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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15848

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 15848


Numéro 15848 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15848 du rôle, déposée le 9 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le… , (Kosovo), demeurant à L...

Numéro 15848 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2003 Audience publique du 16 juillet 2003 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15848 du rôle, déposée le 9 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le… , (Kosovo), demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 13 décembre 2002 confirmant sa décision antérieure du 11 juillet 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra VION, en remplacement de Maître Sarah TRUK, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mai 2003.

Le 1er août 2002, Madame …, préqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame … fut entendue en date du 12 août 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame … par décision du 1er octobre 2002, lui adressée par courrier recommandé du 5 novembre 2002, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’elle n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 2 décembre 2002 ayant été rencontré par une décision confirmative du même ministre du 13 décembre 2002, Madame … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle confirmative du 13 décembre 2002 par requête déposée le 9 janvier 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse reproche au ministre d’avoir fait une appréciation erronée de sa situation personnelle et de la situation générale dans son pays d’origine. Quant à cette dernière, la demanderesse expose que même après les dernières élections, l’insécurité régnerait toujours au Kosovo. Concernant sa situation personnelle, la demanderesse affirme qu’elle aurait pris la fuite en raison du danger pour la vie de son mari et la sienne après que des personnes inconnues auraient tiré sur son mari au mois de mars 2002 et qu’elle-même aurait fait l’objet de menaces téléphoniques. Elle ajoute qu’elle aurait porté plainte auprès de la KFOR dont la protection n’aurait pourtant été que sporadique et elle affirme que la circonstance que les auteurs n’auraient pu être identifiés ne pourrait être retenue comme défaut de preuve d’un lien avec l’un des motifs prévus par la Convention de Genève. Elle soutient que, dans la mesure où elle serait retournée volontairement au Kosovo après avoir vécu de 1989 à 2000 en Allemagne, sa fuite du Kosovo serait fondée nécessairement sur des raisons graves et valables.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition en date du 12 août 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est en effet de constater que la demanderesse se prévaut d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains groupements de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-

s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, tandis que la demanderesse a affirmé dans sa requête introductive un défaut de protection efficace et d’identification des auteurs des actes commis à l’encontre de la demanderesse et de son mari, elle a déclaré lors de son audition que l’instruction de la police de l’UNMIK sur l’attentat contre son mari était toujours en cours au moment de son départ du Kosovo. Il s’ensuit que l’allégation de la demanderesse d’un défaut caractérisé de protection à son égard se trouve contredite par ses propres déclarations lors de son audition.

Concernant les faits avancés par la demanderesse en relation avec son époux, il y a lieu de relever que le tribunal a confirmé, par jugement du 19 mai 2003 (n° 15765 du rôle), la décision du ministre de la Justice du 18 novembre 2002 rejetant la demande de l’époux de la demanderesse en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, retenant ainsi que les éléments de ce dernier ne sont pas suffisants pour fonder à l’heure actuelle une crainte justifiée de persécution.

Il résulte des développements qui précèdent que la demanderesse reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juillet 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15848
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;15848 ?

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