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16/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15721

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2003, 15721


Tribunal administratif N° 15721 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2002 Audience publique du 16 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame … et consorts contre deux décisions conjointes prises par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15721 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12

décembre 2002 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à...

Tribunal administratif N° 15721 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2002 Audience publique du 16 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame … et consorts contre deux décisions conjointes prises par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15721 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2002 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse, Madame …, née le …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par les ministres du Travail et de l’Emploi et de la Justice en date du 29 mai 2002, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour leur fut refusée, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux par les mêmes ministres en date du 7 novembre 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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A la suite d’une demande afférente présentée en date du 16 juillet 2001 par Monsieur … et son épouse, Madame …, tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi prirent le 29 mai 2002 une décision conjointe, portant refus de leur accorder une autorisation de séjour, au motif qu’ils ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis leur permettant de supporter leurs frais de séjour au Luxembourg, «indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à [leur] faire parvenir » et que « [leur] dossier tel qu’il a été soumis au Service Commun [des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse] ne permet pas au Gouvernement de [leur] accorder la faveur d’une autorisation de séjour ».

Le mandataire de la famille … introduisit par courrier du 9 octobre 2002 un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 29 mai 2002, en soutenant que conformément à l’article 4, alinéa 3, sub. 2 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays, Monsieur … aurait la possibilité d’acquérir de manière légale des moyens d’existence personnels et qu’il aurait déjà reçu de nombreuses offres d’emploi.

Par décision du 7 novembre 2002, les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi informèrent le mandataire de la famille … qu’après avoir procédé au réexamen de leur dossier, et à défaut d’éléments pertinents nouveaux, ils ne sauraient réserver une suite favorable à leur demande.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2002, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 29 mai et 7 novembre 2002.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent aux ministres de ne pas avoir correctement appliqué l’article 4, alinéa 3, sub. 2 du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972, qui prévoirait la délivrance d’une autorisation de séjour à partir du moment où un demandeur aurait la possibilité d’acquérir des moyens d’existence, en soutenant que Monsieur … aurait la possibilité d’aller travailler afin de subvenir aux besoins de sa famille, de sorte qu’il devrait pouvoir bénéficier de l’application de la disposition réglementaire précitée.

Ils reprochent encore aux ministres d’avoir décidé qu’ils ne rempliraient pas les conditions telles que fixées en vue d’obtenir la régularisation de leur séjour au pays.

Le délégué du gouvernement soutient qu’abstraction faite que le gouvernement luxembourgeois a mis en place une procédure administrative particulière en vue de la régularisation de certains étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg, seule la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère serait applicable en matière d’entrée et de séjour au pays et qu’elle s’appliquerait également à toute personne sollicitant la régularisation de son séjour irrégulier par l’obtention d’un titre de séjour. En application de l’article 2 de la loi précitée de 1972, ce serait à bon droit que les ministres compétents auraient refusé la délivrance d’une autorisation de séjour à la famille … au motif que ceux-ci ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels suffisants pour supporter les frais liés à leur séjour au pays. Dans ce contexte, il relève que Monsieur … ne serait pas titulaire d’un permis de travail l’autorisant à occuper un emploi salarié au pays.

En ce qui concerne les critères fixés par le gouvernement en vue de la régularisation des étrangers se trouvant en situation irrégulière au pays, le représentant étatique conclut qu’au vu des éléments du dossier administratif, les demandeurs ne rempliraient aucune des conditions de régularisation telles que figurant dans la brochure afférente.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, auquel renvoie l’article 5 de la même loi, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, V° Etrangers 2. Autorisations de séjour – Expulsions, n° 121 et autres références y citées, p.205).

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que les demandeurs disposaient de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis au moment où les décisions attaquées furent prises.

Plus particulièrement, Monsieur … a tort de se référer à l’article 4, alinéa 3, sub. 2 du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972, en affirmant que la simple possibilité d’obtenir un emploi salarié au Luxembourg suffirait pour établir la possession de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, étant donné qu’à défaut d’être en possession d’un permis de travail, un étranger ne justifie pas de la possibilité légale de toucher à l’avenir de pareils moyens d’existence personnels, la délivrance d’un permis de travail étant fonction notamment de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Luxembourg que des travailleurs déjà occupés au pays (cf. trib. adm. 14 octobre 1998, n° 10572 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Travail, n° 20 et autres références y citées).

En l’espèce, il ne ressort ni des pièces et éléments du dossier, ni des renseignements fournis par les demandeurs que notamment Monsieur … ou un quelconque autre membre de sa famille ne soit en possession d’un permis de travail l’autorisant à prendre un emploi au Grand-

Duché de Luxembourg, de sorte qu’ils ne satisfont pas à la condition telle que prévue à l’article 4, alinéa 3, sub.2 dudit règlement grand-ducal du 28 mars 1972.

Au-delà des considérations tenant à l’application directe de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, les demandeurs entendent tirer argument du fait qu’à travers la brochure intitulée « Régularisation du 15.3 au 13.7. 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », éditée par le service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, dénommé ci-après le « service commun », le gouvernement aurait fixé des critères particuliers en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour.

En l’espèce, il échet de relever que suivant la demande déposée auprès du service commun datée du 16 juillet 2001, les demandeurs ont déclaré remplir les critères tels que figurant sous la catégorie E suivant lesquels ils ou l’un quelconque des membres de la famille …, résideraient au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et qu’ils ou l’un d’eux seraient le père ou la mère d’un enfant qui vit au Grand-Duché de Luxembourg et qui est en possession d’une carte d’identité d’étranger.

Abstraction faite de la question de savoir si les critères contenus dans ladite brochure peuvent déroger à la loi précitée du 28 mars 1972, comme le soutiennent les demandeurs, force est de retenir que les demandeurs n’ont avancé aucun élément concret documentant qu’ils rempliraient le cas échéant les conditions édictées par ladite brochure pour bénéficier de la régularisation, et notamment celles prévues par la catégorie E. En effet, comme l’a remarqué à juste titre le délégué du gouvernement, les demandeurs n’établissent pas remplir les critères de l’une quelconque des 7 catégories énoncées dans ladite brochure pour pouvoir être régularisé, c’est-à-dire pour obtenir le cas échéant une autorisation de séjour ou un permis de travail dans leur chef. Plus particulièrement, ils n’ont établi en aucune manière dans quelle mesure l’un quelconque des membres de leur famille serait le père ou la mère d’un enfant qui vit au Luxembourg et qui est en possession d’une carte d’identité d’étranger.

Force est dès lors de constater qu’il se dégage des éléments de fait qui précèdent, que les demandeurs ne remplissent pas les critères énoncés dans la brochure de « régularisation », de sorte que le ministre de la Justice, seul compétent en la matière, pouvait à juste titre refuser l’octroi d’une autorisation de séjour.

Il suit des considérations qui précèdent que les décisions ministérielles sont légalement justifiées et que les demandeurs sont à débouter de leur recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 16 juillet 2003, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15721
Date de la décision : 16/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-16;15721 ?

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