays de provenance (…) ».

Par requête déposée le 11 février 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision précitée du 11 novembre 2002.

Il convient de relever que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoique valablement informé par une notification par la voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance du demandeur, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse.

Nonobstant ce fait, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Ceci étant, il convient encore de rappeler que, bien que le demandeur ne se trouve pas confronté à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal, outre de vérifier s’il est compétent pour connaître du recours et si ce dernier est recevable, doit examiner les mérites du ou des différents moyens soulevées, cet examen comportant entre autres, le cas échéant, un contrôle de l’applicabilité de la disposition légale invoquée par le ministre aux données factuelles apparentes de l’espèce, c’est-à-dire qu’il doit qualifier la situation de fait telle qu’elle apparaît à travers les informations qui lui ont été soumises par rapport à la règle légale applicable.

L’article 2 (6) de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, tel que modifié par la loi du 4 novembre 1997 portant modification des articles 2, 12, 22 et 26 de ladite loi du 28 décembre 1988, prévoyant expressément que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en matière d’autorisation d’établissement, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que, contrairement à l’affirmation du ministre, il remplirait la condition légale des qualifications professionnelles requises exigée par l’article 4-1 c) de la directive 1999/42/CE du 7 juin 1999 instituant un mécanisme de reconnaissance des diplômes pour les activités professionnelles couvertes par les directives de libéralisation et portant mesures transitoires, et complétant le système général de reconnaissance des diplômes, ci-après dénommée « la directive », transposée en droit luxembourgeois par le règlement grand-ducal du 3 mai 2002, article 4 aux termes duquel :

« Lorsque, dans un Etat membre, l’accès à l’une des activités énumérées à l’annexe A, ou son exercice, est subordonné au fait de posséder des connaissances et aptitudes générales, commerciales ou professionnelles, cet Etat membre reconnaît comme preuve suffisante de ces connaissances et aptitudes l’exercice préalable de l’activité considérée dans un autre Etat membre. Cet exercice doit avoir été effectué, lorsque l’activité est mentionnée à l’annexe A, première partie:

1) dans le cas d’activités figurant sur la liste I:

a) soit pendant six années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant d’entreprise ;

b) soit pendant trois années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant d’entreprise, lorsque le bénéficiaire prouve qu’il a reçu, pour l’activité en question, une formation préalable d’au moins trois ans sanctionnée par un certificat reconnu par l’Etat ou jugée pleinement valable par un organisme professionnel compétent ;

c) soit pendant trois années consécutives à titre indépendant lorsque le bénéficiaire prouve qu’il a exercé à titre salarié l’activité professionnelle en cause pendant cinq ans au moins ;

d) soit pendant cinq années consécutives dans des fonctions dirigeantes, dont un minimum de trois ans dans des fonctions techniques impliquant la responsabilité d’au moins un secteur de l’entreprise, lorsque le bénéficiaire prouve qu’il a reçu, pour l’activité en question, une formation préalable d’au moins trois ans sanctionnée par un certificat reconnu par l’Etat ou jugée comme pleinement valable par un organisme professionnel compétent.

Dans les cas visés aux points a) et c), cette activité ne doit pas avoir pris fin depuis plus de 10 ans à la date du dépôt de la demande prévue à l’article 8 ».

Le demandeur estime remplir ces conditions au vu des pièces produites, desquelles il ressort qu’il a travaillé dans l’activité concernée en tant qu’indépendant au Portugal pendant 4 ans et 7 mois (mai 1989 à décembre 1993) et en tant que salarié pendant 9 ans et 4 mois, dont 3 ans et 9 mois au Portugal (juillet 1985 à mars 1989) et 5 ans et 7 mois au Luxembourg (janvier 1994 à juillet 1999), mais que la décision critiquée ne prendrait pas en considération, à tort, l’expérience professionnelle de 5 ans et 7 mois acquise au Luxembourg, interprétation qui serait contraire, d’une part, à l’article 43 du traité instituant la communauté européenne qui consacre le principe de la liberté d’établissement des ressortissants communautaires, d’autre part, aux considérants 1 et 2 de la directive rappelant l’interdiction de tout traitement discriminatoire et l’indication de faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement et de la libre prestation de service et, de troisième part, au but poursuivi par la réglementation luxembourgeoise sur les connaissances professionnelles, dont la finalité est de garantir un niveau de connaissances professionnelles suffisant dans le chef des entrepreneurs. Comme le critère pertinent ne serait pas celui du lieu d’acquisition des connaissances, mais la durée de pratique de l’activité professionnelle en cause, la décision entreprise serait à annuler.

Il appartient au tribunal de vérifier si les hypothèses prévues à l’article 4 de la directive sont données en l’espèce et si l’activité salariée exercée au Luxembourg est à prendre en considération en vue de la reconnaissance des qualifications professionnelles de Monsieur ….

Il ressort des pièces versées au dossier que Monsieur … n’a pas exercé son activité d’installateur au Portugal à titre indépendant ou en tant que dirigeant pendant 6 années consécutives et il n’affirme pas non plus avoir reçu de formation préalable d’au moins 3 ans sanctionnée par un certificat reconnu.

Pour le surplus, le demandeur n’a pas non plus exercé des fonctions dirigeantes dans l’activité considérée pendant 5 années consécutives au Portugal, mais uniquement pendant 4 ans et 7 mois, sans cependant avoir exercé ladite activité à titre salarié au Portugal pendant 5 ans, ladite activité salariée se limitant à une période de 3 ans et 9 mois.

S’il est certes exact que postérieurement à sa venue au Luxembourg, le demandeur a été engagé dans l’activité considérée par une société luxembourgeoise en tant que salarié et a exercé ladite activité pendant 5 ans et 7 mois, le tribunal ne saurait prendre en considération, sur base de la directive, une activité exercée dans le pays d’accueil, étant donné que ladite directive a uniquement pour but de reconnaître des qualifications professionnelles sur base d’une expérience professionnelle préalable acquise dans un autre Etat membre et de faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement d’une personne en provenance dudit Etat membre, et non pas de régler la situation d’une personne qui ne remplissait pas les conditions de reconnaissance des qualifications professionnelles au moment de sa venue dans le pays d’accueil, l’expérience professionnelle acquise au Luxembourg étant à considérer exclusivement au regard de la législation nationale, non invoquée en l’espèce.

Le tribunal ne saurait non plus voir dans l’interprétation donnée par le ministre quant à la situation de Monsieur … une atteinte au principe de la liberté d’établissement respectivement un traitement discriminatoire, étant donné que le demandeur ne démontre pas en quoi il aurait été porté atteinte de façon indue à sa liberté d’établissement, ni en quoi il aurait été discriminé par rapport à un citoyen luxembourgeois désirant obtenir une autorisation d’établissement pour le même métier.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 16 juillet 2003 par le vice-président en présence de M.

Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15967
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;15967 ?

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