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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15941

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 15941


Numéro 15941 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 février 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Les époux … et … …-…, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15941 du rôle, déposée le 4 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour

, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , et de ...

Numéro 15941 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 février 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Les époux … et … …-…, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15941 du rôle, déposée le 4 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , et de son épouse, Madame …, née le …, accompagnés de leurs enfants mineurs …, …., … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 juillet 2002 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision implicite de rejet de leur recours gracieux du 4 octobre 2002;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2003.

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Le 25 juin 2002, Monsieur … et son épouse, Madame …, préqualifiés, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux …-… furent entendus séparément en date du 8 juillet 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux …-… par décision du 25 juillet 2002, leur notifiée par courrier recommandé du 4 septembre 2002, de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Le recours gracieux formé par les époux …-… à travers un courrier de leur mandataire du 4 octobre 2002 étant resté sans réponse de la part du ministre de la Justice, ils ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle expresse du 25 juillet 2002 et implicite de rejet de leur recours gracieux par requête déposée le 4 février 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que leur départ du Monténégro aurait été motivé par leur crainte de représailles de la part des forces de police monténégrines qui auraient suspecté Monsieur … d’espionnage au profit de l’armée après avoir travaillé en leur sein et qui les auraient harcelé par des soi-disants contrôles réguliers dans leur demeure à n’importe quel moment de la journée. Au vu de l’antagonisme existant entre les forces de police monténégrines et l’armée fédérale, les demandeurs estiment que leur crainte de persécution ne constituerait pas un simple sentiment général d’insécurité, mais une véritable crainte de persécution à caractère politique et qu’il leur serait impossible, afin d’obtenir une protection adéquate, de s’adresser à la police qui serait précisément à l’origine de leurs craintes. Les demandeurs reprochent ainsi au ministre une appréciation erronée des faits et de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait des éléments par eux soumis.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, v° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2.

de la Convention de Genève.

En effet, si les faits concrètement invoqués par les demandeurs, à savoir le harcèlement à travers des contrôles réguliers de la part de la police monténégrine, émanent certes de personnes qui sont susceptibles d’être qualifiées d’agents de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’ils relèvent d’une pratique condamnable, ils ne sont pas d’une gravité suffisante pour rendre la vie intolérable aux demandeurs dans leur pays d’origine, vu qu’il ressort des déclarations des demandeurs que les policiers se sont limités à contrôler leur présence sans les maltraiter et que les soupçons d’espionnage à l’encontre de Monsieur … sont entre autres fondés sur la proximité de leur habitation avec une caserne de l’armée. Il y a en outre lieu de relever que s’il est vrai que les demandeurs ont été forcés par la commune de quitter leur habitation, ce départ involontaire est fondé sur le fait que cette habitation se trouvait érigée sur un terrain appartenant à la commune qui en avait besoin pour son propre usage.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juillet 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15941
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;15941 ?

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