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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15930

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 15930


Tribunal administratif N° 15930 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 janvier 2003 Audience publique du 16 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur et Madame … et consorts, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l'Emploi en matière d'autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15930 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2003 par Maître Vin

cent LINARI-PIERRON, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif N° 15930 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 janvier 2003 Audience publique du 16 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur et Madame … et consorts, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l'Emploi en matière d'autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15930 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2003 par Maître Vincent LINARI-PIERRON, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à Alger (Algérie) et de son épouse, Madame … …, née le … à Alger, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous les quatre de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 30 décembre 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour et les invitant à quitter le territoire dans un délai d’un mois ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 4 février 2003 déclarant la demande en sursis à exécution de la décision ministérielle du 30 décembre 2002 sans objet ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2003 en nom et pour compte des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2003 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître David YURTMAN, en remplacement de Maître Vincent LINARI-PIERRON, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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2 En date du 16 juillet 2001, Monsieur … …, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de son épouse, Madame … … et de leurs enfants mineurs …, introduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, dénommé ci-après le « service commun », en précisant être arrivé au Luxembourg le 9 avril 1999 et en déclarant appartenir à la « catégorie E », telle que décrite dans la brochure intitulée « Régularisation du 15 mai au 30 juillet 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », éditée par le service commun, dénommée ci-après la « brochure », en ce qu’il résiderait au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et qu’il serait le père d’un enfant vivant au Grand-Duché de Luxembourg et qui serait en possession d’une carte d’identité d’étranger.

Suivant courrier du 15 octobre 2002, le mandataire de Monsieur … communiqua un certain nombre de documents au service commun, et plus particulièrement deux fiches de salaire pour les mois de mai et juin 2002, deux contrats de travail à durée déterminée et diverses attestations testimoniales, afin de démontrer que la famille … se serait totalement intégrée au Luxembourg.

Par lettre du 30 décembre 2002, remise en mains propres le 8 janvier 2003, le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi informèrent les consorts … de ce qui suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 16 juillet 2001 auprès du Service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie E que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et je suis le père ou la mère d’un enfant qui vit au Grand-Duché de Luxembourg et qui est en possession d’une carte d’identité d’étranger ».

3 Vous êtes invité à quitter le Luxembourg, ensemble avec les membres de votre famille sous rubrique, endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 janvier 2003, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 décembre 2002. Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir qu’ils seraient arrivés sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg au courant de l’année 1999, que Monsieur … aurait travaillé régulièrement depuis son entrée sur le territoire luxembourgeois et que dans le cadre de la campagne de régularisation, il aurait introduit une demande en obtention d’une autorisation de séjour en date du 16 juillet 2001, demande enregistrée sous le numéro 1335, déclarant appartenir à la catégorie E des personnes susceptibles d’être régularisées. Les époux … signalent cependant qu’ils se seraient trompés de catégorie et qu’ils auraient par la suite déposé un nouveau formulaire de régularisation, enregistré sous le numéro 1504, déclarant appartenir à la catégorie B en ce que Monsieur … résiderait et travaillerait de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 tout en n’étant pas affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise et qu’il toucherait un salaire égal au salaire social minimum revenant à un travailleur non qualifié. Les demandeurs estiment partant remplir les conditions de la loi, sinon de la brochure, en ce qu’ils seraient à même de subvenir à leurs besoins et que de nombreuses attestations testimoniales démontreraient que Monsieur … aurait travaillé de façon ininterrompue au Luxembourg depuis le 1er janvier 2000, malgré le fait que son employeur ne lui aurait pas délivré un contrat de travail en bonne et due forme respectivement des fiches de salaire pour la totalité de la période en cause. Finalement, les demandeurs estiment encore que la décision attaquée constituerait en tout état de cause une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce qu’il y aurait perturbation de leur vie familiale, étant donné qu’ils se seraient parfaitement intégrés à la société luxembourgeoise et qu’une mesure d’éloignement du territoire luxembourgeois serait totalement disproportionnée, menaçant leur vie familiale « dans son existence même ».

Le délégué du gouvernement soutient en premier lieu que les époux … ne rempliraient pas les conditions de régularisation prévues par la catégorie E de la brochure en ce qu’ils n’auraient pas d’enfant vivant au Grand-Duché de Luxembourg en possession d’une carte d’identité d’étranger. Pour le surplus, il ressortirait du dossier que Monsieur … n’aurait pas travaillé de façon ininterrompue au cours de l’année 2000 et que les contrats de travail versés documenteraient tout au plus une occupation pour les périodes du 20 mars au 20 septembre 2002 respectivement du 10 août au 10 septembre 2002 auprès du même employeur.

Finalement, le représentant étatique estime que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne se trouverait pas violé, étant donné qu’il serait de jurisprudence constante que le droit au respect de la vie privée et familiale ne conférerait pas le droit de choisir l’implantation géographique de cette vie familiale et il n’y aurait ingérence que si les intéressés ne pourraient pas mener une vie familiale dans un autre pays, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

4 Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, 2. Autorisations de séjour – Expulsions, n° 121 et autres références y citées, p.149).

Le ministre dispose d'un pouvoir d’appréciation dans chaque espèce pour déterminer si la condition de disposer de moyens personnels suffisants est remplie et si elle justifie l'octroi ou le refus de l'entrée et du séjour au Grand-Duché de Luxembourg, étant entendu que ses décisions sont susceptibles d’être soumises au juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation (Cour adm. 12 novembre 2002, Muhovic, n° 15102C, non encore publié).

En outre, la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l'intéressé d'assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante; il faut encore que les revenus soient légalement perçus (trib. adm. 15 avril 1998, n° 10376 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125). Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu'il n'est pas en possession d'un permis de travail et qu'il n'est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125 et autres références y citées).

En l’espèce, eu égard aux considérations ci-avant faites, la production par Monsieur … des contrats de travail signés en dates des 20 mars 2002 et 10 août 2002 auprès de Monsieur J.

R. ne sont pas de nature à établir l’existence de moyens personnels suffisants dans son chef, étant donné qu’il reste en défaut d’établir l’existence d’un permis de travail y relatif, légalement requis en application de l’article 26 de la loi précitée du 28 mars 1972 qui dispose qu’aucun étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail. En effet, le défaut de permis de travail fait obstacle à l’exécution légale et régulière du contrat de travail invoqué à l’appui de la demande en obtention d’une autorisation de séjour, de sorte que la rémunération perçue à travers cette relation de travail ne saurait être considérée, au jour de la prise de la décision déférée, comme ayant été légalement acquise par Monsieur ….

A défaut par les consorts … d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

Au-delà de ces considérations tenant à l’application directe de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, il ressort des éléments en cause que les demandeurs ont encore soumis leur demande en obtention d’une autorisation de séjour sur pied de la brochure en estimant que Monsieur … remplirait les critères de la catégorie B de cette brochure, visant les personnes travaillant de façon ininterrompue au Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins, étant donné qu’il est manifeste qu’ils n’ont pas pu bénéficier d’une régularisation par rapport au point E de la brochure et qu’ils ont versé à l’appui de leur demande une multitude de pièces en vue d’obtenir une régularisation par le travail. Cette vision des choses se trouve d’ailleurs confirmé par une note interne du service commun du 3 octobre 2002, versée au dossier, de laquelle il ressort que la demande des consorts … a été examinée à la fois au regard des critères de régularisation tels qu’inscrits aux points E, C et B de la brochure.

5 Abstraction faite de la question de savoir si les critères contenus dans la brochure peuvent déroger à la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, comme le soutiennent implicitement mais nécessairement les demandeurs, et celle de la légalité et de l’applicabilité desdits critères, il y a lieu de relever que le demandeur a soumis en guise de preuve de son travail ininterrompu au pays depuis le 1er janvier 2000 diverses attestations testimoniales et deux contrats de travail à durée déterminée signés auprès de son employeur Monsieur J. R..

Or, il ressort desdits contrats de travail, en partie contradictoires concernant les diverses périodes d’occupation, une durée d’occupation effective allant du 20 mars au 20 septembre 2002. S’il est encore exact qu’il ressort d’un certain nombre d’attestations testimoniales que Monsieur … aurait travaillé auprès de Monsieur J. R. pendant la totalité de l’année 2000 et au-

delà, il ressort cependant également d’un certain nombre d’attestations testimoniales qu’il se serait adonné pendant ladite période à des travaux de sanitaire, de carrelage et de peinture auprès d’autres personnes. Finalement, Monsieur J. R., dans deux attestations testimoniales, ne reconnaît lui-même que des périodes d’occupation effectives allant du 1er août au 30 août 2000 respectivement du 1er décembre au 30 décembre 2000, sans qu’il ne fournisse la moindre explication en relation avec les périodes d’occupation indiquées aux contrats de travail précités, de sorte qu’il échet de retenir que les consorts … n’ont pas rapporté la preuve d’une occupation ininterrompue à partir du 1er janvier 2000 au moins. Il s’ensuit que la demande ne saurait en tout état de cause être accueillie sur base du cas de figure posé par la catégorie B de la brochure.

Quant au moyen des demandeurs tiré du non-respect de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, force est de constater qu’ils restent entièrement en défaut d’étayer concrètement le caractère disproportionné de l’atteinte à leur situation familiale à travers le refus de l’autorisation de séjour véhiculé par la décision litigieuse du 30 décembre 2002, étant précisé, comme l’a relevé à juste titre le délégué du gouvernement que ledit article 8 ne comporte pas le droit de choisir l’implantation géographique de cette vie familiale (cf.

trib. adm. 24 février 1997, n° 9500 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 136). Il s’ensuit que le moyen tiré du non respect de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme doit également être écarté.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président 6 M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 16 juillet 2003 par le vice-président en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15930
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;15930 ?

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