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14/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15976

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2003, 15976


Tribunal administratif N° 15976 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2003 Audience publique du 14 juillet 2003

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Recours formé par Madame … et son fils, Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15976 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2003 par Maître Marc MODE

RT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, née le … à...

Tribunal administratif N° 15976 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2003 Audience publique du 14 juillet 2003

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Recours formé par Madame … et son fils, Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15976 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2003 par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, née le … à Tirana (Albanie), sans état particulier, et de son fils, Monsieur …, né le … à Tirana, sans état particulier, les deux de nationalité albanaise, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 30 décembre 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2003 ;

Vu la lettre de Maître MODERT du 24 juin 2003 informant le tribunal de ce que la défense des intérêts des demandeurs serait dorénavant assurée par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 24 mars 1997, Mme …, de nationalité albanaise, sollicita oralement la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Après avoir été entendue en date des 25 et 27 mars 1997 par un agent du ministère de la Justice, sur les motifs à la base de sa demande et sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 17 juillet 1997, le ministre de la Justice l’informa, par lettre du 13 août 1997, que sa demande était rejetée comme étant manifestement infondée.

Le 12 septembre 1997, Mme … introduisit un recours contentieux à l’encontre de la décision ministérielle du 13 août 1997.

Ce recours fut déclaré non justifié et rejeté par le tribunal administratif par jugement du 10 octobre 1997.

Suite à une intervention de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture du 12 décembre 1998 sollicitant une autorisation de séjour en faveur de Mme … et de son fils « pour raison humanitaire, ne serait-ce que pour le temps nécessaire à une clarification de sa situation familiale », le ministre de la Justice leur accorda par décision du 7 janvier 1999 un permis de séjour valable jusqu’au 5 janvier 2000. Ledit permis de séjour fut prorogé jusqu’au 31 décembre 2000 par décision du 14 janvier 2000.

Par lettre du 14 août 2000, le ministre de la Justice informa Mme … de ce qui suit : « En date du 7 janvier 1999, je vous accordais ainsi qu’à votre fils …, une autorisation de séjour pour raisons humanitaires. Cette autorisation était prolongée pour une année le 14 janvier 2000.

Or, je viens d’être informé par Madame le Commissaire du Gouvernement aux étrangers que votre comportement, ainsi que celui de votre fils sont loin d’être sans reproches.

Ainsi, non seulement vous continuez à habiter au Foyer Don Bosco, destiné en principe à l’accueil des demandeurs d’asile, mais vous refusez les ordres du responsable.

De même, votre fils … s’amuse à conduire une voiture sur le parking du foyer, alors que beaucoup d’enfants en bas âge habitent au foyer. Votre fils a également mis hors fonctionnement le système d’alarme incendie du foyer et a même affirmé qu’il continuera à faire à sa guise. Je constate en outre que votre fils a fait l’objet de deux procès-verbaux de la Police pour vol et coups et blessures volontaires.

Je tiens à souligner que si une autorisation de séjour pour motifs humanitaires vous a été accordée, cette autorisation ne sera plus renouvelée à son terme, à savoir le 31 décembre 2000, si votre comportement ainsi que celui de votre fils n’auront pas changé d’ici là ».

Par lettre du 7 février 2001, ledit ministre adressa un autre courrier à Mme … pour l’informer de ce qui suit : « J’ai l’honneur de vous rappeler que le 7 janvier 1999, je vous accordais ainsi qu’à votre fils …, une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires. Cette autorisation était prolongée pour une année le 14 janvier 2000.

Je vous rappelle également que l’autorisation de séjour vous avait été accordée sur base d’un jugement du tribunal du district de Tirana du 22 décembre 1997 par lequel vous auriez été condamnée à une peine d’emprisonnement de 5 ans.

Or, des recherches effectuées dans votre pays d’origine ont révélé que le jugement produit constitue un faux.

En outre, le Service de Police Judiciaire vient de m’informer que vous hébergez des personnes en séjour irrégulier.

Je constate donc que non seulement votre comportement n’a pas changé depuis mon courrier du 14 août 2000, mais en outre, vous avez abusé de l’hospitalité du Luxembourg en fournissant des pièces falsifiées.

Dès lors, j’envisage de ne plus prolonger l’autorisation de séjour qui vous avait été accordée jusqu’au 31 décembre 2000 ».

Par jugement du 21 février 2001, le tribunal de la Jeunesse près du tribunal d’arrondissement de Diekirch condamna M. … à une réprimande et une interdiction de conduire un véhicule automoteur pour une durée de 6 mois et le soumit à l’obligation d’effectuer une mesure philanthropique pour une durée de 30 demi-journées pour conduite d’une voiture automobile sans être titulaire d’un permis de conduire valable, ne pas s’être comporté raisonnablement et prudemment et ne pas avoir conduit de façon à rester maître de son véhicule ainsi que pour coups et blessures volontaires, en l’occurrence pour avoir donné un coup de poing au visage du délégué aux réfugiés, directeur du foyer Don Bosco, où il résidait à l’époque des faits avec sa mère.

Par décision du 8 août 2001, le ministre de la Justice refusa de prolonger le permis de séjour antérieurement accordé aux consorts …. Ce refus est motivé comme suit : « Je constate que vous n’avez toujours pas fourni de preuve quant à l’authenticité du jugement du tribunal du district de Tirana du 22 décembre 1999 [sic] que vous avez produit lors de votre procédure d’asile.

En outre, plusieurs rapports de police me renseignent sur le fait que vous Monsieur, vous avez commis plusieurs délits sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et ceci après réception de ma lettre du 14 août 2000 par laquelle je vous ai informé que votre comportement serait loin d’être sans reproches.

Dans ces circonstances votre présence prolongée sur le territoire du Luxembourg constitue un grave danger pour l’ordre public ».

Suite à un recours gracieux des consorts …, introduit par lettre de leur mandataire du 5 octobre 2001, le ministre confirma sa décision du 8 août 2001 par lettre du 21 novembre 2001.

Par requête déposée en date du 23 octobre 2001, les consorts … introduisirent un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 8 août 2001 par laquelle leur autorisation de séjour n’a pas été prolongée.

Par une deuxième requête déposée le 20 févier 2002, ils firent encore introduire un recours dirigé contre la décision initiale du 8 août 2001 et contre la décision confirmative dudit ministre du 21 novembre 2001.

Par jugement du 16 mai 2002, le tribunal administratif, joignant les deux affaires, reçut les deux recours en la forme, mais les déclara non justifiés et les rejeta. Cette décision fut notamment motivée sur ce que le ministre de la Justice pouvait légalement refuser le renouvellement du permis de séjour provisoire des consorts … sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant: 1° l’entrée et le séjour des étrangers; 2° le contrôle médical des étrangers; 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, étant donné que les consorts … n’avaient pas justifié qu’ils disposaient de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis et que le comportement de M. … se dégageant du dossier administratif, notamment les faits ayant abouti à sa condamnation précitée du 21 février 2001 par le tribunal de la Jeunesse près du tribunal d’arrondissement de Diekirch, étaient d’une gravité incontestable, de sorte que le ministre de la Justice n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait en ce qu’il a estimé que lesdits faits dénotaient à suffisance de droit un comportement sinon un risque de comportement de M. … compromettant l’ordre et la sécurité publics et qu’ils constituaient des indices suffisants sur base desquels le ministre a pu conclure à l’existence d’un risque sérieux qu’il continuera à constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics à l’avenir.

Faisant suite à une demande introduite déjà en date du 13 juillet 2001 par les consorts … auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, dénommé ci-après le « service commun », en précisant appartenir à la catégorie C, telle que décrite dans la brochure intitulée « régularisation du 15.3 au 13.7.2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg », éditée par le service commun, dénommé ci-après la « brochure », en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour, au motif qu’ils résideraient au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins, les ministres de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi rejetèrent cette demande par lettre du 30 décembre 2002 au motif que ni les conditions légales prévues par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, ni celles prévues par les « directives applicables en matière de régularisation » se trouveraient réunies.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2003, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 décembre 2002.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Dans leur requête introductive d’instance, les demandeurs critiquent le motif basé sur un défaut de moyens d’existence et ils soutiennent être en mesure de subvenir à leurs besoins de subsistance.

Ce moyen laisse d’être fondé, étant donné que l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour » et que ni la volonté de s’adonner à une activité rémunérée, ni une expectative d’un travail, non autorisé par une décision préalable du ministre du Travail et de l’Emploi, ni encore le revenu provenant d’une relation salariale effectivement exercée en violation de la réglementation spécifique, ne sauraient constituer des moyens de subsistance personnels légalement perçus au sens de l’article 2 précité et la décision déférée est légalement justifiée par ce motif.

Pour le surplus, les éléments du dossier ne font pas ressortir à suffisance de droit une raison empêchant les demandeurs à mener une vie indépendante dans leur pays d’origine, ni en quoi leur retour dans leur pays d’origine serait pour eux une source de danger.

En termes de plaidoiries, le mandataire des demandeurs a encore soutenu que ses mandants documenteraient résider au Luxembourg depuis 1997, de sorte qu’ils rempliraient les conditions de la catégorie C de la brochure et devraient être obligatoirement régularisés de ce chef.

Ce moyen laisse d’être fondé, au motif que, abstraction faite de toute considération quant à la légalité de la brochure destinée à la régularisation des sans papiers, force est de constater que cette brochure vise à organiser la régularisation des personnes séjournant illégalement sur le territoire luxembourgeois, mais non pas à remettre en cause le pouvoir des autorités compétentes à procéder à un retrait ou à une révocation d’un permis de séjour une fois délivré, c’est-à-dire à revenir sur des permis de séjour qui ont pu être émis, notamment dans le cadre d’une régularisation d’une situation irrégulière. Or, les demandeurs, qui incontestablement se trouvent en séjour irrégulier au pays, ne se trouvent pas dans la situation visée par la brochure, pour la simple raison qu’ils avaient été régularisés dans le passé et le fait que, par deux décisions ministérielles des 8 août 2001 et 21 novembre 2001, qui ne font pas l’objet de la présente affaire, mais du jugement précité du 16 mai 2002, ils ont été déchus de leur droit de séjour ne saurait les replacer dans la situation visée par la brochure.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre la décision ministérielle litigieuse doit être déclaré non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15976
Date de la décision : 14/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-14;15976 ?

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