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14/07/2003 | LUXEMBOURG | N°s15631,15808

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2003, s15631,15808


Tribunal administratif N°s 15631 et 15808 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits en dates respectivement des 20 novembre et 27 décembre 2002 Audience publique du 14 juillet 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre 1) une décision du ministre de l’Environnement et 2) une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A.

en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

I.

Vu la

requête inscrite sous le numéro 15631 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novem...

Tribunal administratif N°s 15631 et 15808 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits en dates respectivement des 20 novembre et 27 décembre 2002 Audience publique du 14 juillet 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre 1) une décision du ministre de l’Environnement et 2) une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A.

en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15631 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2002 par Maître Karine SCHMITT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de Madame …, demeurant tous les deux à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 3 octobre 2002 conférant à la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A., l’autorisation de démolir, de construire et d’exploiter une station de distribution d’essence et de gazoil avec magasin (shop) à L-8140 Bridel, 58, route de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 27 novembre 2002, portant signification de ce recours à la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 12 février 2003 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A. ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée en date du 11 février 2003 au mandataire des consorts … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2003 par Maître Karine SCHMIT au nom de Monsieur … et de Madame … ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique intervenue par voie de télécopie adressée en date du 28 février 2003 au mandataire de la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2003 par le délégué du Gouvernement ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15808 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2002 par Maître Karine SCHMITT, au nom de Monsieur … et de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 5 novembre 2002 autorisant la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A. à démolir et à reconstruire la station service Q8 sise à Bridel, 58, rue de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 9 janvier 2003 portant signification de ce recours à la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 12 février 2003 par Maître Jacques WOLTER au nom de la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A. ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue par voie de télécopie adressée en date du 11 février 2003 au mandataire des consorts … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2003 par Maître Karine SCHMITT au nom de Monsieur … et de Madame … ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique par voie de télécopie adressée en date du 28 février 2003 au mandataire de la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A. ;

I. et II.

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Karine SCHMITT et Jacques WOLTER de même que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KOSNBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mai 2003.

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Suivant arrêté du 3 octobre 2002 référencé sous le numéro 1/02/0150, le ministre de l’Environnement a accordé à la société anonyme KUWAIT PETROLEUM (Luxembourg) S.A., ci-après désignée par « la société Q8 », l’autorisation de démolir, de construire et d’exploiter une station de distribution d’essence et de gazoil avec magasin (shop), située à L-

8140 Bridel, 58, route de Luxembourg sous les conditions y plus amplement spécifiées.

Une autorisation tendant aux mêmes fins fut accordée à la société Q8 par arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 5 novembre 2002 référencé sous le numéro 1/2002/0150/71068/115.

Par requêtes déposées respectivement en dates des 20 novembre et 27 décembre 2002, Monsieur … et Madame …, ci-après appelés « les consorts … », en leur qualité de propriétaires des parcelles cadastrées sur les numéros 72/1140 et 118/1280 situées en face de celle devant recevoir la construction litigieuse, ont fait introduire deux recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des deux arrêtés ministériels prévisés des 3 octobre et 5 novembre 2002.

Les deux recours ainsi introduits concernant un seul et même établissement et les décisions ministérielles déférées étant intervenues, chacune dans la sphère de compétence respective du ministre concerné, sur base de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, il y a lieu de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

La partie tierce intéressée au litige opposant les consorts … à l’Etat, en l’occurrence la société Q8 en sa qualité de destinataire des arrêtés ministériels litigieux, dûment mise en intervention, a soulevé dans ses mémoires en réponse respectifs le moyen d’irrecevabilité basé sur l’absence d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs en faisant valoir que la nouvelle autorisation apporterait de très nombreuses améliorations aussi bien pour les voisins directs que pour la situation de l’environnement en général. Elle souligne à cet égard que la disparition du car-wash entraînerait une diminution importante des bruits et des pollutions au gaz d’échappement, ainsi qu’une amélioration de la fluidité de la circulation sur le site et aux abords des accès, que par ailleurs une installation de récupération des gaz plus moderne et plus performante que celle actuellement exploitée entraînerait une forte diminution des vapeurs émises dans le voisinage et que la nouvelle disposition des constructions et des accès permettrait une circulation plus fluide et partant une réduction des bruits, ainsi que des nuisances causées par les gaz d’échappement, en même temps qu’une amélioration de la sécurité de la circulation aux abords de la station. Elle fait valoir en outre que le remplacement complet des installations techniques avec un agencement plus rationnel augmenterait la sécurité contre des accidents, de même que l’installation de réservoirs plus grands entraînerait une fréquence d’approvisionnement plus réduite. Elle estime par ailleurs que les demandeurs, en ce qu’ils ne vivent pas à proximité du site, mais seulement à 200 mètres, dernière une forêt et en bas d’une colline par rapport à l’exploitation, resteraient en défaut d’établir une quelconque incidence spéciale et certaine sur leur situation spécifique , de manière à ne pas justifier d’un intérêt à agir en l’espèce, étant donné que l’ensemble des problèmes par eux invoqués relèverait de l’intérêt général et non de leur intérêt personnel.

Dans leur mémoire en réplique les parties demanderesses contestent que la nouvelle construction apporterait une amélioration par rapport à la situation actuelle. Ils signalent à cet égard que la surface du shop sera augmentée de 32 à 150 m2 et que le projet de construction comporte une colonne de distribution supplémentaire, de manière à attirer plus de clients et de rendre par là-même la circulation plus dense et le site plus encombré qu’à l’heure actuelle.

Quant aux nuisances engendrées par les bruits et les gaz, les parties demanderesses font valoir que l’augmentation des ventes, aussi bien d’essence que de produits auxiliaires offerts dans le shop, escomptée à travers le projet litigieux, serait de nature à attirer plus de clients et d’engendrer par voie de conséquence plus de circulation et plus de nuisances. Ils en déduisent que même si des réservoirs plus grands entraîneront une fréquence d’approvisionnement plus réduite par rapport à une clientèle identique, tel ne serait pas le cas en l’espèce en raison de l’augmentation de la fréquentation de la nouvelle station de distribution qui ferait en sorte que les taux d’approvisionnement seraient non pas réduits, mais augmentés davantage. Quant à l’argument basé sur la suppression du car-wash, les parties demanderesses concluent à son caractère non pertinent, au motif que cette installation ne serait plus en service depuis au moins deux ans déjà.

Tout en admettant que l’immeuble litigieux ne change pas d’affectation à travers l’autorisation litigieuse, les parties demanderesses estiment encore que les transformations envisagées engendreront un accroissement de la circulation et du stationnement de véhicules, notamment dans la rue de Schoenfels, suffisamment important pour justifier l’intérêt pour agir dans leur chef, ceci d’autant plus que leurs parcelles se trouvent directement en face de la station de distribution. Elles font état en outre de la situation des déchets engendrés par l’exploitation litigieuse en faisant valoir qu’actuellement ils devraient régulièrement procéder à des nettoyages de leur terrain en raison d’emballages vides, papiers et autres déchets qui y seraient jetés par les usagers de la station litigieuse, de sorte que l’augmentation de capacité de vente du shop risquerait d’entraîner une aggravation de cette situation. Ils signalent enfin que la transformation litigieuse risquerait d’entraîner des dangers et inconvénients dans le cadre de l’utilisation agricole de leurs terrains qui serviraient actuellement au pâturage de bétail à différents moments de l’année, de même que, ces terrains se trouvant en zone constructible, ils subiraient, en raison des nuisances supplémentaires engendrées, incontestablement une dévaluation et deviendraient de ce fait impropres à la construction pour un usage personnel.

A titre subsidiaire, ils soulignent qu’ils n’habitent effectivement qu’à 200 mètres de l’établissement projeté et risqueraient ainsi de subir un préjudice individualisé, notamment en raison de l’augmentation des nuisances de bruits et de gaz engendrée par l’augmentation de la fréquentation de la nouvelle station service.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du Gouvernement signale que la simple qualité de propriétaire d’une parcelle contiguë ou se trouvant dans les environs immédiats par rapport à celle faisant l’objet d’une décision litigieuse ne serait pas suffisante en tant que telle pour générer à elle seule l’intérêt à agir, et que la notion de « proximité suffisante » des propriétaires ou habitants par rapport à une installation insalubre ou incommode serait, entre autres, fonction de l’envergure de l’installation en cause et de l’importance des nuisances ou risques de nuisances qui peuvent en émaner.

Toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin (cf. trib. 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm. 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas. adm. 2002, Procédure contentieuse, n° 15 et autres références y citées, p. 445).

En l’espèce, il est constant que les demandeurs ne résident pas à proximité immédiate de l’établissement litigieux, mais au lieu-dit … à une distance par eux indiquée de 200 mètres.

Force est de constater que par rapport à leur lieu de résidence, les demandeurs ne justifient pas d’un intérêt à agir suffisant, alors qu’ils restent en défaut de prouver en quoi le projet de modernisation litigieux engendrerait dans leur chef des inconvénients particuliers traduisant une aggravation concrète par rapport à l’état actuel, étant entendu qu’ils n’ont pas de vue directe sur la station et que leur lieu de résidence s’en trouve séparé notamment par un espace boisé consistant.

Il y a dès lors lieu d’examiner si, en leur qualité de propriétaires de deux autres terrains situés dans les alentours immédiats et dans la même zone commerciale que celui devant accueillir la station service modernisée, ils justifient d’un intérêt à agir en l’espèce, étant entendu que les terrains concernés ne sont à l’heure actuelle pas encore affectés à la construction et que les demandeurs ne font état à l’appui de leur recours ni d’un projet de construction concrètement arrêté, ni encore d’une utilisation effective à des fins personnelles des terrains concernés.

Afin de déterminer si le projet litigieux est de nature à entraîner une aggravation concrète de la situation de voisins des demandeurs, il y lieu de l’examiner au regard des inconvénients supplémentaires de voisinage éventuels engendrés par rapport à l’état existant.

En effet, s’agissant non pas d’une autorisation relative à la construction d’une nouvelle station à l’endroit litigieux, mais d’un projet de modernisation d’une station existante, fonctionnant à l’heure actuelle sous le couvert d’une autorisation d’exploitation valable, d’après les informations fournies en cause, jusqu’en 2011, seule une aggravation de la situation en droit antérieure pour les demandeurs par rapport à l’installation globalement considérée est susceptible de leur valoir la reconnaissance d’un intérêt à agir en l’espèce, étant donné que le principe même de l’existence, à proximité immédiate de leur terrain, d’une station essence avec shop ne saurait plus être utilement remis en cause à travers le recours sous examen.

Concernant d’abord le préjudice allégué entrevu à partir des nuisances supplémentaires éventuelles engendrées par l’établissement à travers sa forme nouvellement autorisée, il y a lieu de distinguer, d’un côté, entre l’augmentation alléguée de la circulation par l’effet de l’adjonction d’une colonne de distribution par rapport aux quatre colonnes actuellement autorisées, ainsi que par l’agrandissement du shop et, d’un autre côté, les nuisances supplémentaires liées à l’activité même de la prise d’essence.

Tel que relevé ci-avant tant le terrain litigieux que ceux des demandeurs en raison desquels ils entendent effectivement établir leur intérêt à agir, sont situés en zone commerciale définie par les dispositions de l’article 2.1.1 de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Kopstal versée au dossier, comme étant destinée à affirmer les centres des localités et comprenant, outre les habitations, les établissements commerciaux et culturels.

Dans la mesure où la zone ainsi définie a vocation à abriter des activités commerciales, l’argument basé sur une augmentation du trafic engendrée par un éventuel accroissement des activités commerciales sur un site d’ores et déjà affecté à cette fin, ne saurait être utilement retenu pour justifier à lui seul un intérêt à agir dans le chef du propriétaire d’un terrain voisin relevant de surcroît de la même zone destinée par essence à accuser le cas échéant une circulation plus intense par l’effet des activités commerciales pouvant y être exercées et susceptibles de s’analyser en clientèle de passage d’autant plus importante pour les activités commerciales à exercer dans cette zone et le cas échéant sur les terrains des demandeurs.

Concernant ensuite les nuisances liées directement à l’activité de distribution d’essence, force est encore de constater que le projet litigieux a essentiellement pour but de moderniser la station telle qu’elle se présente actuellement à travers notamment la mise en place d’une installation de récupération des gaz plus performante que celle actuellement exploitée, de sorte que par rapport à l’amélioration technique apportée au niveau de l’exploitation globalement concernée, l’adjonction d’un distributeur multi-produits à deux côtés aux quatre distributeurs doubles d’ores et déjà exploités et autorisés suivant des standards technologiques plus anciens, ne saurait être considérée comme apportant une aggravation de la situation de voisins des demandeurs, ceci d’autant plus que les nouvelles conditions d’exploitation fixées se rapportent à l’établissement globalement considéré et apporteront dans cette mesure une amélioration considérable.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs ne font pas état en l’espèce d’un intérêt à agir suffisant en leur qualité de propriétaires des parcelles non bâties cadastrées sous les numéros 72/1140 et 118/1280.

Le recours est partant irrecevable.

Par ces motifs, Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours irrecevable, condamne les parties demanderesses aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2003 par:

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : s15631,15808
Date de la décision : 14/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-14;s15631.15808 ?

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