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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15914

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 15914


Tribunal administratif N° 15914 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 janvier 2003 Audience publique du 16 juillet 2003

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Recours formé par Mme … et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme CEGEDEL S.A.

en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15914 du rôle, déposée le 27 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Claudie PISANA, avocat Ã

  la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, demeurant à L-…, Mme …, ,...

Tribunal administratif N° 15914 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 janvier 2003 Audience publique du 16 juillet 2003

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Recours formé par Mme … et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme CEGEDEL S.A.

en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15914 du rôle, déposée le 27 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, demeurant à L-…, Mme …, , demeurant à L-…, M. …, demeurant à L-… et Mme Margot …, épouse Roger BALTHASAR, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 6 décembre 2002 (arrêté n° 1/02/0305) autorisant la société anonyme CEGEDEL S.A., établie et ayant son siège social à L-1445 Strassen, 2, rue Thomas Edison « à installer et exploiter sur le territoire des communes de Steinsel, Lorentzweiler et … des lignes aériennes haute tension 65 kV et à … un poste de transformation 65/20 kV, au lieu-dit « Bei Gratzenkraïz », nos cadastraux : 458/6097, 460/4280, 1462/4283. » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 29 janvier 2003, par lequel cette requête a été signifiée à la société anonyme CEGEDEL S.A., préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour la société CEGEDEL S.A., laquelle constitution d’avocat a été déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2003 au nom des demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 25 avril 2003 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte de la société CEGEDEL S.A., lequel mémoire a été signifié au mandataire constitué des demandeurs par exploit de l’huissier de Justice Carlos CALVO, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 28 avril 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision litigieuse ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Claudie PISANA et Serge Marx, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 16 juillet 2002, la société CEGEDEL S .A. sollicita auprès du ministre de l’Environnement l’autorisation « d’installer et d’exploiter sur le territoire des communes de Steinsel, Lorentzweiler et … des lignes aériennes haute tension 65 kV et à … un poste de transformation 65/20 kV, au lieu-dit « Bei Gratzenkraïz », Nos cadastraux : 458/6097, 460/4280, 1462/4283 ».

Le 6 décembre 2002, le ministre de l’Environnement délivra l’autorisation requise dans le cadre de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, cette autorisation étant assortie d’un certain nombre de conditions générales et particulières, y plus amplement spécifiées.

Par requête, inscrite sous le numéro 15914 du rôle, déposée le 27 janvier 2003, Mmes … et …, M. … et Mme …, déclarant agir en leur « qualité d’héritiers de feu … et propriétaires indivis des parcelles sises section B de …, lieu-dit « … », … et … » ci-après dénommés ensemble les « consorts … », ont introduit un recours contentieux tendant à la réformation de l’autorisation ministérielle préindiquée du 6 décembre 2002.

QUANT A LA RECEVABILITE Le délégué du gouvernement conteste l’intérêt à agir des demandeurs. Dans ce contexte, il soutient que les consorts … n’auraient pas établi leur qualité de propriétaires d’une parcelle affectée par l’établissement critiqué et que même si leur qualité de voisins directs serait documentée, il n’en resterait pas moins qu’ils ne prouveraient pas en quoi l’établissement leur causerait un préjudice nettement individualisé tiré de la violation des intérêts protégés par la législation sur les établissements classés.

La société CEGEDEL S.A. conteste à son tour l’intérêt à agir des consorts … en ce que leurs terrains seraient situés en zone rurale, de sorte à être destinés exclusivement à une activité agricole, mais qu’aucun des demandeurs n’exploiterait lesdits terrains, lesquels seraient loués à un fermier qui les labourerait, que seules les parcelles 2515/1210 et 2516/5450 seraient concernées, car seules surplombées de la nouvelle ligne 2 x 65 kV et que la situation des demandeurs ne serait pas aggravée.

L'intérêt à agir conditionne la recevabilité d'un recours administratif. Il doit être personnel et direct, né et actuel, effectif et légitime.

Il importe encore de rappeler que, d’une part, tout demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, d’autre part, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’un demandeur puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère individuel conférant ou reconnaissant des droits à un tiers, il ne suffit pas qu’il fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre la décision querellée et sa situation personnelle et, de troisième part, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable.

En l’espèce, les demandeurs entendent justifier leur intérêt à agir en justice en soutenant qu’ils sont co-propriétaires de terrains surplombés par la nouvelle ligne électrique haute tension, qui s’ajouterait à une ligne déjà existante, de sorte à aggraver la situation existante. Additionnellement, même si leurs parcelles ne seraient à l’heure actuelle pas construisibles, elles seraient « susceptibles de servir pour le bétail, et que personne n’envisage d’exposer un bétail à l’alimentation à une telle proximité ».

En matière d’établissements dangereux ou incommodes, la jurisprudence administrative retient que les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d'établissements dangereux et de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (v. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 42 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que le fait que les consorts … sont co-propriétaires indivis – ce qui ressort à suffisance de droit des pièces produites en cause - de différentes parcelles directement concernées par un établissement classé, dont deux seront directement surplombées par la nouvelle ligne électrique aérienne haute tension projetée constitue un élément suffisant pour générer à lui seul un intérêt à agir personnel et direct suffisamment caractérisé. L’intérêt à agir se trouve partant être justifié à suffisance de droit dans le chef des consorts … et le moyen d’irrecevabilité afférent est à écarter.

Le recours est par ailleurs recevable au regard des exigences de forme et quant au délai pour agir en justice.

QUANT AU FOND A l’appui de leur recours, les demandeurs critiquent la décision en ce qu’elle accorde « l’autorisation d’installer une ligne aérienne haute tension 65 kV à deux ternes HEISDORF_STEINSEL d’une longueur totale de 7.315 mètres » au motif que la société CEGEDEL S.A. n’aurait pas exposé pour quel motif l’ancienne ligne devrait être remplacée et déplacée, leurs moyens et arguments consistant en substance à soutenir que le nouveau tracé ne serait pas opportun et que la ligne aurait pu suivre un autre tracé, étant relevé que dans le cadre de leur réclamation, ils auraient proposé des tracés alternatifs, voire une pose sous terre de la ligne, propositions qui n’auraient, à tort, pas été prises en considération par la société CEGDEL S.A. ou l’autorité de contrôle.

Sur ce, ils reprochent au ministre de l’Environnement d’avoir fait une mauvaise appréciation de la situation de fait et ils demandent au tribunal de dire que le « tracé de la nouvelle ligne 65 kV à deux ternes HEISDORF-STEINSEL… reprendra le tracé de la ligne 65 kV existant entre les mêmes localités et qu’il est prévu de déposer » sinon de faire procéder à « une expertise des solutions envisageables les plus adaptées tant aux nécessités relatives à l’approvisionnement en électricité qu’à la protection de l’environnement et aux droits des administrés, qui ne doivent subir aucune discrimination ».

C’est à bon droit que les parties défenderesse et tierce-intéressée concluent au rejet de ce moyen pour manquer de fondement.

En effet, il importe de relever de prime abord que les demandeurs se méprennent sur la mission du juge administratif, même siégeant dans le cadre d’un recours en réformation, étant donné que si la mission du juge, appelé à connaître du fond du litige, consiste à examiner, dans la mesure des moyens soulevés, le bien fondé d’une décision, ceci sous le double aspect de sa légalité, ainsi que de celui de son « opportunité », avec le pouvoir même d’y substituer sa propre décision, il n’en reste cependant pas moins que le juge ne saurait dépasser son rôle de juge et étendre son contrôle de l’opportunité de manière à empiéter sur le terrain des choix de politique générale ou des choix économiques.

Or, c’est précisément pareil dépassement que les demandeurs requièrent en l’occurrence en demandant au tribunal de modifier le tracé et de déterminer un tracé plus « opportun », étant donné que ce faisant, ils ne critiquent point la décision litigieuse par rapport à la législation spécifique applicable, mais, sans apporter le moindre élément de preuve en quoi le déplacement de la ligne existante et le tracé actuel leur est préjudiciable, c’est-à-dire en quoi il y aurait eu une violation des intérêts protégés par la législation relative aux établissements classés, voire en quoi la décision litigieuse ne contiendraient pas des conditions d’exploitation suffisamment spécifiques et opérationnelles pour garantir les buts protecteurs de la loi précitée du 10 juin 1999 par rapport à l’établissement classé projeté, ils demandent au tribunal de se substituer non seulement à l’autorité de contrôle, mais encore à la société désireuse d’installer et d’exploiter l’établissement concerné et de refaire le choix économique.

Ainsi, en l’absence de production du moindre fait, présomption ou indice relatifs à l’illégalité de la décision entreprise, qui justifieraient ne serait-ce que la prescription d’une mesure d’instruction supplémentaire, il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que les consorts … doivent en être déboutés.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties , reçoit le recours en réformation en la forme , au fond, le déclare cependant non justifié, partant en déboute , condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 16 juillet 2003, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15914
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;15914 ?

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