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14/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15677

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2003, 15677


Tribunal administratif N° 15677 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 décembre 2002 Audience publique du 14 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur … et la société à responsabilité limitée T.

contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15677 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2002 par Ma

ître Carine THIEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsie...

Tribunal administratif N° 15677 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 décembre 2002 Audience publique du 14 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur … et la société à responsabilité limitée T.

contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15677 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2002 par Maître Carine THIEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, et de la société à responsabilité limitée T., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonction, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 25 septembre 2002 refusant à Monsieur … la délivrance d’un permis de travail ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté attaqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Astrid BUGATTO, en remplacement de Maître Carine THIEL, en ses plaidoiries.

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Par arrêté du 25 septembre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », refusa le permis de travail à Monsieur … pour un emploi de couvreur auprès de la société à responsabilité limitée T., ci-après dénommée la « société T. » « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

-

des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1611 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

occupation irrégulière depuis le (sic !) -

ordre de quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg du 13.03.2001 ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2002, Monsieur … et la société T. ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 25 septembre 2002.

Il convient de relever que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoi que valablement informé par une notification par la voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance des demandeurs, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse.

Nonobstant ce fait, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Ceci étant, il convient encore de rappeler que, bien que les demandeurs ne se trouvent pas confrontés à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal, outre de vérifier s’il est compétent pour connaître du recours et si ce dernier est recevable, doit examiner les mérites du ou des différents moyens soulevés, cet examen comportant entre autres, le cas échéant, un contrôle de l’applicabilité de la disposition légale invoquée par le ministre aux données factuelles apparentes de l’espèce, c’est-à-dire qu’il doit qualifier la situation de fait telle qu’elle apparaît à travers les informations qui lui ont été soumises par rapport à la règle légale applicable.

Aucune disposition légale ne donnant compétence au tribunal administratif pour statuer au fond en matière de permis de travail, seul un recours en annulation a pu être introduit par les demandeurs.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Comme le tribunal n’est pas tenu par l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par les demandeurs dans leur requête introductive d’instance, il lui appartient en l’espèce, d’analyser en premier le moyen ayant trait à la régularité externe de la décision litigieuse par rapport à ceux ayant trait à la régularité interne de celle-ci. Dans cet ordre d’idées, il y a d’abord lieu de prendre position sur le moyen invoqué en dernière instance par les demandeurs et tiré d’une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce que la décision litigieuse se serait bornée à reprendre comme motifs des formules générales et abstraites prévues par la loi, sans tenter de préciser concrètement comment, dans le cas d’espèce, des raisons de fait permettraient de justifier la décision en question, un tel défaut d’indication des motifs équivalant à une absence de motivation qui mettrait le juge administratif dans l’impossibilité de contrôler la légalité de l’acte.

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base. La motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, et il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus (cf. Cour adm. 13 janvier 1998, n° 10241C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Travail, n° 29 et autres références y citées).

En l’espèce, l’arrêté ministériel litigieux du 25 septembre 2002 énonce 5 motifs tirés notamment de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, de manière à suffire aux exigences de l’article 6 précité, de sorte que les demandeurs n’ont pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision déférée.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que Monsieur … disposerait d’un diplôme comme métallurgiste, ainsi que d’un diplôme comme instituteur d’école primaire, qu’il aurait travaillé pendant un an auprès d’une entreprise de toiture au Luxembourg, qu’il est affilié auprès du Centre commun de la sécurité sociale depuis le 5 août 2002 et que depuis la même date, il travaillerait auprès de la société T. en tant que couvreur.

En droit, les demandeurs font notamment soutenir que l’omission de déclarer la vacance d’un poste ne saurait justifier de plein droit le refus d’un permis pour un travail spécifique.

Ils soutiennent encore qu’une occupation irrégulière ne saurait pas non plus justifier le refus de délivrance d’un permis de travail, étant donné qu’il n’existerait aucune disposition légale ou réglementaire qui autoriserait l’administration à refuser un permis de travail au motif que le travailleur a été occupé irrégulièrement.

En outre, ils reprochent au ministre du Travail et de l’Emploi d’avoir basé son refus sur la priorité à accorder aux ressortissants de l’union européenne, en faisant état de ce qu’il n’était pas dans l’intention de la société T. d’engager exclusivement Monsieur … à l’exclusion des ressortissants de l’Espace Economique Européen. Pour le surplus, ils soutiennent que Monsieur … disposerait « exactement des qualités recherchées » par la société T. pour le poste en question, de sorte qu’il ne suffirait pas pour l’administration de l’Emploi de se borner à faire état d’autres ouvriers non qualifiés inscrits aux bureaux de l’administration de l’Emploi pour en conclure, sans prouver leur aptitude à occuper le poste vacant et sans procéder à des assignations de candidats devant bénéficier d’une priorité à l’emploi, que ces personnes seraient aptes et qualifiées afin d’occuper le poste en question. L’administration serait ainsi restée en défaut de rapporter la preuve de la présence de main-d’œuvre disponible et prioritaire.

Il échet de relever qu’en l’espèce, l’arrêté ministériel litigieux du 25 septembre 2002 énonce 5 motifs de refus tirés notamment de la législation sur l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, parmi lesquels figure la non-déclaration du poste vacant par l’employeur.

Il échet de relever que le motif de refus de délivrance d’un permis de travail à Monsieur …, tiré de l’absence de déclaration de poste vacant a valablement pu être invoqué par le ministre à la base de la décision litigieuse, en se référant à l’article 10 (1) du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans la teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999.

En effet, ladite disposition réglementaire dispose en son deuxième alinéa que « la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’Administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Il échet de relever que la formalité de la déclaration de vacance de poste se justifie dans la mesure où, par l’accomplissement de cette formalité administrative, l’administration de l’Emploi est mise en mesure d’établir la disponibilité concrète sur le marché de l’emploi de demandeurs d’emploi prioritaires, suivant l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, aptes à occuper le poste vacant, en assignant le cas échéant à l’employeur en question des ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen bénéficiant d’une priorité à l’embauche, susceptibles de remplir concrètement les fonctions ainsi déclarées vacantes.

En l’espèce, il est constant en cause, pour ressortir non seulement des pièces et éléments du dossier, mais également des explications fournies par les demandeurs dans leur requête introductive d’instance, qu’avant l’engagement de Monsieur … en date du 5 août 2002 la société T. n’a pas préalablement déclaré le poste vacant.

Etant donné que la décision se justifie par le seul motif analysé ci-dessus, l’examen des moyens ayant trait aux autres motifs sur lesquels le ministre a encore fondé sa décision de refus, devient surabondant. Le recours en annulation est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15677
Date de la décision : 14/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-14;15677 ?

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