La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15753

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2003, 15753


Numéro 15753 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 décembre 2002 Audience publique du 14 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15753 du rôle, déposée le 18 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent NIEDNER, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ouvrier, né le 4...

Numéro 15753 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 décembre 2002 Audience publique du 14 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15753 du rôle, déposée le 18 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent NIEDNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ouvrier, né le 4 juillet 1963, de nationalité brésilienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 septembre 2002 portant refus de la délivrance d’un permis de travail pour un poste de tourneur-fraiseur auprès de la société … s.à r.l., ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 28 novembre 2002 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2003;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2003 par Maître Laurent NIEDNER pour compte de Monsieur…;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Laurent NIEDNER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mai 2003.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par déclaration d’engagement du 17 avril 2002, Monsieur …, préqualifié, et la société à responsabilité limitée …, établie à… , soumirent à l’administration de l’Emploi (ADEM) une demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur… pour occuper auprès de la société … un poste de tourneur-fraiseur sur machines CNC.

En date du 31 juillet 2002, la société … adressa à l’ADEM une déclaration de place vacante pour un emploi de tourneur avec qualification de commande CNC disposant d’une expérience professionnelle d’au moins 10 années à engager sous contrat à durée déterminée.

Suite à l’avis négatif émis le 4 septembre 2002 par la commission d’avis spéciale, le ministre du Travail et de l’Emploi, par arrêté n° 44.661 du 19 septembre 2002, rejeta cette demande aux motifs suivants :

« Le permis de travail est refusé à…, né le …, de nationalité brésilienne, pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 7 tourneurs-

fraiseurs inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi et 4 personnes ont été assignées à l’employeur - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (EEE) - a fait usage de faux papiers d’identité ».

Le recours gracieux introduit par courrier de son mandataire du 3 octobre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 28 novembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 18 décembre 2002.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaurent un recours au fond en matière de refus de permis de travail, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il convient en premier lieu de relever qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu'un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

En l’espèce, au-delà des motifs invoqués dans l’arrêté ministériel du 19 septembre 2002 à la base du refus y retenu, le délégué du Gouvernement a soumis à travers son mémoire en réponse le motif complémentaire tiré du recrutement à l'étranger non autorisé, fondé sur l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l'organisation et le fonctionnement de l'administration de l'Emploi et portant création d'une commission nationale de l'emploi. Il fait valoir que le demandeur n’aurait jamais obtenu une autorisation de séjour au Luxembourg et qu’en date du 18 juillet 2001, le ministre de la Justice aurait émis un arrêté de refus d’entrée et de séjour à son encontre suite à l’usage de faux papiers d’identité. Dans la mesure où le demandeur devrait dès lors, au vu de son séjour illégal, être considéré comme ayant été recruté à l’étranger et où son employeur n’aurait pas respecté l’obligation d’obtenir auprès de l’ADEM l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger, le refus de permis de travail déféré serait justifié sur base de ce seul motif.

Le demandeur fait répliquer que cette allégation d’un recrutement à l’étranger serait fausse, puisqu’il aurait résidé au pays et travaillé auparavant comme travailleur intérimaire chez la société … « de façon tout à fait légale ».

Le tribunal, sur base des pièces et renseignements qui ont été mis à sa disposition, constate que le demandeur n’a pas établi qu'à la date de sa demande en obtention du permis de travail et, plus particulièrement, au moment de la prise des décisions ministérielles critiquées, il a disposé d'un titre de séjour valable pour le Grand-Duché de Luxembourg. Le délégué du Gouvernement se prévaut d’un autre côté d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour du ministre de la Justice du 18 juillet 2001 dont la réalité n’est pas autrement contestée par le demandeur. Il s’ensuit que le demandeur doit être considéré comme n’ayant pas séjourné légalement au pays tant au moment du dépôt de la déclaration d’engagement du 17 avril 2002 qu’à celui de la prise des décisions litigieuses.

Or, un travailleur n'ayant pas d'autorisation de séjour valable au Grand-Duché de Luxembourg est à considérer comme ayant été recruté à l'étranger (cf. Cour adm. 7 novembre 2000, … , n° 11962C du rôle, Pas. adm. v° Travail, n° 41).

En effet, l'article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 précitée précise que le recrutement de travailleurs à l'étranger est de la compétence exclusive de l'ADEM, sauf l'exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d'action de l'administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-

d'oeuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles ad. art. 16).

En l’espèce, au vœu des dispositions de l'article 16 (2) précité, l'employeur ayant eu l'intention d'engager le demandeur, non ressortissant d'un pays de l'Union Européenne ou d'un pays faisant partie de l'Espace Economique Européen, aurait dû solliciter en premier lieu auprès de l'ADEM l'autorisation de recruter un travailleur à l'étranger.

Cette obligation est corroborée par les dispositions du même article 16 à travers son paragraphe (1) fixant le principe pour l'administration de l'Emploi d'un monopole en vue de procéder au recrutement des travailleurs en dehors de l'Espace Economique Européen pour les raisons « inhérentes à la surveillance du marché d'emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l'ordre public et la sécurité publique, enfin dans l'intérêt de la protection de l'emploi et de la main-d'œuvre occupé dans le pays » (doc. parl. n° 1682 loc.cit).

Par voie de conséquence, l'arrêté ministériel déféré est légalement justifié par le seul motif de refus tenant au recrutement non autorisé à l'étranger de la partie demanderesse par l’employeur intéressé, abstraction faite du caractère pertinent ou non des autres motifs invoqués à sa base, entraînant que l'analyse des moyens proposés y relativement devient à son tour surabondante.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2003 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15753
Date de la décision : 14/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-14;15753 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award