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14/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15528

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2003, 15528


Tribunal administratif N° 15528 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2002 Audience publique du 14 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15528 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2002 par Maître Fara CHORFI, avocat à la Cour, inscrite au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, d...

Tribunal administratif N° 15528 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2002 Audience publique du 14 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15528 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2002 par Maître Fara CHORFI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 9 août 2002 lui refusant l’octroi d’un permis de travail ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 8 avril 2003 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2003 ;

Vu le mémoire en triplique déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Canan CETIN, en remplacement de Maître Fara CHORFI, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 9 août 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », refusa le permis de travail à Monsieur … pour un emploi d’« homme à tout faire » auprès de la société à responsabilité limitée B. « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

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des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1587 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

occupation irrégulière depuis de 02.04.2001 -

ordre de quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg du 17.07.2002 ».

Le tribunal est en premier lieu appelé à examiner le moyen soulevé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg dans son mémoire en duplique tendant à voir écarter des débats le mémoire en réplique de Maître CHORFI, au motif que celui-ci n’aurait pas été déposé dans le délai légal. – Dans ce contexte, il est indifférent que ce moyen a été soulevé dans un mémoire qui, le cas échéant, devra être écarté, étant donné que ce moyen a trait à l’ordre public et doit en tant que tel être soulevé d’office par le tribunal.

Dans son mémoire en triplique, le demandeur prend position par rapport à ce moyen, en soutenant que dans la mesure où cette affaire serait liée à celle inscrite sous le numéro 15442 du rôle et portant sur un recours contentieux en matière d’autorisation de séjour, et que dans cette dernière affaire une enquête de police aurait eu lieu et des pièces supplémentaires auraient été exigées de la part de l’Etat, il n’aurait pas été en mesure de déposer dans le délai légal son mémoire en réplique, étant donné que dans ce mémoire il aurait souhaité prendre position par rapport à ce complément d’instruction administrative effectué au cours de la procédure contentieuse. Il estime qu’il aurait partant été dans l’intérêt d’une bonne instruction de son recours, de retarder le dépôt de son mémoire en réplique.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que « (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5, paragraphe (7) de la loi précitée du 21 juin 1999 ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999, que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi est à considérer comme étant d’ordre public pour toucher à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

Dans la mesure où le mémoire en réponse de la partie défenderesse, à savoir l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, a été notifié par la voie du greffe au demandeur en date du 10 janvier 2003, le dépôt du mémoire en réplique a dû intervenir pour le 10 février 2003 au plus tard. Or, le mémoire en réplique n’a été déposé au greffe du tribunal administratif qu’en date du 8 avril 2003, c’est-à-dire qu’il n’est pas intervenu dans le délai d’un mois tel que prévu par la loi. Par conséquent, à défaut d’avoir été déposé dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique des débats.

Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en duplique de la partie défenderesse, lequel ne constitue qu’une réponse à la réplique fournie.

Cette conclusion ne saurait être énervée par l’argumentation présentée par le demandeur afin d’expliquer le dépôt tardif de son mémoire en réplique, étant donné que celle-ci ne saurait pas justifier une dérogation par rapport à l’article 5, paragraphe (7) de la loi précitée du 21 juin 1999, qui réglemente de manière limitative les seuls cas dans lesquels une prorogation unique notamment du délai pour déposer un mémoire en réplique peut être accordée par le président du tribunal administratif, une demande afférente devant nécessairement être introduite auprès dudit président au plus tard huit jours avant l’expiration du délai dans lequel ledit mémoire en réplique a dû être déposé au greffe du tribunal administratif. Admettre une dérogation à cette disposition légale, comme le souhaite le demandeur, aurait pour conséquence de vider ladite disposition de sa substance, ce qui n’a manifestement pas pu être envisagé par le législateur.

Pour le surplus, il y a également lieu d’écarter des débats le mémoire qualifié de mémoire en duplique, mais qui constitue en réalité un mémoire en triplique, déposé par le demandeur en date du 2 mai 2003 au greffe du tribunal administratif, au motif que conformément à l’article 7, alinéa 1er, de la loi précitée du 21 juin 1999, chaque partie ne pourra déposer que deux mémoires dans une instance pendante devant le tribunal administratif, y compris la requête introductive et que le mémoire litigieux constitue un troisième mémoire dont le dépôt n’a par ailleurs pas été autorisé par le président du tribunal ou le président de la chambre appelée à connaître de l’affaire, suivant l’alinéa 3 du même article 7.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de l’arrêté ministériel précité du 9 août 2002.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande subsidiaire en réformation de la décision critiquée.

Partant, seul un recours en annulation, recours de droit commun, a pu être introduit contre la décision sous examen.

Le recours en annulation, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre d’avoir refusé le renouvellement de son permis de travail par la décision litigieuse, alors qu’il résiderait depuis de « nombreuses années » au Luxembourg et qu’il aurait occupé son emploi auprès de la société B. « à la plus grande satisfaction de son employeur depuis 1 an et demi », de sorte que le ministre aurait commis une violation manifeste de la loi en se basant sur une appréciation erronée des faits de l’espèce, ainsi que des pièces versées en cause. Il lui reproche plus particulièrement d’avoir retenu, comme motifs de refus de délivrance d’un permis de travail, les faits qu’il aurait été occupé irrégulièrement par la société B. depuis un an et demi et qu’il s’est vu refuser le renouvellement de son autorisation de séjour, cette dernière décision serait d’ailleurs intervenue à titre tout à fait « injustifié et non fondé ».

Il estime que la délivrance d’un permis de travail en sa faveur lui aurait été essentiellement refusée en raison du refus, par le ministre de la Justice, intervenu en date du 17 juillet 2002, de lui délivrer une autorisation de séjour, en soutenant que les autres motifs invoqués à l’appui de la décision sous analyse ne constitueraient en réalité que des motifs « secondaires ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement précise tout d’abord qu’il ne saurait être question d’une décision de non renouvellement d’un permis de travail antérieurement délivré, en ce que Monsieur … n’aurait jamais bénéficié d’un permis de travail au Luxembourg, de sorte à ce que la demande qu’il avait fait parvenir à l’administration de l’Emploi en date du 25 juin 2001, par le dépôt d’une déclaration d’engagement en vue de son recrutement par la société B, aurait constitué une demande tendant à la délivrance d’un premier permis de travail au Luxembourg. Pour le surplus, il conclut à une motivation correcte et suffisante de la décision sous analyse, en précisant plus particulièrement que la situation sur le marché du travail luxembourgeois serait mauvaise, de sorte qu’il y aurait lieu de réserver les emplois disponibles aux personnes inscrites auprès de l’administration de l’Emploi. Il soutient en outre que les ouvriers non qualifiés inscrits auprès de ladite administration, seraient parfaitement capables d’exercer la fonction de « homme à tout faire », ne nécessitant aucune qualification particulière, de sorte que les 1587 personnes non qualifiées inscrites auprès de l’administration de l’Emploi, c’est-à-dire concrètement à la recherche d’un emploi, auraient pu accomplir le travail en question. Quant à l’obligation de déclarer le poste vacant, le représentant étatique se réfère au règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tel que modifié par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999.

En ce qui concerne l’ordre de quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg tel que décidé par le ministre de la Justice en date du 17 juillet 2002, le représentant étatique précise que le même ministre a émis en date du 17 décembre 2002 un arrêté refusant l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à Monsieur … en ordonnant une mesure de placement à son encontre. Il ajoute que contrairement à la position défendue par le demandeur, le refus de délivrance d’une autorisation de séjour, ainsi qu’une décision de refus d’entrée et de séjour sur le territoire luxembourgeois constitueraient un motif de refus du permis de travail, en vertu de l’article 10, paragraphe (3) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, étant donné que dans la mesure où cette disposition réglementaire prévoit le retrait obligatoire du permis de travail en cas de retrait de l’autorisation de séjour, il en découlerait qu’a fortiori un permis de travail ne pourrait pas être délivré en cas de refus d’une autorisation de séjour.

Il échet de relever qu’en l’espèce, l’arrêté ministériel critiqué du 9 août 2002 énonce 5 motifs de refus tirés notamment de la législation sur l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, parmi lesquels figure la non déclaration du poste vacant par l’employeur.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au bien-fondé de ce motif de refus de délivrance d’un permis de travail à Monsieur …, en soutenant que le motif en question, tiré de l’absence de déclaration du poste vacant, a valablement pu être invoqué par le ministre à la base de la décision litigieuse, en se référant à l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, dans la teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999.

En effet, ladite disposition réglementaire dispose en son deuxième alinéa que « la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’Administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Il échet de relever que la formalité de la déclaration de vacance de poste se justifie dans la mesure où, par l’accomplissement de cette formalité administrative, l’administration de l’Emploi est mise en mesure d’établir la disponibilité concrète sur le marché de l’emploi de demandeurs d’emploi prioritaires, suivant l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, aptes à occuper le poste vacant, en assignant le cas échéant à l’employeur en question des ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen bénéficiant d’une priorité à l’embauche, susceptibles de remplir concrètement les fonctions ainsi déclarées vacantes.

En l’espèce, il est constant en cause, pour ne pas être contesté par le demandeur, qui reconnaît expressément avoir travaillé auprès de la société B. depuis un an et demi avant l’émission du refus de délivrance d’un permis de travail, que l’employeur n’a pas préalablement déclaré le poste vacant.

Etant donné que la décision se justifie par le seul motif analysé ci-dessus, l’examen des moyens ayant trait aux autres motifs sur lesquels le ministre a encore fondé sa décision de refus, devient surabondant. Le recours en annulation est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

écarte des débats les mémoires en réplique, en duplique et en triplique ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15528
Date de la décision : 14/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-14;15528 ?

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