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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15863

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 15863


Numéro 15863 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15863 du rôle, déposée le 13 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de national...

Numéro 15863 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15863 du rôle, déposée le 13 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité sierra léonienne, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 20 septembre 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 13 décembre 2002 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 mai 2003.

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Le 9 juillet 2001, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 6 décembre 2001 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile, une audition complémentaire ayant eu lieu le 20 août 2002.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 20 septembre 2002, notifiée en date du 3 octobre suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 25 octobre 2002 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 13 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 20 septembre 2002 et confirmative du 13 décembre 2002 par requête déposée le 13 janvier 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il proviendrait d’un pays en proie à la guerre civile au moment de son départ, qu’il aurait appris à l’âge de 16 ans par les forces de maintien de la paix de l’ONU que toute sa famille avait été assassinée probablement par les rebelles du RUF (Revolutionary United Front) et qu’il ne devrait sa survie qu’à sa prise en charge par les forces onusiennes qui l’auraient hébergé dans leur caserne à Freetown durant six mois avant son départ vers le Luxembourg. Il fait valoir que la perte de toute sa famille aurait constitué pour lui un véritable traumatisme et qu’il devrait craindre, en cas de retour en Sierra Léone, de subir le même sort que sa famille, de manière à conclure à la réformation des décisions ministérielles déférées.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions en dates des 6 décembre 2001 et 2 août 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans les compte-rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le demandeur fait état de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre par les rebelles du RUF et estime que la crainte afférente pourrait être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique au vu de la situation instable et non sécurisée dans son pays d’origine.

Force est dès lors de constater que le demandeur se prévaut d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains groupements de la population, il y a lieu de relever qu’une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-

qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, sans nier le caractère tragique de la disparition des membres de la famille du demandeur, force est néanmoins de constater que ce dernier a simplement affirmé que cette disparition serait la conséquence d’agissements des rebelles du RUF sans étayer cette assertion par un quelconque élément concret.

En outre, force est de constater que la situation globale au Sierra Leone a largement évolué depuis l’époque du départ du demandeur, étant donné que la fin de la guerre civile a été proclamée officiellement en janvier 2002, que le pays se trouve sous la protection des forces de maintien de la paix de l’UNAMSIL (United Nations Assistance Mission in Sierra Leone), qu’un gouvernement civil rétablit progressivement la sécurité et désarme les forces rebelles et qu’un grand nombre de réfugiés est retourné au pays. Le demandeur reste dès lors en défaut d’établir que les autorités publiques actuellement en place seraient dans l’incapacité de lui assurer une protection adéquate.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juillet 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15863
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;15863 ?

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